Les récentes déclarations de Monsieur Jean-Marie Messier,
PDG de Vivendi Universal, selon lequel « l'exception culturelle
française est morte » ont permis de façon spectaculaire
de remettre sur le devant de la scène les combats menés dans
le passé à l'occasion des négociations de l'OMC (Organisation
mondiale du commerce, anciennement GATT) et de l'AMI (Accord multilatéral
sur l'investissement).
Avant d'évoquer le fond du problème, il est nécessaire
de répondre à Jean-Marie Messier en rappelant que l'exception
culturelle n'est pas française et que son devenir n'est en aucun
cas entre les mains du PDG d'une multinationale.
En effet, l'exception culturelle est un acquis de négociations internationales
partagé par tous les pays européens et, au-delà, par
des pays tels que la Corée du Sud ou le Canada. Il permet simplement
à chaque pays de définir librement sa politique en matière
audiovisuelle et cinématographique. La réalité de l'exception
culturelle est donc le résultat d'une volonté politique de
ne pas considérer les oeuvres cinématographiques et audiovisuelles
comme des marchandises, ce qui ne peut que heurter les entreprises souhaitant
qu'il n'existe qu'un modèle cinématographique, le modèle
américain.
Les déclarations de M. Messier ne sont pourtant pas neutres ni liées
au hasard, elles traduisent la stratégie d'une firme transnationale
produit de la convergence entre les tuyaux et les contenus. En effet, il
n'est pas neutre de rappeler que l'ancêtre de Vivendi-Universal, la
Compagnie générale des eaux, avait pour métier la gestion
d'infrastructures (des tuyaux), et leur contenu, de l'eau, afin de l'acheminer
vers le consommateur final. Après le téléphone et internet,
il semble que cette entreprise applique les même règles en
matière de cinéma et d'audiovisuel. Ainsi, il est nécessaire
de s'assurer le contrôle d'un certain nombre de tuyaux (des télévisions
hertziennes, par câble, par satellite ... ) dans le monde entier et
d'assurer l'écoulement de films et de produits audiovisuels vers
le consommateur final.
Il est intéressant de souligner que la logique de l'intégration
verticale (le contrôle de toutes les étapes d'une filière
de l'amont vers l'aval) est appliquée de la même façon
par Vivendi-Universal aux métiers de l'eau, du cinéma et de
l'audiovisuel. Il n'est donc plus question d'oeuvre, d'identité et
de diversité culturelle, il n'est plus question que de débit.
Or la production d'une oeuvre cinématographique ne correspond pas
aux standards de production en grande série d'un produit homogène,
c'est une activité de prototype, c'est une activité artisanale
aux résultats économiques aléatoires et risqués.
La grande industrie n'aime pas les aléas, ni l'artisanat. Comment
réduire ce risque ? Simplement en produisant les films les plus homogènes
possibles, des oeuvres standardisées, aseptisées et «
adaptées » au marché mondial et en s'assurant les débouchés
dans les salles de cinéma et sur les petits écrans.
C'est cela le rêve américain et l'on comprend mieux qu'il ne
peut se réaliser que si seuls les mécanismes de marché
gouvernent le secteur cinématographique. C'est contre cela que se
battent les réalisateurs. Non pas pour défendre leur corporation
mais pour défendre une certaine idée de la société,
de la culture et du rôle de l'Etat.
Fondée en 1987 par Claude Berri, l'ARP est une société
civile qui
regroupe 170 auteurs-réalisateurs-producteurs de cinéma.
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