Les institutions de la Ve République sont établies par la
Constitution du 4 octobre 1958, la dix-huitième depuis 1789. Son
avènement s'inscrit dans une stratégie de rupture avec les
institutions de la IVe République, qui fut marquée par une
forte instabilité ministérielle.
A l'instigation du général de Gaulle, cette Constitution
a pour vocation essentielle, tout en respectant l'équilibre des pouvoirs,
de limiter la souveraineté parlementaire au profit de celle de l'exécutif.
La rationalisation du régime parlementaire répond à
cet objectif.
L'histoire a très tôt révélé la tendance
présidentialiste d'un tel régime, renforcée d'abord
par l'instauration en novembre 1962 de l'élection au suffrage universel
direct du président de la République, ensuite par l'apparition
à la même période du fait majoritaire. Venant du cur
même des institutions, la régulation de cette orientation exécutive,
marquée par plusieurs réformes, fut assurée notamment
par le Conseil constitutionnel, dont la promotion dans la vie institutionnelle
contribua au renforcement d'un Etat de droit. Toutefois, en rendant possibles
des périodes de "cohabitation", les institutions de la
Ve République sont progressivement et de plus en plus largement remises
en cause.
article 89 : L'initiative de la révision constitutionnelle peut
être d'origine parlementaire ou exécutive
L'initiative de la révision peut être d'origine parlementaire
ou exécutive. Concernant la première, les deux chambres sont
sur un pied d'égalité. Que la proposition de révision
vienne du Sénat ou de l'Assemblée nationale, elle doit être
approuvée dans les mêmes termes par les deux chambres. L'Assemblée
nationale perd ici sa prépondérance, tandis que le Sénat
se voit confier une sorte de droit de veto. Après son adoption par
les chambres, la proposition doit être soumise au référendum.
Tout se déroule ainsi en dehors de l'exécutif, bien que dans
la pratique il lui soit possible de freiner une telle procédure,
notamment grâce à la maîtrise qu'il a de l'ordre du jour
des assemblées. C'est la raison pour laquelle aucune révision
n'est intervenue par cette voie.
L'initiative de la révision peut également venir du président
de la République, sur proposition du premier ministre. Le président
peut alors adopter la procédure suivie en cas d'initiative parlementaire,
un référendum succédant à l'accord des deux
chambres. Il peut également se dispenser du référendum
en convoquant, après le vote des chambres, le Congrès formé
par la réunion des deux assemblées en séance commune
à Versailles. Le vote s'effectue à la majorité des
3/5 des suffrages exprimés, sans qu'aucun amendement ne puisse être
déposé.
article 11 : Pour compléter la Constitution ou pour la réviser
?
En 1962 et en 1969, le général de Gaulle a entrepris une révision
en utilisant le recours à l'article 11. Dans les deux cas cette initiative
a été contestée.
Aux termes de l'article 11, le président peut organiser un référendum
sur "tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs
publics". Selon une première lecture, la possibilité
de modification ouverte par cet article s'arrête dans la hiérarchie
des normes, à la loi organique, au seuil donc de la loi constitutionnelle.
L'article 11 permettrait de compléter la Constitution (loi organique)
mais pas de la réviser (loi constitutionnelle). L'argument juridique
sur lequel se fonde cette lecture fait valoir que l'article 11, à
la différence de l'article 89, n'appartient pas au titre XVI que
la Constitution consacre aux possibilités de révision auquel,
en outre, il ne fait aucune référence ; par conséquent,
il ne saurait ouvrir d'exception aux procédures prévues par
l'article 89.
La thèse adverse, reprenant la première lecture, fait valoir
qu'à l'accepter on s'expose à l'absurde. En effet, l'article
11 ne faisant pas plus référence aux lois organiques et ordinaires
qu'aux lois constitutionnelles de l'article 89, l'invalider pour ces dernières
conduirait à l'invalider également pour les premières.
Aucune loi dans ce cas ne pourrait être soumise au référendum.
Vingt procédures de révision constitutionnelle depuis
1958
Depuis 1958, la procédure de révision de la Constitution
a été engagée à vingt reprises, connaissant
chaque fois des sorts variés. Toutes, à l'exception de celles
de 1960, 1962 et 1969, ont été entreprises dans le cadre de
l'article 89. Parmi celles-ci, une seule s'est conclue par l'organisation
d'un référendum, en octobre 2000, à l'occasion de la
réduction du mandat présidentiel.
Trois procédures ont échoué. La plus célèbre
fut celle de 1969, portant sur une réforme du Sénat. Entreprise
par Charles de Gaulle, il s'agissait surtout d'une question de confiance
implicite adressée par le président, en mal de légitimité
après les événements de Mai 68, à l'ensemble
du pays. L'échec du référendum entraîna la démission
de M. de Gaulle. Parmi les réussites, l'une des plus importantes
fut celle de 1974, accordant le droit de saisine du Conseil constitutionnel
à 60 députés ou 60 sénateurs.
Actuellement, trois révisions sont en cours : la première,
adoptée par les deux chambres depuis 1998 mais que le président
n'a pas soumise au Congrès, portant sur la modification du statut
du Conseil supérieur de la magistrature ; la deuxième, portant
sur l'extension de l'autonomie de la Polynésie ; et la troisième
consacrée à la réforme du statut pénal du président.
Cette dernière n'est qu'en préparation, elle n'a encore été
soumise à aucune des assemblées.
Vers un renforcement des pouvoirs du gouvernement ?
Vers une VI° république ?
L'expérience récente d'une cohabitation de cinq ans et de
sa conclusion, lors du scrutin du 21 avril, ont de nouveau alimenté
la problématique de la transition vers une VIe République.
Parmi les voix qui s'expriment à ce sujet, le point de départ
unanime réside dans la dénonciation des insuffisances de la
Ve République, telles qu'elles viennent à s'exprimer dans
le phénomène de "cohabitation" qui voit s'affronter,
au détriment de chacune d'elles, deux légitimités.
Les options divergent quant à la mise en uvre d'une transition, par
ailleurs de plus en plus largement considérée comme inéluctable.
Pour la plupart, les acteurs de ce débat voient dans les institutions
actuelles les ressources nécessaires au changement, pour peu qu'une
volonté politique se dégage fermement, comme ce fut le cas
pour la réduction du mandat présidentiel.
Pour l'essentiel, l'objectif recherché, inspiré des modèles
qu'offrent les autres régimes parlementaires européens, consisterait
à renforcer, en la concentrant dans les mains du gouvernement, la
mission que la Constitution lui confie à l'article 20 : la conduite
et la direction de la politique de la nation.
d'après "Le Monde" module thématique
sur les institutions de la République. Mai 2002