Golfe
Manifestations anti-américaines dans les pétromonarchies
Le discours de George Bush na en rien apaisé lopinion publique
des pays du Golfe où fait exceptionnel, les manifestations anti-américaines
se multiplient.
Les capitales des monarchies de la Péninsule arabique ne sont guère habituées aux manifestations de rues. Leurs citoyens sont plutôt sages et les services de sécurité y veillent avec un soin jaloux. Seule exception à cette règle, lémirat de Bahreïn qui a connu des troubles violents de 1995 à 1999. Cette intifada de la majorité chiite, violemment réprimée, a pris fin à la mort de lémir Issa en mars 1999 grâce aux réformes politiques introduits par son fils Hamad.
Certes, la rhétorique antiaméricaine est commune dans la presse
des États du Golfe. Elle permet à des dirigeants notoirement liés
aux États-Unis doffrir un exutoire à une opinion parfois,
mais pas toujours hostile aux Américains sans se compromettre eux-mêmes.
Les choses sont toutefois en train de changer.
Au Qatar, près de 10 000 personnes ont manifesté mercredi contre
Israël et les États-Unis, en présence de membres du conseil
municipal et du conseil consultatif. Ce défilé, à lévidence,
avait reçu laccord des autorités. De même, le gouvernement
des Emirats arabes unis a publié en début de semaine un communiqué
à la tonalité tout à fait inhabituelle, avertissant les
États-Unis quils seraient considérés comme «
partenaires à part entière de lagression israélienne
» sils ne mettaient pas fin immédiatement à lopération
décidée par Ariel Sharon.
Cocktails Molotov à Bahreïn
Mais en Arabie Saoudite, ce vendredi, les choses ont pris un tour que ne
souhaitait sûrement pas le gouvernement : des centaines de manifestants
ont été empêchés par la police anti-émeutes
de sapprocher du consulat des États-Unis à Dhahran, chef
lieu de la Province orientale où sont concentrés presque tous
les gisements pétroliers du royaume. La presse saoudienne, depuis plusieurs
jours, tire à boulets rouges sur la politique de George W. Bush, ce quelle
ne pourrait pas faire, dans ce pays où les médias sont étroitement
contrôlés, sans laccord des plus hauts dirigeants du royaume.
Or, les éloges appuyés prononcés à maintes reprises
depuis une semaine par George Bush à lendroit du Prince Abdallah
et de son plan de paix adopté par le sommet arabe de Beyrouth nont
en rien ralenti le flux de critiques contre Washington dans la presse saoudienne.
A Bahreïn, lun des moins peuplés des États du Golfe,
près de 20 000 manifestants se sont dirigés ce vendredi vers lambassade
des États-Unis contre laquelle plusieurs cocktails Molotov ont été
lancés. Ces incidents sont dautant plus graves que le royaume de
Bahreïn est a été récemment promu au rang d
«allié essentiel» par ladministration américaine,
et que Bahreïn est le siège de la Vème flotte des États-Unis,
qui couvre le Golfe et lOcéan Indien. Le désaccord des pétromonarchies
avec la politique américaine, tant en ce qui concerne le conflit israélo-palestinen
que vis-à-vis de lIrak est manifeste, moins de deux semaines après
léchec de la tournée proche-orientale du vice-président
américain Dick Cheney, venu demander lappui des États de
la région dans les opérations prévues contre lIrak.
Quelques jours après son départ, Bahreïn vient de désigner
un ambassadeur à Bagdad, pour la première fois depuis douze ans.
OLIVIER DA LAGE
05/04/2002