Golfe

Les Américains commencent à quitter Bahreïn




Par crainte d’attentats anti-occidentaux, Washington demandent à ses ressortissants non essentiels de quitter le Bahreïn.

Lorsque la vague d’attentats anti-occidentaux s’est intensifiée en Arabie Saoudite à partir du mois de mai, un certain nombre de ressortissants américains, notamment, ont été relogés par leur employeur dans le petit royaume voisin de Bahreïn, un archipel du Golfe arabo-persique relié à l’Arabie par un pont-digue facile à contrôler par les forces de sécurité des deux pays.


Mais à la veille de la fête nationale américaine du 4 juillet, un communiqué de Washington donnait l’«ordre» autorisant les familles des militaires américains basés à Bahreïn à quitter le pays pour des raisons de sécurité. Cela concerne environ 650 personnes. Depuis quelques jours en effet, les services américains redoutaient une opération terroriste antiaméricaine à Bahreïn, qui héberge depuis des décennies le commandement de la Ve flotte de l’US Navy.


Deux semaines auparavant, la police de Bahreïn avait relâché, faute de preuves, six islamistes soupçonnés de liens avec al Qaïda après deux jours de garde à vue. Si ces suspects font toujours l’objet d’une enquête, comme a tenu à le préciser un responsable bahreïnien, il n’en demeure pas moins qu’ils ont été relâchés pour respecter les nouvelles lois sur le respect des droits de l’Homme voulues , précisément, par les États-Unis. Or, pour justifier leur arrestation, le ministre de l’Intérieur avait affirmé qu’il s’agissait de « les empêcher de perpétrer des actes graves pour les vies humaines et les biens, par l’usage de produits dangereux ». Or, les voici désormais en liberté. Sous surveillance, certes, mais en liberté. Malaise chez les Américains.


Cheikh Hamad assume son alliance avec Washington

Pourtant, selon des sources américaines, l’ordre d’évacuation des familles et personnels non essentiels aurait sans doute été donné même si les six suspects étaient restés en prison. Samedi dernier, se fondant sur de nouveaux renseignements, le Département d’État américain a renouvelé sa recommandation aux ressortissants américains de reporter leur voyage au Bahreïn, ou, si cela s’avère impossible, de s’immatriculer  dans le réseau d’alerte de l’ambassade.


Depuis plusieurs semaines, Britanniques et Américains évoquent des renseignements faisant état de projets d’attentat dans les petites monarchies du Golfe et non plus seulement en Arabie Saoudite. Le Bahreïn, l’un des rares pays arabes auxquels Washington a accordé le statut d’« allié majeur non Otan », fait figure de cible privilégiée.


Cela ne semble pas décourager le monarque, cheikh Hamad ben Issa Al Khalifa, qui, contrairement à la plupart des chefs d’État arabes invités par George W. Bush, n’a pas hésité à se rendre au sommet du G8 de Sea Island début juin et qui vient de se déclarer prêt à participer à une force navale chargée d’assurer la sécurité des eaux territoriales irakiennes, si le gouvernement de Bagdad en fait la demande. Autrement dit, cheikh Hamad colle à fond aux États-Unis et assume ouvertement son alliance.


Mais la mesure de précaution que représente le départ de plusieurs centaines d’Américains, dans ce petit pays où vivent en paix des dizaines de milliers d’étrangers depuis des décennies, envoie également un signal très négatif. L’économie du Bahreïn repose essentiellement sur les transactions financières de cette place bancaire régionale et sur l’économie de service développée depuis trente ans pour compenser la perte des recettes pétrolières. Si les étrangers craignent pour leur sécurité dans ce pays qui ne connaît pas la xénophobie, la perte de confiance qui en résulte risque de précipiter l’économie dans le marasme. Celui-ci, à son tour, pourrait relancer la contestation sociale et politique, notamment chez les travailleurs chiites, majoritaires dans le royaume et qui s’étaient soulevés pour des raisons à la fois sociales et économiques entre 1994 et 1999.


Certains analystes craignent aussi que le mouvement gagne les émirats voisins du Koweït, du Qatar et la fédération des Emirats arabes unis, jusqu’à présent épargnés, sauf incidents isolés, par le terrorisme qui frappe de plein fouet l’Arabie Saoudite depuis plus d’un an. Or, le départ des Occidentaux de la Péninsule arabique, et non de la seule Arabie saoudite, est l’objectif affiché d’al Qaïda.


On n’en est pas encore là, loin s’en faut, mais la question est désormais ouvertement posée.


OLIVIER DA LAGE
08/07/2004
 

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