Irak
Sommet Blair-Chirac-Schröder samedi
Tony Blair et Jacques Chirac retrouveront samedi Gerhard Schröder à Berlin pour tenter de rapprocher leurs positions sur lIrak.
Contrairement à tant dautres sommets préparés de longue date, celui qui se tiendra samedi à Berlin a tout de la réunion impromptue. Annoncée à Berlin dans la matinée de ce mardi, la rencontre «servira à trouver des positions communes en matière de politique étrangère après les divergences dopinions apparues avant la guerre en Irak». Pour une fois, la parole officielle fait léconomie de la langue de bois : entre Berlin et Paris dun côté, Londres de lautre, on peut même parler de franc désaccord qui na pas pris fin avec larrêt officiel des combats en Irak.
Au lendemain de la guerre, Tony Blair et son ministre des Affaires étrangères Jack Straw avaient le triomphe fort peu modeste et entendaient bien faire payer le prix fort à Paris pour oublier lintransigeance des Français durant la crise irakienne. Cela tombait bien : au lendemain de la guerre, les Français, justement, avaient tiré la conclusion quil fallait jouer à fond la carte britannique afin datténuer la volonté de vengeance ouvertement exprimée à Washington. Cest lépoque où la conseillère pour la sécurité nationale de George W Bush, appelait dans une formule qui a connu un joli succès, à «pardonner aux Russes, ignorer les Allemands et punir les Français».
Cinq mois plus tard, la situation paraît dans une large mesure sêtre inversée : la coalition américano-britannique est en difficulté sur le terrain, le coût de loccupation connaît une inflation galopante qui préoccupe les parlementaires américains désormais si désireux dappeler à la rescousse les anciens adversaires de la guerre que le Congrès pourrait rebaptiser «French fries» les frites servies dans sa cafétéria, initialement renommées «Freedom fries» ! Désormais, cest à Paris que lon se retient de jubiler ouvertement des déboires américains en Irak et que lon se réfrène à grand-peine pour ne pas entonner lair du «je vous lavais bien dit !».
Mais les blessures de la crise transatlantique du premier semestre, qui sest doublée dune crise interne à lUnion européenne, ne sont pas encore cicatrisées et, des deux côtés, on semble décidé à ne pas aggraver les tensions, même si les lignes de fractures sont aujourdhui très semblables à ce quelles étaient six mois plus tôt. Cest ainsi que lorsque les Américains ont déposé leur projet de résolution début septembre, Jacques Chirac et Gerhard Schröder, tout en le rejetant dans sa forme initiale, ont pris soin de dire quil allait dans la bonne direction. Faisant contre mauvaise fortune bon cur, les Américains se sont dits ouverts aux suggestions franco-allemandes.
Lorsque celles-ci sont venues, préconisant un transfert de souveraineté à un gouvernement irakien dans un délai dun mois, Colin Powell, le secrétaire dÉtat américain, les a jugées «irréalistes» tout en en discutant samedi dernier à Genève avec ses quatre collègues des pays membres permanents du Conseil de sécurité. Ce mardi matin, nouveau geste, cette fois de la part des Français : lambassadeur de France à Washington laisse entendre que la France se satisferait, dans un premier temps, dun transfert de pouvoir «symbolique» au profit dun gouvernement irakien, pour peu quun calendrier de transfert accompagne ce premier geste.
Pilule amère pour Aznar
Insensiblement, les positions se rapprochent. Samedi, elles étaient encore
trop éloignées pour que lon aboutisse à un texte
commun. Mais il est désormais temps que lEurope surmonte ses divisions
pour présenter une approche commune au Conseil de sécurité.
A ce jour, on a du mal à discerner le point déquilibre qui
permettrait à Tony Blair, Jacques Chirac et Gerhard Schröder de
parler dune même voix sur lIrak. Mais le Premier ministre
britannique, dont la popularité est en chute libre dans son pays, est
accusé jour après jour dans les journaux et au Parlement davoir
menti pour obtenir un vote favorable à la guerre.
Pour des raisons tout autres, Jacques Chirac et Gerhard Schröder ne sont pas en si bonne posture non plus : France et Allemagne, les deux plus grosses économies de la zone euro, ont franchi toutes les lignes rouges en matière de déficit budgétaire et nombre dEuropéens imputent à l«arrogance» franco-allemande le rejet de leuro par les électeurs suédois. Il est donc temps délargir le cercle de famille. Blair, Chirac et Schröder partagent, pour des raisons différentes, un intérêt à afficher au plus vite une image dunité.
On verra samedi si ce louable objectif peut être atteint et si les trois protagonistes parviennent à surmonter de réelles et profondes divergences. Toutefois, ce sommet vaut autant par ceux qui y participent que par ceux qui ny ont pas été conviés. En premier lieu, lItalien Silvio Berlusconi, dont la calamiteuse présidence de lUnion européenne, ponctuée de gaffes calculées. Ses quatorze partenaires partageant une commune appréciation du personnage, nul ne sen offusquera à part lintéressé.
En revanche, la pilule est amère pour lEspagnol Aznar. Le chef du gouvernement espagnol, qui ne cache pas son agacement face au couple Paris-Berlin, initiateur de la «lettre des Huit» Européens soutenant les États-Unis contre laxe franco-allemand, avait tant misé sur son appui à George W. Bush et sur ses liens avec Tony Blair pour être invité à la «table des grands» à laquelle lEspagne peut légitimement prétendre. Il devra pourtant se contenter dun compte-rendu le lendemain par Tony Blair aux Checkers, la maison de campagne des premiers ministres britanniques. Interrogé sur ses divergences avec Jacques Chirac, un José Maria Aznar résigné a sobrement répondu quil «ne servait à rien de regarder vers le passé».
OLIVIER DA LAGE
16/09/2003