LE MONDE | 04.02.03 | 13h14
Des intellectuels français scandalisés par les conditions
de vie des Palestiniens
Jérusalem de notre correspondante
Après une visite de six jours qui les a menés de Jérusalem
à Ramallah, en passant par Gaza, Nazareth et Tel-Aviv, une douzaine
d'intellectuels français juifs et non juifs, venus confronter
leur connaissance du conflit israélo-palestinien à la réalité
du terrain, ont quitté Israël, lundi 3 février,
déterminés à témoigner de leur expérience
dès leur retour en France. Ces militants de la paix, parmi lesquels
d'anciens résistants comme Raymond Aubrac, ont tenu à se démarquer
des institutions juives de France.
Ils ont fait part du "choc" ressenti en découvrant
in situ les conditions de vie des Palestiniens et la politique de
colonisation du gouvernement israélien. "La situation des
habitants de Gaza est scandaleuse, incompatible avec les droits de l'homme
et la civilisation démocratique", a jugé Stéphane
Hessel, ancien ambassadeur de France. "Nous avons observé
dans les territoires tous les signes d'une occupation intolérable,
qui explique bien des violences", a renchéri le scientifique
Jean-Jacques Salomon.
Des images et des paroles emmagasinées, chacun a retenu ce qui l'a
le plus révolté. "J'ai été submergé
par des termes que je ne connaissais que dans les livres d'histoire, tels
que transfert, déportation, illégalité", s'est
indigné le producteur Sacha Goldman. Pour Annick Weiner, universitaire,
la vision des habitations palestiniennes détruites par l'armée
israélienne s'est superposée, de manière choquante,
à celle des "splendides maisons en haut des collines",
celles des colons. Les avancées de la présence israélienne
dans les territoires occupés les ont particulièrement marqués.
"J'ai été frappé par le génie de la
colonisation autour de Jérusalem", a souligné le
docteur Mathieu de Brunhoff, évoquant le réseau routier que
développent les Israéliens pour couper la ville du reste de
la Cisjordanie.
Optimistes par nature, ces partisans de la paix n'ont pu masquer un certain
pessimisme. "La méfiance, le racisme partagé, sont
contraires à ce qui serait souhaitable pour une solution à
court terme", a estimé M. Salomon. "Côté
palestinien, il n'y a plus de matrice pour une société ;
la police, la justice, les prisons ont été détruites",
a rappelé M. Goldman. Leur rapide visite au quartier général
dévasté de Yasser Arafat n'a fait qu'amplifier ce sentiment.
"J'ai perçu la faiblesse de l'Autorité palestinienne,
écrasée par Israël et rongée de l'intérieur
par une crise de légitimité", a témoigné
M. Salomon. "Nous avons eu le sentiment qu'aucune solution
ne peut venir de l'intérieur ; une intervention internationale
est essentielle", a estimé le chercheur Gérard Toulouse.
Pour eux, le manque de réaction de la majeure partie de la société
israélienne demeure incompréhensible. "Il est paradoxal
de constater que, face à la litanie des violations des droits élémentaires,
si peu de gens soient choqués", s'est étonné
Martin Hirsch, président d'Emmaüs France. Leur admiration pour
leurs hôtes, les pacifistes israéliens, n'en est que renforcée.
Stéphanie Le Bars
· ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 05.02.03
cliché :Pedro Ugarte/AFP
Cisjordanie, 19 février 2003
Une rue de Naplouse. Dix Palestiniens ont été tués
ce matin durant une incursion de Tsahal (l'armée israélienne)
à Gaza.