Lieux de mémoire

Châteaubriant, Souge



Deux importantes cérémonies ont marqué le dernier week-end, en Bretagne et en Gironde... · Châteaubriant, plus d'un millier de personnes ont rendu hommage aux 27 militants communistes et syndicalistes livrés par Vichy aux pelotons d'exécution nazis et passés par les armes, le 22 octobre 1941. Dans la carrière où ils tombèrent, Pierre Gouffault, membre du bureau national de la Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes, rappela qu'ils avaient été arrêtés en vertu des décrets Dalladier, et que leur sacrifice avait constitué un moteur du combat contre le fascisme. Il souligna que, en 1942, à Sachsenhausen, les nazis avaient aussi fusillé vingt-sept déportés : vingt-quatre Allemands et trois Français. Jacqueline Ollivier-Timbaud, vice-présidente de l'Association nationale des familles de fusillés et massacrés de la Résistance, témoigna du traumatisme subi par les proches. Marie-George Buffet, secrétaire nationale du PCF, lui succéda à la tribune. L'hommage, rendu en présence de Georges Abbachi, secrétaire général de l'Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé, et de Mme Nilès, prit fin sur une évocation poétique conçue par Jacques Mignot, à laquelle participaient des jeunes de Châteaubriant et de Nantes. D'autres jeunes, venus de la région parisienne, s'étaient joints à l'hommage.

Dans la région de Bordeaux, le camp de Souge est devenu le haut-lieu de la mémoire des fusillés de la Résistance. Robert Créange, au nom de la FNDIRP, après avoir évoqué le souvenir de tous ceux dont le sang avait rougi la terre, en particulier les cinquante et un otages fusillés le 21 octobre 1941, y a souligné devant plusieurs centaines de personnes : " Nous continuerons à témoigner ; nous le devons à la mémoire de celles et ceux qui sont tombés avec, au cour, l'espoir d'un avenir de bonheur pour tous ; nous le devons pour ne laisser ni effacer, ni dévaloriser, ni calomnier leur sacrifice ; la mémoire est gage d'avenir. "

extrait de "l'Humanité" 25 octobre 2002


Parmi les fusillés de Chateaubriant :

Paul Bastard.

Vingt-et-un ans, Chaudronnier.

Arrêté à Nantes au début de 1941 en même temps que son meilleur ami Emile David, il arive à Châteaubriant fin avril, le même jour que son camarade. Ce jeune communiste de taille athlétique n'est cependant pas sportif, en revanche il manifeste un goût très vif pour l'étude. Elève de plusieurs cours, il partage ses jours entre la classe et la lecture.
Lorsque Touya appela David puis Bastard à la «3» du c<Pl », ce dernier prit la main de son ami et, du fond de la baraque où ils logeaient, ils s'en allèrent côte à côte entre les rangées de châlits. Fermes et droits ils souriaient au passage aux compagnons qu'ils quittaient pour toujours, com-
me allait les quitter tout à l'heure leur jeune vie de vingt ans.

sa dernière lettre à ses parents :

Le 22 octobre.


Mon petit papa,
ma petite maman,
mes chères petites soeurs,


Vous allez être surpris de cette lettre, mais excusez-moi si je ne peux employer d'autres termes, c'est terrible, je serai mort ce soir ou demain, je ne sais quand.

Aujourd'hui, les Allemands sont venus nous chercher. Pas tous bien sûr, ils ont pris beaucoup de jeunes, nous sommes en tout vingt-sept.

Bref, mon petit papa, ma petite maman chérie, ne pleurez pas, au contraire, prenez courage et réfléchissez aux causes de ma mort. Quant à toi, ma petite Madeleine, souviens-toi de ce que je t'ai écrit par deux fois et toi, ma petite Denise, sois courageuse, en classe, comme je te l'ai si souvent demandé. Enfin, embrassez bien fort toute la famille, grand-mère et grand-père Boisnault. Au revoir à tante Yvonne et oncle Marius. Au revoir à tante Madeleine, Ulysse et les gosses, à tante Adrienne et cette chère France et son p-etit Yves, oncle et tante Renée et Guy, grand-mère Bastard aussi que j'oubliais. le ne me rappelle plus, je suis tout de même un peu troublé mais je n'ai pas peur, vous savez, et je saurai mourir en bon Français. D'ailleurs, si vous voulez des détails complémentaires, vous pourrez demander au curé de Béré.
je voudrais vous dire encore beaucoup de choses, mais je ne sais plus; ah si, M. Cosquer fils est ici et un autre d'Angers que je ne connais pas.
Allons, cette fois-ci je vais terminer pour la dernière fois, mon papa chéri, ma maman chérie, mes petites soeurs adorées, songez souvent à votre fils et frère.

Votre fils chéri et frère qui vous envoie son dernier baiser.

Paul Bastard.


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