L'automobiliste n'échappe pas en effet aux lois de la physique.
Tout corps en mouvement accumule de l'énergie. En cas de choc, l'énergie
cinétique dégagée croît en fonction de la masse
du véhicule et de sa vitesse initiale. Ainsi, la force d'impact d'un
véhicuïe lancé à 90 km/h est 9 fois supérieure
à celle d'un véhicule lancé à 30 km/h. Car lorsque
la vitesse est multipliée par 3, l'énergie cinétique
est, elle, multipliée par son carré (9). La gravité
des traumatismes occasionnés sur le corps humain s'accroit en conséquence.
Une seconde, C'est le temps minimum qu'il faut au conducteur vigilant pour
réagir face à l'obstacle. De la vitesse du véhicule
dépend ensuite sa distance de freinage et d'arrêt. Dans des
conditions normales de circulation, il lui faudra 165 mètres pour.s'arrêter
s'il roule à 130 km/h et 250 mètres à 180 km/h. Mais
comme toute image, celle d'un compteur bloqué à 200 km/h est
forcément réducirice lorsque l'on parle de vitesse excessive.
Car l'excès, ce peut être aussi de rouler à 70 km/h
dans une "zone 30" ou à 130 km/h par temps de pluie ou
de brouillard sur une autoroute. De la même manière, une vitesse
inadaptée aux conditions climatiques, à l'état de fatigue
du conducteur ou aux règles en vigueur (80 -km/h sur autoroute, par
exemple) - est tout autant génératrice de risques. Au final,
ce sont les distances de sécurité, l'état de vigilance
du conducteur et Inadaptation de la conduite aux conditions de la route
qui déterminent la prise de risque de l'automobiliste, Mais la vitesse
elle, intervient toujours de manière directe ou indirecte - dans
la gravité de l'accident,
Les améliorations apportées en matière de sécurité
ont fait leurs preuves : ceinture de sécurité, airbags, système
de retenue pour les enfants, système de freinage Anti-lock Braking
System (ABS)... Mais la performance de ces équipements peut avoir
des effets pervers le sentiment de securité, voire d invulnérabilité
ressenti à 1"intérieur de l'habitacle inciterait les
conducteurs à prendre davantage de risques. C'est pourtant un leurre:
les dispositifs de protection ne peuvent annihiler les lois physiques de
la vitesse. Sans oublier que le tracé et la visibilité des
routes, des autoroutes en particulier, ont été conçus
selon des normes correspondant à une vitesse de référence.
La depasser modifie d'autant la bonne maîtrise du conducteur.
Les enquêtes nous montrent que la propension à la vitesse.
est étroitement liée à plusieurs critères :
le sexe, l'âge, la profession, le comportement général
du conducteur. Ce sont les hommes, surtout avant 40 ans et issus de couche
sociale favorisées qui se montrent les plus nombreux à prendre
des risques sur la route. "l'attitude au volant prolonge lës
tendances fondamentales de chacun à respecter ou à dévier
des normes. De plus, le rapport de l'homme à la vitesse relève
d'un rapport plus général au monde et à la technologie,
lié a une bonne gestion du temps, et a une recherche de la compétitivité",
explique Jean-Pierre Cauzard, sociologue à l'INRETS. Sur 30 millions
de conducteurs français, un tiers. apparaît respectueux des
limites de vitesse. Un autre tiers révèle un profil particulier
: actif de type profession indépendante, plutôt jeunes, ils
sont réticents face à la réglementation, aux limitations
de vitesse et à la contrainte en général. Plus inquiétant,
un dixieme de la population affiche un
comportement systématiquement réfractaire vis-a-vis des règles
établies,
Chez les jeunes le risque routier est double par rapport au reste de
la population. Deux mille jeunes entre 15 et 24 ans se tuent chaque année
sur les routes et plus de 10 000 sont gravement blessés. Les conséquences
de la vitesse entrent pour une part importante dans ce triste bilan 7 %
seulement déclarent ne jamais faire d'excès de vitesse ; 29
% considèrent comme très grave le fait de ne pas respecter
les limitations, Par défi parfois, plus que par inconscience, ils
minimisent, voire recherchent le risque. Jean-Pascal Assailly (1) l'a bien
souligne : "les jeunes, comme les adultes d'ailleurs, ont souvent
des accidents, non parce qu'iis sont incapables de conduire prudemment,
mais parce qu'ils choisissent de ne pas le faire"
Le TGV, l'avion, Internet... Tout ce qui va vite bénéficie
d'une image très valorisée. Comment accepter l'idee que sur
la route la vitesse n'est plus une valeur ? Les normes collectives et la
publicité exaltent la conduite source de puissance, d'ivresse, et
minorent ainsi la perception du risque automobile. "La valeur d'usage
de l'automobile se double de l'effet de distinction que produisent la diversité
des marques, la multiplicité des gammes et des modèles",
explique Pierre-Emmanuel Barjonet. (2) "La règlementation
de la vitesse diminue cette valeur en restreignant la capacité d'usage
de l'auto : son usage instrumental d'abord en augmentant la durée
du transport, son usage symbolique ensuite en écrêtant les
possibilités de se distinguer par le risque et la témérité,
en entravant les manifestations de pouvoir qu'autorise la mise en oeuvre
des potentialités d'un véhicule puissant et rapide".
(1) jean-Pascal Assailly . Les jeunes et le risque Editions Vigot
- 1992
(2) Pierre-Emmanuel Barjonet - Vitesse, risque et accident : psychosociologie
de la sécurité . Paradigme - 1988