les conséquences de la flexibilité
et de la précarité de l'emploi


"(...) certains secteurs comme l'automobile ou le bâtiment, ne se gênent pas pour employer à tour de bras contrat à durée déterminée (CDD) et intérimaires. Les entreprises ont trouvé là un moyen facile d'ajuster leurs effectifs aux rythmes de production. Huit embauches sur dix se font aujourd'hui sous ce type de contrat, car, en France, la flexibilité c'est d'abord cela, bien avant la réorganisation interne via l'aménagement du temps de travail ou la mobilité professionnelle. (...)
Les sacrifices exigés des salariés auraient à moyen terme des conséquences sur la croissance. De plus en plus de salariés, obligés de gérer l'incertitude, doivent renoncer à des projets, préfèrent mettre de l'argent de côté. Le taux d'épargne reste ainsi "anormalement élevé" compte tenu de la reprise. "La flexibilité est peut-être bonne pour les affaires, à court terme, mais elle généralise un sentiment d'insécurité parmi les salariés qui au bout du compte, n'est pas positif pour l'économie" défend Robert Reich, ancien secrétaire américain à l'emploi de William Clinton

On distingue deux formes de flexibilité, interne ou externe. Dans le premier cas, les entreprises s'adaptent aux fluctuations des commandes en modifiant l'organisation de leur production et en jouant sur le temps de travail de leurs salariés (modulation, annualisation, temps partiel...). Les employeurs peuvent également chercher à développer la polyvalence et la mobilité du personnel au sein de l'entreprise.
Dans le cas de flexibilité externe, l'entreprise choisit. de réagir aux variations de son activité en ajustant le niveau de ses effectifs. Cela se traduit par des licenciements, un recours accru aux contrats à durée déterminée et aux intérimaires. L'appel aux sous-traitants est également un mode de flexibilité externe, les
aléas de l'activité étant dès lors répercutés sur ces derniers. Les chefs d'entreprise français ont largement privilégié la flexibilité externe.

La flexibilité progresse-t-elle en Europe ?
L'office des statistiques européennes Eurostat suit de près l'évolution de la flexibilité. Dans sa dernière étude sur les conditions de vie dans l'Union, Eurostat souligne sa forte progression parmi les salaries européens. Le travail à temps partiel est passé de 14 % en 1990 à 17 % en 1997, mais il concerne près de 30 % des femmes.
Parmi l'ensemble de ces salariés, 20 % déclarent être a temps partiel subi, autrement dit faute d'avoir trouvé un emploi à temps plein. C'est deux fois plus qu'en 1990. Par ailleurs, 12 % des emplois sont des contrats à durée déterminée (CDD), Leur part ne cesse de progresser depuis dix ans. En France, huit embauches sur dix se font aujourd'hui sous forme de contrat précaire (CDD ou Interim).

(infographie et texte ci dessus "Le Monde, économie" 7 septembre 1999)

le cas anglais.
Le laboratoire britannique : une vitrine trompeuse

"Comme le note Christine Rifflart, economiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), « la législation sur la protection de l'emploi est presque inexistante et les conventions collectives negociées maloritairement au niveau de l'entreprise, concernent un nombre de plus en plus réduit de salariés ».
(...) Cela dit, deux autres éléments doivent être pris en compte pour mesurer les enjeux liés à la flexibilité britannique. D'abord ses conséquences sur le niveau de vie. Le développement du temps partiel et des emplois précaires (50 % des contrats de travail durent moins de quinze mois), les pertes de revenu nées à la rotation importante (d'un emploi sur l'autre le manque a gagner, est évalué à 25 %), les conditions d'indemnisation peu favorables en cas de licenciement puis de chômage font que les inégalités sociales, selon les recherches menées à la London School of Economics, ont augmenté d'un tiers entre 1977 et 1996, ce qui est presque unique au sein des pays développés.
Un million et demi de ménages britanniques n'ont pas accès aux services financiers minimums : comptes bancaires, assurance de leur domicile, selon une étude menée par la Fondation joseph Rowntree publiée en mars dernier; 4,4 millions n'y ont qu'un accès limité. Au total, 12 millions de personnes, soit près d'un cinquième de la population, vivent dans un état de pauvreté relative, Et la première cause de pauvreté est la privation d'emploi"

M. B.B. Le Monde économie 7 septembre 1999

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