Golfe
Le jugement de Salomon de la Cour de La Haye
La Cour internationale de Justice (CIJ) de La Haye a estimé vendredi
16 mars que les îles Hawar restaient sous souveraineté de Bahreïn,
rejetant ainsi une demande du Qatar, tandis que la zone de Zoubara, réclamée
par Bahreïn, restait attribuée à l'émirat du Qatar.
Quinze ans de dispute et sept années de procédure pour en
arriver là : une sorte de jugement de Salomon qui renvoie dos-à-dos
Bahreïn et le Qatar. Ce dernier revendiquait la souveraineté sur
les îles Hawar, un ensemble d'îlots et de bancs de sables proches
de ses côtes, mais qui ont été légués à
Bahreïn par la Grande-Bretagne, ancienne puissance tutélaire des
deux émirats. En retour, Bahreïn exigeait que lui soit «restitué»
la zone de Zoubara, une bande de terre côtière du Qatar d'où,
jadis, la famille régnante de Bahreïn est partie à la conquête
de l'archipel qu'elle dirige aujourd'hui. Outre les aspects dynastiques et nationaux,
la présence de gaz naturel dans le sous-sol de la zone n'est sûrement
pas sans rapport avec la vigueur du conflit.
Ce dernier, en effet, est latent depuis les années trente, lorsque la
couronne britanniques arbitra entre ses protectorats. Il s'est réveillé
de façon sourde lors des indépendances, en 1971, après
le retrait de la Grande-Bretagne de l'est de Suez. Mais c'est à partir
de 1986 que ce différend territorial a commencé à s'envenimer
sérieusement. En avril 1986, un bref affrontement armé a même
opposé quelque jours durant les deux émirats. La médiation
de l'Arabie Saoudite a fait long feu, Ryad ne parvenant pas à arbitrer
le conflit entre ses deux petits voisins.
Sans perdre la face
La rivalité entre les deux frères ennemis a, des années
durant, paralysé le Conseil de coopération du Golfe, qui rassemble
les six monarchies de la Péninsule arabique. L'émir de Bahreïn
et celui du Qatar boycottant alternativement des sommets ou des réunions
ministérielles. Il ne fait pas de doute que l'affaiblissement de la solidarité
des monarchies du Golfe a contribué à la décision de Saddam
Hussein d'envahir le Koweït en août 1990. En décembre de la
même année, moins de deux semaines avant le déclenchement
de Tempête du désert, les six monarques du Conseil de coopération
du Golfe ont consacré l'essentiel de leur réunion à débattre
du différend Bahreïn-Qatar !
En 1994, devant l'impasse dans laquelle se trouvait la médiation saoudienne,
et en dépit de l'opposition de Bahreïn, le Qatar a décidé
unilatéralement de porter le litige devant la Cour internationale de
justice de La Haye en demandant l'attribution des îles Hawar. Tout en
contestant la procédure, Bahreïn, a son tour, a répliqué
en revendiquant Zoubara. Durant sept années, la procédure a suivi
son cheminement d'escargot, tandis que les deux émirats alternaient invectives
et tentative de conciliation.
Sur le fond, les positions sont restées inconciliables, mais ces trois
dernières années, le climat s'est considérablement amélioré
entre les deux Etats. Le renversement de l'émir du Qatar en 1995 par
son fils, et la succession à Bahreïn après le décès
de l'émir Issa en 1998 ont conduit aux affaires deux souverains de la
nouvelle génération, désireux de tourner la page sans perdre
la face. Le jugement de la Cour internationale de justice de La Haye leur en
donne aujourd'hui l'occasion.
OLIVIER DA LAGE
16/03/2001