(la toile se trouve au Louvre, dans l'aile Richelieu au 2ème
étage, salle 18 "la galerie Médicis").
Cette oeuvre fait partie d'une série de 24 tableaux commandés
à Rubens en 1622 par la régente Marie de Médicis pour
orner son palais du Luxembourg à Paris. Marie de Médicis,
est la seconde épouse et la veuve du roi Henri IV, mère de
Louis Louis XIII. Cet ensemble colossal a été peint entre
1622 et 1625. Il décrit la vie de la Reine depuis sa conception (
"les Parques filant le destin de Marie...") jusqu'à sa
réconciliation avec son fils (Louis XIII) en 1621.
"L'apothéose d'Henri IV et la proclamation de la régence
de Marie de Médicis". Peint entre 1622 et 1625. 394 x 727 cm.
Musée du louvre . Paris
le sujet du tableau :
Le roi Henri IV, ancien huguenot converti au catholicisme avait réussi
la pacification religieuse avec l'édit de Nantes (1598). Les deux
religions pouvaient coexister pacifiquement, situation unique alors en Europe.
Mais les passions ne sont pas éteintes. Henri est inquiet de la puissance
des Habsbourg d'Espagne, champions de la Contre-Réforme catholique,
dont les possessions encerclent la France.
En 1610, à l'occasion d'un conflit de succession pour deux principautés
allemandes, il soutient les princes protestants contre les Habsbourg et,
la guerre semblant imminente, il lève une armée. Attitude
purement politique, mais beaucoup de catholiques français y voient
un soutien au protestantisme... Avant de partir pour l'Allemagne, Henri,
le 13 mai 1610, remet la régence à sa femme, Marie de Médicis.
Le lendemain, 14 mai , il est assassiné par Ravaillac, un catholique
exalté. Une longue période de trouble commence. Elle fera
regretter aux Français le "bon roi Henri", qu'ils avaient
pourtant si peu aimé de son vivant.
Le thème du tableau de Rubens se place ainsi au lendemain de l'assassinat
du roi, lorsque Marie, la régente doit prendre en mains le gouvernement
du royaume. (le roi, leur fils, n'ayant alors que neuf ans)
Premières impressions :
Tout semble en mouvement sur cette grande toile. Sinuosités,
courbes et obliques dominent.
À gauche, le roi, assassiné, s'élève vers les
cieux... (Ravaillac serait symbolisé par le serpent).
Tous les personnages sont en déséquilibre, en train de bouger,
d'accomplir un geste qui reste comme suspendu...
Tous, sauf à droite, la reine. Assise, en grand deuil, serrant les
mains sur sa poitrine, comme repliée sur elle-même, elle regarde,
avec crainte le globe de l'empire et le gouvernail (symbole du gouvernement)
que lui remettent des personnages allégoriques.
Mais ce foisonnement, cette vitalité baroque, chaude et brouillonne,
ce "désordre" sont solidement structurés, ordonnés,
par une géométrie rigoureuse .
Analyse de la composition :
1. Deux scènes simultanées, mais opposées sont
représentées :
à gauche, inscrit dans un triangle le défunt roi
Henri IV est emporté au ciel par Zeus à gauche (appuyé
sur son aigle aux foudres) et Cronos à droite (tenant une faucille).
Le roi rejoint les dieux de l'Olympe, dans un ample mouvement évasé
d'élévation vers un espace ouvert en partie dissout dans la
lumière dorée. Ce mouvement d'ascension est renforcé
par de nombreuses obliques. Espace de dilatation.
à droite, au contraire, la reine Marie est au centre d'un cercle
que des courtisans et des personnages allégoriques forment autour
d'elle, espace de convergence, vers lequel irrésistiblement le regard
est attiré.
Ici aussi des lignes obliques, mais formant un faisceau centré
sur la reine, centre de tous les regards, assise au coeur d'un espace terrestre
architecturé(les seules horizontales du tableau avec la ligne d'horizon).
Renforçant cette polarisation la voûte donne à la reine
comme une vaste auréole). Espace de concentration.
Il y a ainsi un contraste saississant entre la gauche qui "s'évapore"
et la droite qui se "concentre", entre le monde céleste
irréel vers lequel le roi défunt va s'effacer et le monde
bien matériel et architecturé que la reine va maintenant régir
!
2. structures géométriques :
si l'on rabat le petit côté sur le grand on obtient un
carré dont la diagonale n'est que le plus long côté
du triangle...
Le cercle inscrit dans ce carré englobe tous les personnages
de la partie gauche...
Même opération à droite : là aussi, tous
les personnages se regroupent dans le cercle inscrit.
Remarquez que c'est sur le côté droit du carré que s'adosse
la femme debout, silhouette la plus claire du tableau.
Ainsi la toile s'organise aussi autour de deux cercles. Ces deux cercles
se chevauchent dans un espace central de transition, de contact, entre ces
"deux mondes". Le chien (symbole de fidélité), bien
vivant, regarde la reine, participant à la convergence vers Marie.
Alors que le trophée d'armes est tourné dans l'autre sens...
cette oblique est une autre structure importante... Remarquez qu'elle
recoupe de nombreux points d'articulation, genoux, coudes, mains
même constatation pour la partie droite, la diagonale de ce rectangle
suit bien le mouvement général. Ces deux obliques forment
un vaste triangle pointe en bas, comme une pyramide renversée .
le rectangle rouge et le rectangle bleu sont des "rectangles d'or",
c'est à dire que le rapport entre leurs côtés est égal
à 1,618, une proportion harmonieuse utilisée depuis l'antiquité.
La diagonale blanche ainsi obtenue donne la structure principale de la composition.
Elle délimite, ces deux mondes en deux surfaces égales rigoureusement
égales. Mouvante, vivante frontière de corps orientés
à gauche puis à droite...
À propos, comment construire un rectangle d'or ?
D'abord, tracer un carré ABCD.
Puis, tracer un cercle de centre O, milieu d'un côté (ici BC)
ayant pour rayon OD.
Prolonger la droite BC , elle coupe le cercle en F.
Terminer le rectangle obtenu en élevant une perpendiculaire à
BCF en F. Elle coupe le prolongement de AD en E.
Votre rectangle ABFE est un rectangle d'or !
Pourquoi ? parce que BF (le grand côté) = AB (le petit côté)
x 1,618 (le nombre phi)...
Mais, au musée quand on regarde un tableau, on n'a pas de règle,
ou de rapporteur. On enregistre une vision plus spontanée, plus intuitive
des masses et des directions, comme celle ci-dessus de deux pyramides inversées.
on peut aussi s'intéresser au jeu de mains...autour des signes
du pouvoir, le globe et le gouvernail...
Cette étude d'un tableau de Rubens est maintenant publiée dans l'ouvrage "Les maths au quotidien" de Matthieu Colonval et Abdelatif Roumadni, éditions Ellipses Paris 2009. Un site internet est dédié à ce livre, on y trouve des TP informatiques téléchargeables ainsi que des exercices interactifs tirés de situations concrètes de cet ouvrage. Il se trouve à l’adresse suivante : http://maths-au-quotidien.perso.neuf.fr