Le développement anarchique du tourisme mondial inquiète
les experts
mercredi 8 décembre 1999
CHAMONIX de notre envoyée spéciale
Les premiers Sommets du tourisme mondial ont attiré à Chamonix,
les 1er , 2 et 3 décembre, quelque 250 participants et
une cinquantaine d'intervenants, ministres du tourisme et experts. Le thème
de ces rencontres, le « tourisme durable », n'aurait
pas été renié par les manifestants qui fustigèrent
la conférence de Seattle puisque le respect de l'environnement fut
au coeur des débats.
Le tourisme, première industrie mondiale, source d'emplois, de dépaysement
et de plaisir, n'est pas une activité anodine. Identifier les problèmes
liés à la fréquentation massive des sites et envisager
les remèdes furent les deux axes majeurs de ces journées voulues
par Michel Charlet, maire de Chamonix, et inaugurées par Michelle
Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme.
En ouverture, Francesco Frangialli, secrétaire général
de l'Organisation mondiale du tourisme (OMT), brossa un tableau inquiétant
de l'évolution en cours. Le tourisme mondial connaît une
croissance fulgurante. En 1995, il y avait 565 millions d'arrivées
de touristes. En 2020, on en prévoit un milliard et demi (1,561),
soit un triplement du nombre de voyageurs, ce qui ne représentera,
en 2020 toujours, que 7 % de la population mondiale. Et la Chine devrait
alors devancer la France comme première destination touristique mondiale.
Déjà, on note une augmentation des voyages longue distance,
l'émergence de pays neufs, un raccourcissement de la durée
des séjours (on part 3 fois aujourd'hui, on partira 4 fois en 2020)
et une diversification des clientèles. « L'an dernier,
sur les pistes, on entendait parler le russe et l'arabe. Dans quelques années,
nous entendrons parler le chinois comme on entend déjà le
japonais. » Et pourtant, s'agissant des vacances d'hiver des
Européens, la montagne, avec 17 % des séjours, vient
après les destinations de plage et celles du tourisme urbain.
Malgré ou en raison même de ces pronostics, le diagnostic est
sombre. Richard Tapper, conseiller du Programme des Nations unies pour l'environnement
(UNEP), a présenté les conclusions de GEO 2000, rapport sur
le nouveau millénaire réalisé par les agences de l'ONU,
850 personnalités, 30 instituts spécialisés et
publié en septembre dernier. Les progrès en matière
d'environnement sont dépassés par l'accroissement de la population
et de sa consommation : l'utilisation des ressources n'est plus supportable,
les capacités du sol sont menacées, la dégradation
de l'environnement se poursuit et le fossé de la pauvreté
s'élargit.
Cette dégradation a des répercussions directes sur l'industrie
touristique : le réchauffement de la Terre et l'élévation
du niveau de la mer menacent aussi bien les petites îles que certaines
stations de sports d'hiver et il faudra sans doute bientôt aller chercher
la neige 300 mètres plus haut. Les changements climatiques entraînent
des catastrophes, la diversité biologique est affectée (500
espèces sont en voie de disparition en Méditerranée)
et le tourisme décline dans les zones trop construites au point que
Majorque a démoli 14 hôtels sur sa côte proche de Calvia.
Sans parler de la pollution de l'air, de l'eau et de la diminution des ressources
en eau potable.
Au regard de ces maux, profonds et difficiles à enrayer faute de
consensus international, les bienfaits du tourisme paraissent minces. Certes,
il contribue au développement socio-économique, à la
préservation du patrimoine et à la protection de l'environnement.
Mais à quoi cela servira-t-il si les ressources essentielles manquent
pour subvenir aux besoins de tous ? Il est donc urgent d'anticiper
et d'agir pendant qu'il en est encore temps.
(...)
Peter Keller, directeur du tourisme de Suisse et président de la
Commission de l'OMT pour l'Europe, qui a préparé ces premiers
sommets mondiaux, en tira les conclusions. D'abord, il est urgent d'agir,
en raison du caractère irréversible des atteintes à
l'environnement : « On ne refait pas un arbre à
partir d'un meuble », dit-il. Et la planète n'est pas
une salle de musée dont on règle la température pour
protéger au mieux les toiles. « Le tourisme, plaide-t-il,
doit prendre en compte les dimensions du développement durable :
l'environnement, les enjeux écologiques, la cohésion sociale,
l'authenticité culturelle. Il ne peut plus être géré
avec pour seule préoccupation la rentabilité économique. »
Les prochaines rencontres, les 4, 5 et 6 décembre 2000,
auxquelles seront conviés les tours- opérateurs, n'ont pas
choisi la facilité puisque leur thème sera, précisément,
« Tourisme et croissance économique ».
D. T. . Le Monde 9 décembre 1999
Une mise en garde de l'institution de l'ONU chargée de l'environnement
l' UNEP (United Nations Environment Programme)
"Tourism and the Environment
Services play an increasing role in the economy of developed and developing
countries worldwide. Environmental considerations should be incorporated
in the decision making process and daily operations of the services sectors
as well.
This applies particularly to tourism, one of the world's most important
economic sectors and one of the most dynamic as well. With more than 260
million employees and annual investments in capital projects of more than
US$800 billion, it ranks alongside such sectors as construction and petrochemicals
as one of the world's biggest industries. According to current estimates,
tourism accounts for about 10.7% of the world GDP.
Tourism's relationship with the environment is complex. Given the scale
and global extent, it is inevitable that tourism has important environmental
impacts. These impacts are related to resource consumption, as well as to
pollution and waste generated by tourism activities, including impacts from
transport. At the same time, beaches, mountains, rivers, forests and biodiversity
make the environment a basic resource upon which the tourism industry depends
in order to thrive and grow, and threats to the environment therefore threaten
the viability of the tourism industry. Lastly, tourism can contribute to
environmental protection. "