Le dispositif militaire américain sera prêt fin janvier début février 2003
NEW YORK
de notre correspondant

La Maison Blanche a beau réaffirmer ne
pas prendre de décision sur une offensive contre
Bagdad avant fin janvier 2003, l’ampleur
et l’accélération des préparatifs militaires laissent
peu de doutes sur ses intentions. En visite
en Afghanistan sur la base de Bagram,
samedi 21 décembre, le général Richard
Myers, chefd’état-major interarmées américain,
a été explicite : « Notre travail est d’être
prêts à faire ce que le président nous demande.
Nous serons prêts, quel que soit le mois »
.
Tony Blair, le premier ministre britannique,
a prévenu les troupes britanniques lors
de son adresse à l’occasion de Noël de « se
tenir prêtes »
. George Bush a annulé un voyage
en Afrique le mois prochain et autorisé
l’envoi de 50 000 hommes supplémentaires
dans le Golfe, dont des dizaines de milliers de
réservistes. A la fin janvier, plus de 100 000
soldats américains seront dans la région et
d’autres renforts pourraient suivre.
Deux cargos militaires chargés de matériel,
et notamment d’hélicoptères, ont quitté
les Etats-Unis la semaine dernière pour le
Golfe. Les manœuvres organisées samedi et
dimanche au Koweït, à quelques kilomètres
de la frontière irakienne, ont été les plus
importantes depuis 1991, réunissant plus de
12 000 hommes et des centaines de véhicules.
Fait plutôt rare, les journalistes ont pu
suivre et diffuser beaucoup d’images de la
démonstration de force.
L’Arabie saoudite se sent aussi concernée.
Samedi, les sirènes ont retenti lors d’un exercice
d’alerte dans le pays, le premier depuis dix
ans. Ahmad Chalabi, du Congrès national irakien,
la force d’opposition la plus proche des
Etats-Unis, a déclaré le même jour qu’une
guerre était « imminente ». Le New York Times
du 22 décembre affirme que des agents de la
CIA travaillent depuis des semaines avec les
Kurdes dans le nord de l’Irak et ont recruté et
entraîné éclaireurs et traducteurs.
(...)


dessin de Pessin Le Monde 24/12/2002

Moins anecdotiques, les détails du calendrier
et des stratégies militaires commencent
à se préciser, sans qu’il soit possible de toujours
distinguer le plausible de la manipulation.
En tout cas, Américains et Britanniques,
qui testent tous les jours les défenses aériennes
irakiennes dans les zones d’exclusion, préparent
une vaste campagne de bombardement
et l’annoncent plus efficace et rapide
qu’en 1991. Ils comptent pour cela sur les progrès
réalisés depuis une décennie dans la précision
des munitions « intelligentes ».
Des milliers de missiles de croisière et des
bombardements incessants « devraient totalement
annihiler les forces irakiennes en un
mois »
, selon un officier britannique cité par
l’agence Reuters. Certains imaginent même
que l’intensité des bombardements suffira à
mettre à terre le régime de Saddam Hussein.
Il s’agit manifestement du scénario de Paul
Wolfowitz, le secrétaire d’Etat adjoint à la
défense. Il décrivait, il y a deux semaines, le
régime irakien comme « fragile, oppressif,
impopulaire… On peut le casser facilement »
.

Selon l’analyste militaire américain John
Pike, une force blindée comprenant des chars
Abrams, comme celle qui a réalisé les manœuvres
au Koweït, protégée par l’aviation et les
hélicoptères « pourrait être dans la banlieue de
Bagdad à la fin du deuxième jour de l’offensive »
.
L’autre hypothèse fréquemment évoquée est
celle d’un débarquement, afin notamment d’occuper
rapidement la ville de Bassorah et ses
deux aéroports. Une opération amphibie réussie
permettrait de réduire considérablement le
risque d’utilisation par Bagdad d’armes chimiques
ou biologiques sur des concentrations de
troupes avançant dans le désert.
Accréditant la thèse d’une attaque possible
à partir de février, une flotte britannique comprenant
un porte-avions appareillera au plus
tard pour le Golfe dans la deuxième semaine
de janvier. Elle comprendra plusieurs milliers
d’hommes des Royal Marines. « Les Américains
nous ont demandé ces troupes, nous les
leur envoyons »
, a déclaré laconiquement un
officiel du ministère de la défense.
Eric Leser (Le Monde édition du 24 décembre 2002)


retour vers page d'accueil

vers d'autres articles sur la crise irakienne