2001, année noire sur les routes de France




L'embellie aura été de courte durée. En 2001, le nombre de personnes tuées sur la route a augmenté de 1 % en France, après que l'on se fut félicité de la baisse de près de 4,8 % enregistrée en 1999 et à nouveau en 2000. La déléguée interministérielle à la sécurité routière, Isabelle Massin, admet elle-même que cette absence d'amélioration des comportements, malgré tous les efforts déployés, est "préoccupante". La France est-elle condamnée à détenir, en valeur absolue, le record du nombre de tués sur la route dans l'Union européenne ?

"Vitesses toujours trop élevées, consommation d'alcool et infractions nombreuses au code de la route persistent", déplore, d'un ton las, la direction de la Sécurité routière dans son bilan définitif, rendu public mercredi 22 mai. Derrière la froideur des statistiques, avec 1 % de tués supplémentaires (sont comptabilisés les personnes décédées dans les six jours qui suivent l'accident), ce sont quelque 7 720 personnes qui, en 2001, sont décédées après un accident de la route. Lorsque l'on recense les décès intervenus jusqu'à trente jours après l'accident, le chiffre gonfle encore. Et l'on parle alors de 8 160 morts.

DES ACCIDENTS PLUS GRAVES


Paradoxalement, en 2001, le nombre global d'accidents corporels a diminué (- 3,7 %), passant de 162 117 à 153 945. Les blessés graves (26 192) sont, eux aussi, légèrement moins nombreux (- 4 %). Car selon la Sécurité routière, "le nombre d'accidents diminue, mais ils sont plus graves", et provoquent plus fréquemment la mort des personnes impliquées.

Première accusée, la vitesse. C'est l'infraction la plus répandue, à l'origine de la moitié des accidents mortels. Les agglomérations de moins de 5 000 habitants traversées par une route nationale sont les lieux privilégiés de ce type d'infractions puisque 83 % d'entre elles sont traversées à une vitesse excessive.

Si les motards ont été, en 2001, particulièrement victimes de l'insécurité routière (hors cette catégorie d'usagers de la route, le nombre de morts sur les routes aurait baissé de 0,7 %), enregistrant une hausse de 14 % du nombre de tués, c'est d'abord parce qu'ils dépassent souvent les vitesses maximales. Alors que 60 % des voitures de tourisme sont, un jour donné, sur l'ensemble du réseau routier, en excès de vitesse, 70 % des motards roulent trop vite.

"Les motocyclistes se situent, en moyenne, au-dessus de la vitesse pratiquée par les automobilistes", note la Sécurité routière : un écart de 10 km/h est même relevé sur les autoroutes urbaines. Quelque 1 011 motards sont morts sur la route en 2001 (contre 886 en 2000). "La moto est de loin le mode de déplacement le plus dangereux", insiste la Sécurité routière : "Le risque d'avoir un accident, si l'on tient compte du kilométrage parcouru, est quatorze fois supérieur pour un motocycliste à celui d'un utilisateur de voiture."La Fédération française des motards en colère (FFMC) a réagi, mercredi 22 mai, en "accusant les gouvernements, qui, tous, réagissent à l'insécurité routière essentiellement par la répression, qui a pourtant fait preuve de son inefficacité".

L'alcool conserve son rôle néfaste. En 2001, il était en cause dans 31 % des accidents mortels, soit un point de plus que l'année précédente. La nuit, un conducteur impliqué dans un accident mortel sur deux a une alcoolémie positive. Ce taux monte à 56 % durant les nuits du week-end.

Les jeunes de 15 à 24 ans paient un lourd tribut à la route. Ils comptent pour près de 27 % des tués (2 077 personnes, contre 1 964 en 2000) alors qu'ils ne représentent que 13 % de la population française. Les accidents de la route constituent, pour eux, la première cause de mortalité. Près d'un conducteur sur cinq est tué alors qu'il possède le permis de conduire depuis moins de deux ans.

Les routes nationales et départementales s'avèrent les plus dangereuses, surtout lorsque la circulation s'y effectue à double sens. Près de la moitié des accidents ont lieu sur ces axes, quand les autoroutes n'en représentent que 6 %. La route ne tue pas que des personnes motorisées, loin de là : 10,1 % des personnes décédées en 2001 étaient des piétons, et 3,1 % des cyclistes.
"SURSAUT NATIONAL"

En 1997, Jean-Claude Gayssot, alors ministre des transports, s'était, à son arrivée au pouvoir, fixé pour objectif de réduire de moitié en cinq ans le nombre de tués sur les routes (qui avoisinait les 8 000). Le pari n'a pas été tenu, loin s'en faut. En réaction à ce piètre bilan 2001, la Ligue contre la violence routière s'est prononcée, mercredi 22 mai, pour l'exclusion de toute infraction au code de la route dans la future loi d'amnistie présidentielle :"Faute de cela, il serait impossible de croire que la première cause de mortalité de la jeunesse, la plus meurtrière des délinquances, est prise au sérieux par les nouveaux pouvoirs exécutif et législatif."

Isabelle Massin, la déléguée interministérielle à la Sécurité routière, a pris la même position de principe. Elle en appelle par ailleurs à un véritable "sursaut national" : "Pour franchir une nouvelle étape, il faut que l'Etat, les collectivités locales, et même les entreprises, via les plans de prévention des risques routiers, consacrent à la sécurité routière des moyens beaucoup plus importants." Il faut encore, poursuit-elle, que "comme dans les pays nordiques, chacun comprenne que conduire n'est pas une affaire individuelle mais une responsabilité collective".

Et la déléguée interministérielle d'évoquer différentes pistes qu'elle voudrait voir explorées d'urgence : l'amélioration des infrastructures routières (notamment l'élimination des obstacles latéraux, poteaux, glissières de sécurité...) ; le développement des contrôles, " puisque la probabilité de se faire prendre quand on commet une infraction est trop faible"; l'alourdissement des peines prononcées par les tribunaux ; la vérification périodique des aptitudes des conducteurs après l'obtention de leur permis ; et le développement des équipements sur les voitures aidant le conducteur à respecter les limitations de vitesse.

Pascale Krémer
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Les excès de vitesse, comportement de masse



Alcool. La conduite en état d'ivresse est moins fréquente que les dépassements de vitesse, mais son influence est considérable sur les accidents. Les contrôles d'alcoolémie ont fortement progressé depuis dix ans. Environ 6 millions de dépistages préventifs ont été effectués en 2001. En 1995, un décret a fixé à 0,5 g/l le taux maximal d'alcool dans le sang autorisé pour conduire.

Ceinture. De plus en plus d'automobilistes bouclent leur ceinture de sécurité. Plus de 91 % des passagers avant l'ont portée en 2001.

Vitesse. En 2001, selon un sondage réalisé pour la Sécurité routière, 60 % des automobilistes et des conducteurs de poids lourds ont dépassé les limitations de vitesse. Ce taux s'élève à près de 70 % pour les motards. C'est en ville que les excès de vitesse sont les plus importants. Par ailleurs, les conducteurs ont tendance à rouler plus vite la nuit, surtout en milieu urbain. A trafic constant, les contrôles de vitesse ont diminué de 30 % depuis dix ans.

Téléphone portable. L'utilisation d'un téléphone portable au volant multiplie par quatre le risque d'accident.

Points. En 2001, plus de 1,2 million de personnes se sont vu retirer des points sur leur permis de conduire et 13 410 permis ont été invalidés. Depuis dix ans, le nombre de décisions de suspensions administratives de permis a été divisé par trois.

Responsabilité. 60 % des tués ne sont pas responsables de l'accident : il s'agit des piétons, des occupants non-conducteurs et des conducteurs non responsables.


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Sensibiliser les jeunes



La préfecture de police organise, mardi 28 et mercredi 29 mai, des "journées de sensibilisation" des jeunes Parisiens à la sécurité routière. Constatant que les 14-24 ans représentent 22 % des victimes d'accidents corporels et 20 % des tués sur la route, la préfecture juge "important d'associer les jeunes à une démarche préventive basée sur la notion de responsabilité". Initiation à la conduite, test de choc avec ou sans ceinture, évaluation de la connaissance du code de la route, formation à la pratique sécurisée du roller ou encore information sur les conduites sous l'emprise de l'alcool, de drogues ou de médicaments : 1 000 élèves de collèges et de lycées parisiens participeront aux dix-huit ateliers organisés sur le parvis du château de Vincennes.

Les conducteurs de deux-roues sont les premiers menacés puisqu'ils représentent 56 % des jeunes victimes d'accidents corporels dans la capitale. Avec 114 morts enregistrés en 2001, le nombre de tués dans les accidents de la route à Paris a augmenté de 70 % par rapport à 2000.

·"LE MONDE" | 28.05.2002



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