La répartition du patrimoine mondial


Les 2 % d'adultes les plus riches du monde détiennent plus de la moitié de la richesse
globale des ménages selon l'étude novatrice de l'Institut mondial de recherche sur
l'économie du développement de l'université des Nations unies (UNU-WIDER), à
Helsinki (Finlande), qui paraît aujourd'hui., 7 décembre 2006.
Cette étude, la plus exhaustive jamais réalisée sur le patrimoine des particuliers, montre
aussi qu'en 2000, les 1 % d'adultes les plus riches du monde possédaient à eux seuls 40 %
des biens mondiaux et que le décile le plus riche détenait 85 % du total mondial. A
l'inverse, la moitié inférieure de la population adulte mondiale ne possédait qu'à peine
1 % de la richesse mondiale.
cliquer ici pour télécharger le rapport en entier




(le total mondial étant bien entendu = à 100%)






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Inégalités de revenus


 
carte de Philippe Rekacewicz janvier 1996  


En 1998, les pays en voie de développement représentaient 4,5 milliards d'habitants et enregistraient un produit national brut (PNB) total de 5 700 milliards de dollars ; les pays de l'OCDE représentaient une population 4 fois moindre (1,1 milliard d'habitants) et un PNB total quatre fois plus important (23 000 milliards de dollars). En l'absence d'une croissance soutenue et durable des pays en voie de développement, et au regard de leur croissance démographique, les écarts populations/richesses devraient s'agrandir entre les pays. Les projections estiment que la population des pays en voie de développement atteindra 5,7 milliards d'habitants en 2015, contre 1,190 milliard pour les pays de l'OCDE.

Sources : Historiens et géographes, n° 329 ; Images économiques du monde 1995-96, Sedes, Paris, 1995 ; Rapport mondial sur le développement humain 2000, PNUD.



publié dans Le Monde, édition électronique janvier 2003


Entretien avec Pierre-Noël Giraud, professeur d'économie à l'École des mines de Paris.

(auteur de "l'inégalité du monde" Gallimard 1996)

"- L'augmentation des inégalités dans le monde est une question qui suscite beaucoup de controverses. Quel est votre point de vue ?

Il faut distinguer les inégalités de richesses entre pays et les inégalités à l' intérieur de chaque pays. Pour ce qui est des premières, la distinction qui avait cours jusqu'il y a peu encore entre le monde riche des pays industrialisés et le tiers monde n'est plus pertinente. Tout simplement parce que le concept de tiers-monde a complètement éclaté. Il existe un certain nombre de pays, dont certains très peuplés comme l'Inde ou la Chine, qui ont incontestablement amorcé un processus de rattrapage, Leur poids est tel - à eux seuls, ils représentent plus de 2 milliards d'habitants- que cela entraîne statistiquement une réduction des écarts de richesse à l'échelle du monde, si l'on prend comme mesure le revenu moyen par habitant. Mais le cas de ces quelques pays, que je qualifie de pays à bas salaires et à capacité technologique, ou pays- émergents, ne doit pas masquer la situation d'une catégorie beaucoup plus nombreuse composée de ces pays en panne de développement. Ceux-là ont des économies quasi stagnantes et les écarts avec le monde riche continuent de s'accroître.
Cela étant, tant dans les pays riches que dans les pays émergents, les inégalités internes ne cessent de se creuser.
En quoi la globalisation est-elle responsable de cette dynamique inégalitaire ?
La globalisation est un phénomene à double tranchant. A la fois, elle permet à certains pays d'entrer dans un processus rapide de rattrapage, pour les pays qui savent tirer profit de leur avantage comparatif par rapport aux pays riches, c'est-à-dire de leur faible coût de main-d'oeuvre. Et c'est ce qui constitue son côté positif. De l'autre, elle génère un creusement des inégalités entre ceux qui sont capables de profiter de cette globalisation en restant parmi les plus compétitifs et ceux qui sont écartés en chemin. Les deux sont intimement liés. Ainsi, les pays qui peuvent, grâce à ce décloisonnement des frontières et des échanges, connaître une croissance plus rapide que s'ils avaient, par exemple, fait le choix d'un développement auto-centré sont dans le même temps confrontés au fait qu'une partie seulement de leur population en profite alors que l'autre est frappée par le chômage et subit une pression permanente sur ses revenus,
» La globalîsation agit comme une mécanique de tri permanent sous l'effet d'une concurrence généralisée. Il y a concurrence entre le capital et le travail. Et comme les capitaux circulent librement alors que les hommes sont beaucoup moins mobiles, c'est le capital qui gagne. La globalisation financière permettant de mettre en compétition tous les emprunteurs pour obtenir les plus fortes rémunérations, l'ajustement se fait dès lors sur les salariés. Si l'on se trouve aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, cela se traduit pas une baisse relative des salaires. A l'inverse, dans les pays européens attachés à leur modèle d'Etat-providence, cela aboutit à une augmentation du chômage, qui est une forme d'inégalité,
. Les travailleurs non qualifiés des pays industrialisés restent-ils les principales victimes de cette dynamique des inégalités en subissant de plein fouet la concurrence des pays emergents ?
- C'est la première lecture que l'on a pu faire des effets de la globalisation, notamment à travers les conséquences des délocalisations massives des industries de main-d'oeuvre vers les pays à bas salaires. Et de nombreuses études constatent en effet les inégalités croissantes de revenus entre qualifiés et non-qualifiés. (...)
- La conférence de la Cnuced à Bangkok, est placée sous le signe d'« une mondialisation plus équitable » cela vous semble t'il un projet réaliste compte tenu de ce que vous venez de décrire ?
- je crois que l'on se paie beaucoup de mots et que, pour promouvoir une mondialisation « à visage humain », comme on l'entend dire de plus en plus souvent dans les instances internationales, il faudrait d'abord dépasser certaines contradictions. Pour contrer les tendances inégalitaires de la globalîsation, qui sont très profondes, il faudrait des interventions étatiques puissantes. Or, dans le même temps, le discours général va dans le sens d'une réduction du rôle de l'Etat. Tout cela est contradictoire. Il n'est pas possible de souhaiter une régulation au niveau mondial en remettant en cause l'Etat-providence au niveau national. je pense donc que ce discours est surtout destiné à répondre aux inquiétudes grandissantes des opinions publiques et à prévenir de possibles contestations sociales. Car, pour combattre efficacement ces fractures, il faudrait que chaque Etat prenne le risque de prélever une partie des richesses des gagnants de la mondialisation pour les redistribuer aux perdants. Je ne connais pas de projets de cette nature actuellement.
. Les inégalités vont-elles continuer de s'accroître ?
- Il n'y a pas vraiment de raison de penser que cette logique puisse à moyen terme s'inverser. Dans les pays riches, la polarisation entre le groupe des compétitifs et la grande masse des protégés va s'accroître. Quant aux pays à bas salaires, les inégalités vont également y progresser. Les nouveaux capitalistes de ces pays et les multinationales, qui ont devant eux de vastes marchés à l'exportation, ne sont nullement contraints par les exigences d'une croissance autocentrée de trouver des consommateurs au sein de leur territoire et donc d'élever rapidement les revenus de leurs salariés. Une classe moyenne se forme néanmoins petit à petit, composée d'ingénieurs, de cadres commerciaux, mais ce phénomène ne concerne encore qu'une mince couche de population et il est beaucoup moins massif et rapide qu'il ne le fut dans les pays aujourd'hui riches au lendemain de la guerre. »

Propos recueillis par Laurence Caramel. in "Le Monde" 13 février 2000


in "Le Monde " 13 février 2000


Extrait d'un article de Dominique Vidal
paru dans le Monde Diplomatique d'octobre 1998


article basé sur le rapport mondial (1) sur le développement humain du Programme des Nations unies pour le développement de 1998 .

"Le rapport 1998 n'est en rien misérabiliste. Il valorise, au contraire, les grands progrès réalisés au cours des dernières décennies : les dépenses publiques et privées de consommation atteignent 24 000 milliards de dollars en 1998, soit 2 fois plus qu'en 1975, 6 fois plus qu'en 1950 et 16 fois plus qu'en 1900. Il souligne notamment que " les pays en développement ont parcouru, au cours des trente dernières années, autant de chemin que les pays industrialisés en plus d'un siècle ". Dans le Sud, un enfant a aujourd'hui une espérance de vie plus longue de seize années qu'un bébé né il y a trente-cinq ans. Entre 1970 et 1992, le taux de scolarisation des filles dans le primaire et le secondaire a presque doublé, passant de 38 % à 68 %. Et l'alphabétisation des adultes a progressé de 48 % en 1970 à 70 % en 1995. Deux milliards d'hommes et de femmes ont pu, durant ces quinze dernières années, accéder à l'eau potable. Etc.
Mais le rapport éclaire aussi l'inégalité qui persiste dans le bénéfice de ces avancées.(...) à l'échelle mondiale, les 20 % d'êtres humains vivant dans les pays les plus riches se partagent 86 % de la consommation privée totale, contre 1,3 % pour les 20 % vivant dans les pays les plus pauvres. Les premiers consomment ou disposent de 45 % de la viande et du poisson (contre 5 % aux seconds), de 58 % de l'énergie mondiale (contre 4 %), de 84 % du papier utilisé (contre 1,1 %), de 87 % des véhicules (contre moins de 1 %), de 74 % des lignes téléphoniques (contre 1,5 %), etc.
" En 1960, assurent les experts, les 20 % de la population mondiale vivant dans les pays les plus riches avaient un revenu 30 fois supérieur à celui des 20 % les plus pauvres. En 1995, leur revenu était 82 fois supérieur. " Ce fossé apparaît encore plus spectaculaire si l'on rapporte la misère du plus grand nombre aux biens accumulés par une poignée de privilégiés : la fortune des 3 personnes les plus riches du monde dépasse le produit intérieur brut (PIB) cumulé des 48 pays en développement les plus pauvres ; celle des 15 plus riches égale la production de toute l'Afrique subsaharienne ; le patrimoine des 32 plus riches est supérieur au PIB de l'Asie du Sud ; les avoirs des 84 plus riches surpassent celui de la Chine avec son 1,2 milliard d'habitants. A l'autre bout de l'échelle, " quelque 1,3 milliard de personnes vivent encore avec moins de 1 dollar par jour (...) et près de 3 milliards avec moins de 2 dollars par jour ".
Il y a toutefois plus choquant encore : selon le rapport, la satisfaction des besoins essentiels de l'ensemble des populations des pays en développement (nourriture, eau potable, infrastructures sanitaires, éducation, santé, gynécologie, obstétrique) est estimée à 40 milliards de dollars par an, soit 4 % de la richesse cumulée des 225 plus grosses fortunes mondiales !
Faute de cette goutte d'eau, " les 20 % (et plus) d'êtres humains les plus pauvres sont les laissés-pour-compte de l'explosion de la consommation. Largement plus de 1 milliard de personnes sont dans l'incapacité de satisfaire à leurs besoins essentiels de consommation. Sur les 4,4 milliards d'habitants que comptent les pays en développement, près des trois cinquièmes sont privés d'infrastructures sanitaires de base. Près d'un tiers n'ont pas accès à l'eau potable. Un quart ne disposent pas d'un logement correct. Un cinquième n'ont pas accès aux services de santé moderne. Un cinquième des enfants quittent l'école avant la fin de la cinquième année de scolarité. Environ la même proportion n'absorbent pas suffisamment de calories et de protéines. Les carences en oligo-éléments sont encore plus répandues. Quelque 2 milliards d'individus dans le monde souffrent d'anémie, parmi eux 55 millions dans les pays industrialisés ".
Pour la première fois, le rapport du PNUD utilise en effet un nouvel indicateur de la pauvreté (IPH-2) pour évaluer la montée de l'exclusion dans le monde développé. " Les pays industrialisés, affirme-t-il, comptent entre 7 % et 17 % de pauvres ", et cette proportion n'a " guère de rapport avec le revenu moyen des pays en question ". Ainsi " les Etats-Unis, qui figurent en tête du classement des pays industrialisés selon le revenu moyen, sont aussi le pays où la pauvreté humaine est la plus courante ". De même, " des pays affichant des revenus moyens analogues peuvent présenter des niveaux de pauvreté humaine très différents. C'est le cas des Pays-Bas et du Royaume- Uni, avec respectivement 8 % et 15 % sur l'échelle de l'IPH-2 ". Bref, " la sous-consommation et le dénuement ne sont pas seulement le lot des pauvres vivant dans les pays en développement. En effet, dans les pays riches, plus de 100 millions de personnes subissent un sort analogue. L'espérance de vie de près de 200 millions d'individus ne devrait pas dépasser soixante ans. Plus de 100 millions n'ont pas de logement. Et au moins 37 millions sont sans emploi, situation souvent synonyme d'exclusion ".
Les publications précédentes du PNUD avaient, certes, déjà mis en lumière le formidable écart qui sépare les plus riches des plus pauvres. Mais le Rapport mondial sur le développement humain de 1998 va plus loin. Ses statistiques montrent que, dans nombre de cas, ce n'est plus de moindre développement qu'il faut parler, mais de régression. " Pas moins de 100 pays - tous en développement ou en transition - ont connu un recul économique sérieux au cours des trente dernières années. En conséquence, le revenu par habitant y est inférieur à ce qu'il était il y a dix, quinze, vingt, voire trente ans ", accusent les experts.
De ce recul, on trouve, au fil des pages, maints témoignages. " Entre 1995 et 1997, malgré la croissance spectaculaire du revenu d'un grand nombre d'Asiatiques, seuls 21 pays en développement dans le monde ont vu leur PIB par habitant augmenter d'au moins 3 % chaque année - rythme nécessaire pour mettre en place les conditions d'un recul de la pauvreté. " Autre exemple significatif : " La consommation d'un ménage africain moyen est en recul de 20 % par rapport à il y a vingt-cinq ans. " De même, toujours en Afrique subsaharienne, " le nombre de personnes sous-alimentées a plus que doublé, passant de 103 millions en 1970 à 215 millions en 1990 ". Et le bond en arrière ne touche pas que le tiers-monde : " En Europe de l'Est et dans la Communautés des Etats indépendants, l'espérance de vie est supérieure d'une année seulement à ce qu'elle était il y a trente-cinq ans : soixante-huit ans aujourd'hui, contre soixante-sept en 1960. Cette stagnation reflète la baisse brutale de cet indicateur (pour les hommes, en particulier) intervenue à partir de 1989, suite aux bouleversements économiques et sociaux qu'a connus cette région. En Russie, l'espérance de vie a ainsi diminué de plus de cinq ans. "
Sacrifiés de la croissance, les pauvres sont en fait les premières victimes de tous les maux qui frappent l'humanité, des guerres aux atteintes à l'environnement. Même le réchauffement de la planète n'échappe pas à cette règle : si le cinquième le plus riche de la population mondiale est responsable de 53 % des émissions de dioxyde de carbone, le cinquième le plus pauvre, qui n'en produit que 3 %, vit dans les communautés les plus vulnérables aux inondations côtières : or une élévation de 1 mètre du niveau des mers " ferait perdre au Bangladesh 17 % de son territoire (...) . L'Egypte pourrait, quant à elle, voir disparaître sous les vagues 12 % de son territoire, qui abritent 7 millions d'individus ".
Prospective mise à part, les statistiques utilisées ici s'arrêtent pour la plupart, faut-il le préciser, en 1995. Donc, avant la crise actuelle... "

DOMINIQUE VIDAL
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(1) PNUD, Rapport mondial sur le développement humain, Economica, Paris, 1998, 254 pages, 150 F.
(2) Ces indicateurs intègrent notamment l'espérance de vie à la naissance, le taux d'alphabétisation des adultes, le pourcentage de la population n'ayant pas accès à l'eau potable ou aux services de santé, la proportion d'enfants de moins de cinq ans souffrant d'insuffisance pondérale, le pourcentage de la population vivant en deçà du seuil de pauvreté monétaire, le chômage de longue durée, etc. Un formidable écart sépare le Nord et le Sud, les riches et les pauvres. Et le bond en arrière ne touche pas que le tiers-monde.


Et pendant ce temps là....
en 2006 selon le recencement annuel des plus grosses fortunes du magazine "Forbes" :
Il y aurait dans le monde, 793 milliardaires, soit 114 de plus qu'un an auparavant, un nombre jamais atteint jusqu'alors. Sur la première marche, Bill Gates de Microsoft, avec plus de 50 mds de $. L'investisseur Warren Buffett occupe le deuxième rang, avec 42 mds. Lakshmi Mittal (Mittal Steel, sidérurgie) se classe 5e. Le 1er Français, Bernard Arnault, (LVMH entre autres...) se situe à la 7e place, avec 21,5 mds de $. La première femme de ce palmarès est la Française Liliane Bettencourt, (l'Oréal) à la 15e place avec 16 miiliards de $.


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