Les journalistes sont théoriquement indépendants. Mais
les journalistes travaillent en équipe leur indépendance est
donc délimité par les choix rédactionnels lors des
conférences de rédaction. Chaque rédaction se signale
par des options préférentielles, des choix prioritaires dans
l'actualité, elle cultive un certain état d'esprit c'est la
"ligne éditoriale" à laquelle tous les collaborateurs
doivent adhérer.
Au delà, les pressions que subit le journaliste sont nombreuses.
Elle proviennent des pouvoirs publics, de responsables politiques, économiques,
des dirigeants de sociétés. Mais la plus grave menace aujourd'hui
est due au contrôle grandissant des médias par les grands groupes
industriels. Les organes de presse, les radios ou les chaînes de télévision
que ces groupes possèdent ne leur servent-elles pas à la promotion
de leurs activités, à s'assurer des appuis politiques ?
La recherche de l'objectivité : un idéal inaccessible
les contraintes auxquelles sont confrontés les journalistes sont
multiples:
pourquoi évoquer tel fait plutôt que tel autre ?
Quelles informations méritent la priorité ?
Sur lesquelles doit-on revenir ou s'attarder?
Face à la multitude des informations, à chaque instant le
journaliste doit faire un tri.
Il n'existe pas de critères permettant de définir une information
objective, ni un barème susceptible de donner à chaque information
la place qui lui reviendrait de droit.
Dans la pratique chaque média accorde une priorité aux faits
qui reçoivent le plus d'échos chez ses auditeurs suivant la
ligne éditoriale de la rédaction. Ici, c'est plutôt
le fait divers, là le sport , ailleurs les problèmes de société
ou les faits économiques.
Des exigences existent pourtant comme le devoir d"informer sans déformer"
ou de respecter le pluralisme. Principes simples mais d'une mise en oeuvre
difficile !
Problèmes déontologiques* et choix éthiques*.
Les journalistes invoquent souvent le "droit à l'information"
pour justifier la diffusion d'informations ou d'images.
Mais peut-on tout dire au risque de choquer?
Au nom de la liberté d'expression, doit-on ouvrir les médias
aux doctrines extrémistes, aux sectes, aux appels à la violence
où à la désobéissance ?
Informer, c'est aussi agir sur les évènements.
La diffusion d'une information amplifie son importance et peut à
son tour provoquer d'autres événements. A l'inverse le silence
sur cette même information aura l'effet contraire. (ainsi est posé
le problème de la position du journaliste, il n'est pas seulement
témoin ou rapporteur objectif d'un fait, il agit aussi inévitablement
sur la réalité par les choix qu'il opère dans les faits
et l'importance respective qu'il leur donne.
La question du respect de la vie privée.
En ce qui concerne la révélation de faits privés sur
les hommes politiques, deux attitudes s'affrontent: pour certains journalistes,
évoquer la vie privée est dangereux et peut entraîner
des dérives et troubler le "débat d'idées"
avec des faits qui n'ont rien à voir avec les positions politiques.
Pour d'autres on peut les révéler, car pour eux, l'homme public
ne peut être détaché de l'homme privé parce qu'il
est porteur de valeurs qui l'engagent personnellement et publiquement.
Autre question souvent débattue: la médiatisation des affaires
judiciaires avant que le jugement soit prononcé. Elle nuit gravement
et souvent irrémédiablement à la réputation
des personnes mises en examen. Cette médiatisation porte par ailleurs
le risque d'influencer l'opinion publique et donc le futur jugement.
La distinction entre information et communication publicitaire
Elle n'est pas toujours clairement établie; Exemple l'annonce d'une
information médicale sur de récentes découvertes ne
peut être qu'un moyen détourné de faire la promotion
d'un laboratoire. Cette dérive est facilitée avec le contrôle
de nombreux médias par les entreprises industrielles.
Vocabulaire :
*Déontologie : ensemble des règles et des devoirs d'une profession
* Éthique : qui concerne les principes de la morale
Augmentation des entraves à la liberté de la presse
· LE MONDE | 07.01.02 | 11h48
Le travail des journalistes est considéré par l'association
Reporters sans frontières comme
"difficile" dans quatre-vingt-dix pays, et la situation comme
"très grave" dans dix-huit autres pays. Plusieurs ONG s'inquiètent
du durcissement des lois dans les démocraties.
Tous les indicateurs sont au rouge. Les organisations non gouvernementales
chargées de veiller à l'exercice libre et indépendant
de l'information ont décidé, d'une seule voix et sans concertation,
de donner l'alarme. Le bilan pour l'année 2001, rendu public mercredi
2 janvier par l'association d'origine française Reporters sans
frontières (RSF), pointe un nombre croissant d'entraves à
la liberté de la presse. Dans le monde, "le nombre de journalistes
interpellés, agressés, menacés, le nombre de médias
censurés sont en forte hausse par rapport à 2000",
constate-t-on au sein de RSF.
Quelques semaines auparavant, l'International Federation of Journalists
(IFJ) appelait, fin octobre, les professionnels de l'information à
réagir au vu des résultats alarmants de son enquête
"Journalisme, libertés publiques et guerre contre le terrorisme",
réalisée après les attentats du 11 septembre dans
une vingtaine de pays.
Les menaces sur la liberté de la presse, selon l'IFJ, ne proviennent
plus exclusivement des Etats dictatoriaux ­p; même si la situation
de la presse y est d'une gravité sans commune mesure ­p;, mais
aussi de "gouvernements qui ont agi trop vite dans l'élaboration
des lois anti-terroristes".
Veillant, depuis 1949, au renforcement de la démocratie et des droits
de l'homme, le Comité directeur sur les moyens de communication de
masse du Conseil de l'Europe s'est lui aussi formellement inquiété
des entraves à la liberté de la presse, se déclarant,
le 26 novembre 2001,être "profondément préoccupé
par les assassinats de journalistes () ainsi que par les nombreuses formes
de harcèlement physiques et psychologiques dont ils peuvent faire
l'objet lorsqu'ils rendent compte des situations de conflits et de tensions".
"Consterné" par la mort des huit journalistes tués
en Afghanistan (Le Monde du 29 novembre), le Conseil a "exhorté
tous les gouvernements à prendre toutes les mesures qui s'imposent
pour empêcher ces violations" des libertés fondamentales
et à "poursuivre ceux qui les ont commises".
Même si la très grande majorité des 189 pays siégant
aux Nations unies reconnaît qu'une presse libre est indispensable
pour la libre formation des opinions et des idées, dans les faits
le nombre de journalistes interpellés (489, selon RSF) a augmenté
de 50 % par rapport à l'an 2000. Celui des journalistes agressés
ou menacés (716 cas avérés), de plus de 40 %.
En 2001, un nombre jamais atteint de professionnels de l'information a été
mis en prison ­p; 110 journalistes sont actuellement derrière
des barreaux.
Le continent le plus meurtrier a été l'Asie (14 journalistes
tués). Au Proche-Orient, dans les territoires palestiniens, trois
journalistes ont été tués, selon l'International Press
Institute (IPI), basé à Vienne, en Autriche, qui parle d'"année
de tous les dangers pour la presse". Sur le continent américain,
dix journalistes et dix collaborateurs de médias ont été
tués, dont un journaliste et huit techniciens dans les attentats
du World Trade Center à New York. En Colombie, trois journalistes,
à nouveau, ont été assassinés. Flavio Bedoya,
de l'hebdomadaire Voz, a été tué le 27 avril 2001
de quatre balles, après avoir reçu des menaces de mort pour
avoir publié un article sur des exactions commises par les paramilitaires.
Il y critiquait aussi "l'incapacité de l'armée et
de la police à capturer les criminels".
En Europe, un journaliste, Martin O'Hagan, du Sunday World, a été
tué le 28 septembre à Belfast, en Irlande du Nord, par
un groupe militaire loyaliste, pour la première fois depuis le début
des années 1960. Un journaliste a également été
tué au Pays basque espagnol. Par ailleurs, le gouvernement Aznar
renforce depuis le 11 septembre la pression sur certains correspondants
étrangers qui continuent de qualifier l'ETA d'"organisation
séparatiste basque", alors qu'à Madrid on souhaiterait
la réduire à une simple "bande de terroristes".
En Europe, toujours, deux autres journalistes ont été tués
au Kosovo et en Ukraine.
Les attentats commis aux Etats-Unis le 11 septembre, et la riposte
américaine, ont été particulièrement "néfastes
pour la presse", selon Reporters sans frontières. Il y eut
d'abord les reporters de guerre tombés en Afghanistan, puis les nouvelles
contraintes liées à la "lutte antiterroriste"
imposées à la presse dans les démocraties. Freimut
Duve, le représentant de la liberté de la presse pour l'Organisation
pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE),
a prévenu le Conseil permanent de cette organisation qu'il "[n'autoriserait]
pas que la lutte contre les criminels (ou le terrorisme) réduise
la liberté de la presse" (Le Monde du 7 novembre 2001).
"Il y a une grande dégradation de la situation dans nos propres
démocraties, analyse Robert Ménart, le secrétaire général
de RSF. Nous constatons des dérives autoritaires en France, aux Etats-Unis,
au Canada en matière de protection des sources des journalistes ou
de nouvelles entraves à la circulation de l'informaion sur Internet,
par exemple." L'IFJ constate "la difficulté pour
trouver un équilibre entre le désir de l'Etat de poursuivre
le crime et l'obligation professionnelle du journaliste de protéger
sa source".Cette fédération, qui épingle notamment
la France, mentionne l'inquiétude des professionnels face aux nouvelles
initiatives gouvernementales destinées à lutter contre le
crime organisé alors que la législation française sur
les photo-reportages, notamment, est déjà l'une des plus contraignantes
du monde occidental, selon l'IPI. Les récentes mesures de lutte antiterroriste
souffrent, selon le syndicat des journalistes SNJ-CGT et l'association professionnelle
Presse liberté, d'une absence de débat et de réflexion
concertée.
Elles restent, toutefois, incomparables avec les mesures repressives utilisées,
par exemple, par le Kazakhstan. Des troupes armées du ministère
de l'intérieur y ont investi, en novembre 2001, le bâtiment
de la chaîne de télévision privée KTK en interrompant
temporairement ses émissions. "Les autorités ont expliqué
que dans le cadre du conflit en Afghanistan toutes les installations stratégiques
de la République doivent être surveillées par le ministère
de l'intérieur", rapporte Reporters sans frontières.