Après avoir augmenté le budget du nettoiement, l'équipe
de Bertrand Delanoë réorganise les services afin que les arrondissements
en profitent de manière plus égalitaire. L'opposition estime
que les mairies de gauche sont favorisées.
Les habitants des 5e et 6e arrondissements de Paris le déplorent :
la propreté de leurs quartiers s'est dégradée depuis
l'élection de Bertrand Delanoë. "Ces arrondissements
ne bénéficient plus du traitement de faveur dont ils profitaient
au cours du mandat de Jean Tiberi, par ailleurs député de
cette circonscription", reconnaît, preuves à l'appui,
Yves Contassot (Verts), adjoint au maire de Paris, chargé de l'environnement,
des espaces verts et du traitement des déchets.
En réalité, les Parisiens sont de plus en plus nombreux à
se plaindre de la saleté des rues, qu'ils perçoivent comme
une véritable dégradation de leur cadre de vie. Selon les
spécialistes, le phénomène est en grande partie lié
à la reprise de la consommation : le tonnage des déchets
augmente actuellement de 5 % par an. Au cours des derniers mois, cette
situation a été aggravée par l'obturation de 13 000
des 16 000 poubelles de la capitale, en raison du plan Vigipirate,
à la suite des attentats du 11 septembre. Elles ont été
progressivement remplacées par des sacs en plastique transparent
vert.
La droite municipale concentre ses attaques sur la dégradation de
la propreté de la ville, au même titre que contre la montée
de l'insécurité. De son côté, Bertrand Delanoë,
le nouveau maire (PS) de Paris, n'a quasiment pas effectué d'intervention
publique, depuis neuf mois, sans classer le retour à la propreté
des rues de Paris comme l'une de ses priorités : "Aujourd'hui,
Paris est une ville sale. Il est temps de remettre de l'efficacité
là-dedans, car je suis un homme d'ordre", déclarait-il
déjà en mai 2001. M. Contassot, qui se donne un
an pour régler le problème des déjections canines,
s'est vu féliciter pour cet engagement par M. Delanoë :
"S'il n'y arrive qu'en dix-huit mois, je ne lui en ferai pas le
reproche."
Lors de son installation, la nouvelle équipe a découvert un
rapport confidentiel de la direction de la protection de l'environnement,
qui confirme qu'"il y a une dégradation constante et régulière
de la propreté dans Paris depuis 1995, sauf dans les 5e et
6e arrondissements". Cette étude mesure l'état
de la voirie à partir de 21 critères : graffitis,
affichage sauvage, déjections canines, état des chantiers,
des trottoirs, etc. Elle est cependant jugée incomplète par
la nouvelle municipalité, qui lance un audit dont les conclusions
seront connues d'ici l'été.
CAMPAGNES DE SENSIBILISATION
Car MM. Contassot et Delanoë s'accordent sur la nécessité
de tout réorganiser rapidement. Pour 2002, le budget de la propreté
s'élève à 412 millions d'euros, soit une hausse
de 5 % par rapport à l'année précédente.
Ainsi, 500 embauches sont prévues. "Nous allons commencer
par rééquilibrer la répartition des effectifs à
travers la capitale", explique M. Contassot. 6 000 employés
sont concernés, répartis dans 3 circonscriptions et 120 ateliers.
Ils doivent nettoyer 2 400 kilomètres de trottoirs chaque
jour. "La propreté des rues était utilisée
comme un moyen politique. Nous allons donc porter nos efforts vers l'Est,
qui était délaissé", prévoit M. Contassot.
La mairie compte également mettre de l'ordre dans la multitude de
marchés passés avec des sociétés privées
pour assurer la maintenance permanente de certains lieux, comme les Champs-Elysées,
les quartiers de Notre-Dame et de Beaubourg.
Le système de classement des rues en huit catégories va être
revu. "Au départ, ce classement avait été établi
en fonction de critères objectifs : les activités commerciales,
les surfaces à nettoyer... Mais nous avons découvert un autre
document, archi-secret, qui indiquait le niveau de propreté souhaité.
Et qui privilégiait souvent la seule présence de telle ou
telle personnalité", raconte M. Contassot, en déployant
des cartes qui illustrent clairement la mise à l'écart des
quartiers populaires de la capitale pour ce traitement "spécial".
Les vingt maires d'arrondissement vont être conviés, le 6 février,
à procéder à une requalification de leurs rues. Les
Parisiens sont invités, de leur côté, à signaler
les lieux régulièrement souillés, qui bénéficieront
d'un suivi régulier : 5 millions d'euros ont été
débloqués par le Conseil de Paris, fin 2001, pour mettre en
place une force d'intervention mobile. Le matériel dépassé
devrait être remplacé.
En attendant l'effet de ces mesures, la Ville a lancé plusieurs campagnes
auprès des Parisiens. D'abord, une sensibilisation sur le problème
du ramassage des déjections canines en octobre 2001. Une centaine
de distributeurs de sacs gratuits ont été mis en place, des
éducateurs canins se sont adressés à quelques-uns des
200 000 propriétaires d'animaux : cette pollution
provoque 650 accidents chaque année et coûte près
de 11 millions d'euros à la collectivité.
LES AMENDES PLEUVENT
Deuxième étape avec l'annonce brutale, le 21 décembre
2001, de l'application du principe pollueur-payeur (Le Monde du 24 décembre
2001). Les agents de la Ville de Paris - dont le nombre va être porté
de 75 à 1 400 - sont maintenant invités, avec les
policiers, à faire respecter la réglementation : interdiction
de cracher un chewing-gum, d'uriner, de jeter un papier et même un
mégot sur la voie publique, de laisser une crotte de chien sur un
trottoir. Depuis, les amendes - de 180 euros à 450 euros
- pleuvent.
Le dispositif se veut avant tout dissuasif. La Ville envisage de supprimer
rapidement la tolérance du caniveau pour les chiens. Paris veut retrouver
un niveau de propreté équivalent à celui des grandes
métropoles mondiales, exemplaires dans ce domaine. Et les élus
de toute la France viennent maintenant demander à M. Contassot
des explications sur le règlement sanitaire départemental,
qui pourrait permettre de redonner aux Parisiens une attitude plus civique
dans les prochaines années. Des contacts ont également été
pris avec le ministère de l'éducation nationale pour sensibiliser
les petits Parisiens au respect de la propreté de leur ville.
Christophe de Chenay
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dessin de Pancho paru dans "Le Monde" 21/01/2002
Statistiques :
3 000 tonnes de déchets par jour
1 500 km de rues doivent être lavés et aspirés
au moins une fois par semaine et 2 400 km de trottoirs sont balayés
chaque jour.
16 tonnes de déjections sont produites, chaque jour, par les 200 000
chiens de la capitale.
18 000 corbeilles à papiers sont vidées.
3 000 tonnes de déchets sont collectées quotidiennement.
2 tonnes par an : tel est le poids de déchets ménagers
(objets encombrants et ordures) produit par une famille parisienne.
242 bennes sont affectées à la collecte des ordures.