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Polémiques sur la propreté des rues de Paris


· LE MONDE | 21.01.02 | 11h13


Après avoir augmenté le budget du nettoiement, l'équipe de Bertrand Delanoë réorganise les services afin que les arrondissements en profitent de manière plus égalitaire. L'opposition estime que les mairies de gauche sont favorisées.


Les habitants des 5e et 6e arrondissements de Paris le déplorent : la propreté de leurs quartiers s'est dégradée depuis l'élection de Bertrand Delanoë. "Ces arrondissements ne bénéficient plus du traitement de faveur dont ils profitaient au cours du mandat de Jean Tiberi, par ailleurs député de cette circonscription", reconnaît, preuves à l'appui, Yves Contassot (Verts), adjoint au maire de Paris, chargé de l'environnement, des espaces verts et du traitement des déchets.

En réalité, les Parisiens sont de plus en plus nombreux à se plaindre de la saleté des rues, qu'ils perçoivent comme une véritable dégradation de leur cadre de vie. Selon les spécialistes, le phénomène est en grande partie lié à la reprise de la consommation : le tonnage des déchets augmente actuellement de 5 % par an. Au cours des derniers mois, cette situation a été aggravée par l'obturation de 13 000 des 16 000 poubelles de la capitale, en raison du plan Vigipirate, à la suite des attentats du 11 septembre. Elles ont été progressivement remplacées par des sacs en plastique transparent vert.

La droite municipale concentre ses attaques sur la dégradation de la propreté de la ville, au même titre que contre la montée de l'insécurité. De son côté, Bertrand Delanoë, le nouveau maire (PS) de Paris, n'a quasiment pas effectué d'intervention publique, depuis neuf mois, sans classer le retour à la propreté des rues de Paris comme l'une de ses priorités : "Aujourd'hui, Paris est une ville sale. Il est temps de remettre de l'efficacité là-dedans, car je suis un homme d'ordre", déclarait-il déjà en mai 2001. M. Contassot, qui se donne un an pour régler le problème des déjections canines, s'est vu féliciter pour cet engagement par M. Delanoë : "S'il n'y arrive qu'en dix-huit mois, je ne lui en ferai pas le reproche."

Lors de son installation, la nouvelle équipe a découvert un rapport confidentiel de la direction de la protection de l'environnement, qui confirme qu'"il y a une dégradation constante et régulière de la propreté dans Paris depuis 1995, sauf dans les 5e et 6e arrondissements". Cette étude mesure l'état de la voirie à partir de 21 critères : graffitis, affichage sauvage, déjections canines, état des chantiers, des trottoirs, etc. Elle est cependant jugée incomplète par la nouvelle municipalité, qui lance un audit dont les conclusions seront connues d'ici l'été.

CAMPAGNES DE SENSIBILISATION

Car MM. Contassot et Delanoë s'accordent sur la nécessité de tout réorganiser rapidement. Pour 2002, le budget de la propreté s'élève à 412 millions d'euros, soit une hausse de 5 % par rapport à l'année précédente. Ainsi, 500 embauches sont prévues. "Nous allons commencer par rééquilibrer la répartition des effectifs à travers la capitale", explique M. Contassot. 6 000 employés sont concernés, répartis dans 3 circonscriptions et 120 ateliers. Ils doivent nettoyer 2 400 kilomètres de trottoirs chaque jour. "La propreté des rues était utilisée comme un moyen politique. Nous allons donc porter nos efforts vers l'Est, qui était délaissé", prévoit M. Contassot. La mairie compte également mettre de l'ordre dans la multitude de marchés passés avec des sociétés privées pour assurer la maintenance permanente de certains lieux, comme les Champs-Elysées, les quartiers de Notre-Dame et de Beaubourg.

Le système de classement des rues en huit catégories va être revu. "Au départ, ce classement avait été établi en fonction de critères objectifs : les activités commerciales, les surfaces à nettoyer... Mais nous avons découvert un autre document, archi-secret, qui indiquait le niveau de propreté souhaité. Et qui privilégiait souvent la seule présence de telle ou telle personnalité", raconte M. Contassot, en déployant des cartes qui illustrent clairement la mise à l'écart des quartiers populaires de la capitale pour ce traitement "spécial".

Les vingt maires d'arrondissement vont être conviés, le 6 février, à procéder à une requalification de leurs rues. Les Parisiens sont invités, de leur côté, à signaler les lieux régulièrement souillés, qui bénéficieront d'un suivi régulier : 5 millions d'euros ont été débloqués par le Conseil de Paris, fin 2001, pour mettre en place une force d'intervention mobile. Le matériel dépassé devrait être remplacé.

En attendant l'effet de ces mesures, la Ville a lancé plusieurs campagnes auprès des Parisiens. D'abord, une sensibilisation sur le problème du ramassage des déjections canines en octobre 2001. Une centaine de distributeurs de sacs gratuits ont été mis en place, des éducateurs canins se sont adressés à quelques-uns des 200 000 propriétaires d'animaux : cette pollution provoque 650 accidents chaque année et coûte près de 11 millions d'euros à la collectivité.

LES AMENDES PLEUVENT

Deuxième étape avec l'annonce brutale, le 21 décembre 2001, de l'application du principe pollueur-payeur (Le Monde du 24 décembre 2001). Les agents de la Ville de Paris - dont le nombre va être porté de 75 à 1 400 - sont maintenant invités, avec les policiers, à faire respecter la réglementation : interdiction de cracher un chewing-gum, d'uriner, de jeter un papier et même un mégot sur la voie publique, de laisser une crotte de chien sur un trottoir. Depuis, les amendes - de 180 euros à 450 euros - pleuvent.

Le dispositif se veut avant tout dissuasif. La Ville envisage de supprimer rapidement la tolérance du caniveau pour les chiens. Paris veut retrouver un niveau de propreté équivalent à celui des grandes métropoles mondiales, exemplaires dans ce domaine. Et les élus de toute la France viennent maintenant demander à M. Contassot des explications sur le règlement sanitaire départemental, qui pourrait permettre de redonner aux Parisiens une attitude plus civique dans les prochaines années. Des contacts ont également été pris avec le ministère de l'éducation nationale pour sensibiliser les petits Parisiens au respect de la propreté de leur ville.

Christophe de Chenay

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dessin de Pancho paru dans "Le Monde" 21/01/2002


Statistiques :


3 000 tonnes de déchets par jour


1 500 km de rues doivent être lavés et aspirés au moins une fois par semaine et 2 400 km de trottoirs sont balayés chaque jour.

16 tonnes de déjections sont produites, chaque jour, par les 200 000 chiens de la capitale.

18 000 corbeilles à papiers sont vidées.

3 000 tonnes de déchets sont collectées quotidiennement.

2 tonnes par an : tel est le poids de déchets ménagers (objets encombrants et ordures) produit par une famille parisienne.

242 bennes sont affectées à la collecte des ordures.

6 000 personnes travaillent dans les services de la Propreté de Paris.

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