Qui pourra succéder à Arafat dans ses multiples fonctions ?

Par Olivier Da Lage

Les prétendants ne manquent pas pour diriger les Palestiniens après la disparition d’Arafat, mais selon la question que l’on pose, la réponse diffère. Car Yasser Arafat n’était pas seulement le président de l’Autorité palestinienne, il était aussi le chef-fondateur du Fatah, le mouvement majoritaire au sein de l’Organisation de libération de la Palestine, dont il était également le président. Enfin, depuis le milieu des années soixante, il est l’incarnation du nationalisme palestinien, à telle enseigne qu’il mettait un point d’honneur à plier son keffieh noir et blanc de façon à former la carte de la Palestine.


Autant dire que personne, parmi les Palestiniens, n’est en mesure d’assumer toutes ces responsabilités. Ces différentes fonctions se cumulent sans se confondre : en effet, l’Autorité palestinienne, née des accords d’Oslo, ne concerne que les habitants de la Cisjordanie et de Gaza et laisse de côté la diaspora palestinienne vivant à l’étranger qui est en revanche représentée au sein de l’OLP.


Institutionnellement, la présidence de l’OLP revient au numéro deux de l’organisation, Mahmoud Abbas, alias Abou Mazen, alors que celle de l’Autorité palestinienne est censée être assumée par le président du Conseil législatif, le parlement palestinien. Mais ce dernier, Raouhi Fattouh, n’a ni la notoriété, ni l’autorité suffisante pour remplir ces fonctions. C’est pourquoi, à la suite du départ d’Arafat pour la France, un triumvirat s’est mis en place à Ramallah pour assurer la suite : il est composé du Premier ministre palestinien Ahmed Qoreï, de son prédécesseur Abou Mazen et Salim Zaanoun, président du Conseil national palestinien (le « parlement de l’OLP »).


Mais si la légitimité historique de ces trois hommes n’est pas contestée par les Palestiniens, il ne peut s’agir, au mieux, que d’une transition : d’une part, ils sont âgés, d’autre part, Abou Mazen s’est rendu très impopulaire lorsque, Premier ministre, il a critiqué la militarisation de l’Intifada. Ouvertement soutenu par les Américains et les Israéliens contre Arafat , il avait dû démissionner. Mais surtout, aux yeux des habitants de Cisjordanie et de Gaza, ils incarnent ces « Palestiniens de Tunis », rentrés en 1994 pour occuper de somptueuses villas et coupés des besoins d’une population dont le niveau de vie s’est constamment dégradé depuis dix ans.


D’autres, plus jeunes, incarnant la « génération Intifada » ambitionnent d’accéder aux plus hautes fonctions. C’est le cas de l’ancien chef de la sécurité de Gaza, Mohammed Dahlan, qui, à quarante-deux ans, aspire ouvertement à la succession, avec le soutien non dissimulé des Israéliens et des Américains. Mais cet homme à poigne, qui sait aussi manier la diplomatie, a un handicap : il est de Gaza, ce qui n’est pas un atout en Cisjordanie. Autre prétendant possible parmi les quadragénaires de l’intérieur: Marouane Barghouti, l’ancien chef du Fatah en Cisjordanie, qui symbolise la résistance à l’occupation. Fils spirituel d’Arafat, il s’est montré suffisamment indépendant pour irriter plus d’une fois le vieux leader. En somme, il aurait tous les atouts pour réussir s’il n’était actuellement détenu dans une prison israélienne, condamné à perpétuité pour avoir organisé des attentats suicides anti-israéliens, ce que l’intéressé a toujours démenti. Certains analystes israéliens –minoritaires il est vrai– voient en lui le « Mandela palestinien » qui, le moment venu, pourra, une fois sorti de prison, être le partenaire avec qui négocier. Pour le moment en tout cas, ce n’est pas à l’ordre du jour.


Restent les organisations islamistes, principalement le Hamas, très puissant à Gaza, mais qui a également renforcé sa présence en Cisjordanie. Le Hamas, dont les rapports avec l’autorité palestinienne ont toujours été difficiles, a fait savoir qu’il ne voulait pas d’une guerre civile interpalestinienne. L’organisation islamiste, qui a le soutien d’un tiers de la population, ne cherche aucunement à prendre la tête d’une Autorité palestinienne dont elle conteste le principe même, étant opposée aux accords d’Oslo. Ses dirigeants, pour intransigeants qu’ils soient, ont en même temps un sens aigu des rapports de force. Quoi qu’il en soit, les nouveaux dirigeants palestiniens seront bien obligés de compter avec le Hamas.


Enfin, quel que soit le dirigeant qui finira par émerger, s’il veut pouvoir prétendre représenter les siens, il devra commencer par se montrer ferme vis-à-vis d’Israël afin de ne pas apparaître comme un collaborateur de l’occupant. L’État hébreu pourrait découvrir assez rapidement que ses problèmes n’ont pas disparu avec Arafat et que le changement d’interlocuteur ne suffit pas à les résoudre comme par enchantement.

 

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