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Les jeunes dans la Résistance : le courage jusqu'au bout


Lettre de Henri Fertet, "un condamné à mort de 16 ans"
Élève de Seconde du Lycée Victor-Hugo à Besançon. Résistant condamné à mort par le tribunal militaire de la
Feldkommandantur 560. Exécuté à Besançon le 26 septembre 1943.


" Chers Parents,

Ma lettre va vous causer une grande peine, mais je vous ai vus si pleins de courage que, je n'en doute pas, vous voudrez encore le garder, ne serait-ce que par amour pour moi.

Vous ne pouvez savoir ce que moralement j'ai souffert dans ma cellule, ce que j'ai souffert de ne plus vous voir, de ne plus sentir peser sur moi votre tendre sollicitude que de loin. Pendant ces 87 jours de cellule, votre amour m'a manqué plus que vos colis, et souvent je vous ai demandé de me pardonner le mal que je vous ai fait, tout le mal que je vous ai fait.

Vous ne pouvez vous douter de ce que je vous aime aujourd'hui car, avant, je vous aimais plutôt par routine, mais maintenant je comprends tout ce que vous avez fait pour moi et je crois être arrivé à l'amour filial véritable, au vrai amour filial. Peut-être après la guerre, un camarade vous parlera-t-il de moi, de cet amour que je lui ai communiqué. J'espère qu'il ne faillira pas à cette mission sacrée.

Remerciez toutes les personnes qui se sont intéressées à moi, et particulièrement nos plus proches parents et amis ; dites-leur ma confiance en la France éternelle. Embrassez très fort mes grands parents, mes oncles tantes et cousins, Henriette. Donnez une bonne poignée de main chez M. Duvernet ; dites un petit mot à chacun. Dites à M. le Curé que je pense aussi particulièrement à lui et aux siens. Je remercie Monseigneur du grand honneur qu'il m'a fait, honneur dont, je crois, je me suis montré digne. Je salue aussi en tombant, mes camarades de lycée. A ce propos, Hennemann me doit un paquet de cigarettes, Jacquin mon livre sur les hommes préhistoriques. Rendez « Le Comte de Monte-Cristo » à Emourgeon, 3 chemin Français, derrière la gare. Donnez à Maurice André, de la Maltournée, 40 grammes de tabac que je lui dois.

Je lègue ma petite bibliothèque à Pierre, mes livres de classe à mon petit papa, mes collections à ma chère petite maman, mais qu'elle se méfie de la hache préhistorique et du fourreau d'épée gaulois.

Je meurs pour ma Patrie. Je veux une France libre et des Français heureux. Non pas une France orgueilleuse, première nation du monde, mais une France travailleuse, laborieuse et honnête. Que les Français soient heureux, voila l'essentiel. Dans la vie, il faut savoir cueillir le bonheur.

Pour moi, ne vous faites pas de soucis. je garde mon courage et ma belle humeur jusqu'au bout, et je chanterai « Sambre et Meuse » parce que c'est toi, ma chère petite maman, qui me l'as apprise.

Avec Pierre, soyez sévères et tendres. Vérifiez son travail et forcez-le à travailler. N'admettez pas de négligence. Il doit se montrer digne de moi. Sur trois enfants, il en reste un. Il doit réussir.

Les soldats viennent me chercher. Je hâte le pas. Mon écriture est peut-être tremblée ; mais c'est parce que j'ai un petit crayon. Je n'ai pas peur de la mort ; j'ai la conscience tellement tranquille.

Papa, je t'en supplie, prie. Songe que, si je meurs, c'est pour mon bien. Quelle mort sera plus honorable pour moi que celle-là ? Je meurs volontairement pour ma Patrie. Nous nous retrouverons tous les quatre, bientôt au Ciel.

« Qu'est-ce que cent ans ? »

Maman, rappelle-toi :
« Et ces vengeurs auront de nouveaux défenseurs
qui, après leur mort, auront des successeurs. »

Adieu, la mort m'appelle. Je ne veux ni bandeau, ni être attaché. Je vous embrasse tous. C'est dur quand même de mourir.
Mille baisers. Vive la France.
Un condamné à mort de 16 ans


H. Fertet

Excusez les fautes d'orthographe, pas le temps de relire.

Expéditeur : Henri Fertet
Au Ciel, près de Dieu. "

Sources : François Marcot, "Les voix de la Résistance". Besançon, 1989, p. 185.
Textes et documents sur l'histoire de la Franche-Comté. Fascicule 5. 1848-1945. Besançon, 1967, pp. 209-211.


Des étrangers dans la Résistance en France


la sinistre "affiche rouge"' placardée par les Allemands en février-mars 1944 après la condamnation à mort d'un groupe de résistants des FTP-MOI dirigé par l'Arménien Manouchian.
Cette affiche cherche à présenter ces résistants comme des criminels et des terroristes. Loin d'atteindre ce but des passants déposaient des bouquets au pied de l'affiche pour rendre hommage à ces étrangers qui ont combattu pour la liberté de la France.

consulter une analyse de cette affiche

Ecrit par Louis Aragon à la mémoire du groupe Manouchian executé par la Gestapo le 21 février 1944, ce poème est chanté par Léo Ferré sous le titre l'Affiche rouge.

Strophes pour se souvenir

 
 
Vous n'avez réclamé la gloire ni les larmes
Ni l'orgue, ni la prière aux agonisants.
Onze ans déjà, que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servi simplement de vos armes
La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans.

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit, hirsutes, menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants...

Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos : "Morts pour la France !"
Et les mornes matins en étaient différents.

Tout avait la couleur uniforme du givre
A la fin février et pour vos derniers moments
Et c'est alors que l'un de vous dit calmement :
"Bonheur à tous ! Bonheur à ceux qui vont survivre !
Je meurs sans haine pour le peuple allemand."

Adieu la peine et le plaisir, adieu les roses,
Adieu la vie, adieu la lumière et le vent
Marie-toi, sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui va demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini, plus tard en Erivan
Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le coeur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée, ô mon amour, mon orpheline
Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur coeur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient La France en s'abattant.

Texte extrait du ROMAN INACHEVE d'Aragon (éd. Gallimard)
Paroles de Louis Aragon
Musique de Léo Ferré-1959


autres document : les fusillés de Chateaubriant


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