L'Inde met ses cerveaux au service de l'industrie occidentale
extraits d'un article : LE MONDE 8 décembre 2003
Après la Chine "atelier du monde", le deuxième
pays le plus peuplé de la planète, qui forme 260 000 ingénieurs
par an, s'impose comme destination préférée des grandes
firmes de services et de technologies pour installer laboratoires et centres
d'appels.
Tandis que la Chine s'affirme toujours comme "l'usine du monde",
l'Inde connaît un développement économique construit
non sur ses seules ressources naturelles ou sur sa main-d'oeuvre bon marché,
mais sur ses cerveaux : 260 000 ingénieurs de haut
niveau sont formés chaque année dans ce pays. La délocalisation
de matière grise pourrait bien avoir, à terme, tout autant
de conséquences pour l'emploi en Occident.
(...)
Au Royaume-Uni, ancienne puissance coloniale, les annonces de délocalisation
(vers l'Inde) se multiplient. Le 2 décembre, la compagnie
d'assurances Aviva a annoncé le transfert en Inde de 2500 emplois
dans ses services informatiques et ses centres d'appel, "pour donner
à l'entreprise une flexibilité et une capacité accrues",
a-t-elle expliqué. Pressé par les syndicats de condamner cette
décision, le premier ministre, Tony Blair, s'est seulement déclaré
"navré pour celui ou celle dont l'emploi est menacé".
Et d'ajouter : "La pire chose pour le gouvernement serait d'offrir
un faux espoir en affirmant qu'il est possible d'arrêter cette évolution."
Aviva, il est vrai, n'a fait que suivre l'exemple de Reuters, de BT, de
Prudential, des supermarchés Tesco, des banques HSBC et Lloyds et
de... British Rail. Les renseignements téléphoniques des chemins
de fer britanniques vont, eux aussi, être sous-traités en Inde,
par des opérateurs qui n'auront sans doute jamais utilisé
le réseau ferroviaire de Sa Majesté !
Selon les syndicats, au cours des dix-huit derniers mois, 10 000 emplois
ont ainsi été perdus au Royaume-Uni, et 200 000 emplois
seraient menacés. (...)
(...)
Aux Etats-Unis, il y aurait aujourd'hui moins d'ingénieurs
dans la Silicon Valley (120.000) qu'à Bangalore, en Inde (150.000).
Les entreprises se justifient en expliquant que leurs centres de recherche
délocalisés leur permettent de développer plus vite
de nouveaux produits de meilleure qualité. Les 900 ingénieurs
de Texas Instruments à Bangalore ont déjà déposé
225 brevets de nouvelles puces. Microsoft va recruter 2.000 développeurs
de logiciels en Inde d'ici à la fin de l'année 2004. Des ingénieurs
indiens entretiennent et développent les sites interactifs de Lehman
Brothers, de Boeing et des Pages jaunes du téléphone aux Etats-Unis.
Selon le cabinet A.T. Kearney, les services financiers américains
vont transférer 500.000 emplois à l'étranger,
principalement en Inde, d'ici à 2008. Quand les grandes firmes de
Wall Street ferment leurs portes le soir, les analystes indiens traitent
et vérifient les opérations de la journée de la quasi-totalité
des grandes banques et maisons de courtage. Les risques et les données
individuelles utilisées pour établir des polices d'assurance
ou attribuer des crédits par American Express et J. P. Morgan
Chase sont traités en Inde.
En France, " les sociétés de services
et d'ingénierie en informatique -SSII-connaîtront un scénario
de délocalisation comparable à celui des entreprises textiles",
affirme Paul Hermelin, président de Cap Gemini Ernst &
Young, qui compte 600 employés en Inde (sur un effectif
total de 52 600 personnes). "La délocalisation
est une question de survie dans un contexte de baisse d'activité
et de pression sur les prix", renchérit Jean-Yves Hardy,
PDG de Valtech. Cette firme spécialisée dans le conseil en
commerce électronique a ouvert un centre de développement
en Inde, qui emploie actuellement 40 salariés et prévoit
d'en recruter 1 000 d'ici à la fin 2004 - pour un effectif
total de 800 collaborateurs pour l'ensemble de Valtech en 2002. (...)
Eric Leser (à New York), Gaëlle Macke (à Paris) et
Marc Roche (à Londres)
d'après le journal 'Le Temps" de Genève. 25 janvier
2005
L'Inde vit une double révolution, celle des technologies de l'information
et des biotechnologies.
Si l'Inde pays demeure un nain dans le bilan global des échanges
mondiaux, c'est d'ores et déjà un géant dans l'industrie
du logiciel et les services informatiques.
En 10 ans dont leurs exportations sont passées de 500 millions de
dollars en 1994 à 16,3 milliards en 2004. (soit x 32...)
L'Inde qui rit et l'Inde qui pleure ...
croissance et inégalités sociales : le grand écart...
"Aller du centre-ville de Bengalore* jusqu'à la zone spéciale
où sont installées Infosys, Wipro, TCS et les autres championnes
de la Shining India (l'Inde qui brille) est une expérience. Routes
défoncées, embouteillages monstres de rickshaws, de cars déglingués
et de voitures, alignements de taudis avec leurs petites boutiques de nourriture
aux mille couleurs et de bric-à-brac rouillé, vaches poussiéreuses
indifférentes à la pollution envahissante, la pauvreté
indienne vous prend au coeur. Puis elle s'arrête net pour laisser
place à un "campus" de verdure et de bâtiments de
verre, propres et fonctionnels comme à Palo Alto. Le gouffre entre
l'Inde loqueteuse et celle qui rivalise avec les meilleures multinationales
n'a jamais été aussi immense.
Depuis 1991, date du début des réformes et de l'entrée
dans la mondialisation, l'économie indienne a doublé. Trente-cinq
millions d'Indiens ont atteint un niveau de revenu bientôt comparable
à celui des pays développés (1 000 dollars par mois).
Cette classe moyenne en expansion rapide (+10% l'an) vit côte à
côte avec 400 millions de miséreux (moins de 1 dollar par jour),
chiffre grosso modo stable."
extrait d'un article d'Éric Leboucher. Le Monde daté du 24
décembre 2005
*Bengalore est appelé la "Silicon valley "du sud de l'Inde