Irak
Attaques meurtrières dans le sud
Cinq explosions visant des commissariats de police à Bassorah et Zoubeïr
(sud) ont fait près de 70 morts et une centaine de blessés, dont
de nombreux écoliers dont le car a été touché. La
résistance à l'occupation s'amplifie et gagne le sud.
Jusqu'alors, le sud chiite, et notamment la région de Bassorah, était resté relativement épargné par les affrontements meurtriers qui sont devenus le quotidien des forces d'occupation dans le «triangle sunnite», notamment dans les localités de Falloujah, Ramadi et Baaqouba, sans parler de la capitale Bagdad. Les graves incidents qui ont pu se produire en pays chiite, comme à Najaf visaient au premier chef les dirigeants chiites eux-mêmes, comme l'attentat qui a coûté la vie à l'ayatollah Mohammed Baqr al Hakim fin août 2003 et relevaient davantage de la violence politique caractérisant une lutte pour le pouvoir en Irak que d'une action de résistance à l'occupation étrangère.
De ce point de vue, la journée de ce 21 avril marque un tournant dramatique.
La simultanéité des explosions à Bassorah et Zoubeïr
dénote à la fois une détermination et une capacité
d'organisation des opposants à la présence étrangère
insoupçonnée dans cette région jusqu'alors. Le calme relatif
qui prévalait jusque là était attribué tant à
l'hostilité massive de la population chiite de Bassorah au régime
de Saddam Hussein sous lequel elle avait été persécutée
que du savoir-faire ses soldats britanniques, dû tant à leur expérience
passée de l'occupation coloniale, et notamment de cette région
spécifique qu'à leur expérience plus récente de
maintien de l'ordre en Irlande du nord. Ce savoir-faire contrastait avec la
brutalité aveugle attribuée aux militaires américains,
tant par les Irakiens que par les Britanniques eux-mêmes.
La «marque d'Al Qaïda»
Les cinq explosions de ce mercredi matin ébranlent ces certitudes. Désormais,
l'insécurité et l'instabilité ne sont plus l'apanage du
triangle sunnite et c'est l'Irak tout entier qui s'embrase. Toutefois, les circonstances
mêmes des attentats obligent à la prudence. Contrairement à
la région de Falloujah où c'est l'ensemble de la population qui
rejette, y compris par la violence, la présence américaine, à
Bassorah et Zoubeïr, on a affaire à des attentats à l'explosifs
qui dénotent davantage les capacités d'une organisation clandestine
qu'une opposition populaire à la présence britannique. En second
lieu, si des Britanniques ont bien été blessés dans les
attentats, les victimes sont presque toutes irakiennes. D'abord, les policiers
irakiens travaillant avec (et pour) l'occupant. Le message des auteurs est donc
clair.
Mais la présence, parmi les victimes, de vingt-cinq écolières
dont l'autocar a été touché par une explosion laisse penser
que les auteurs des attentats ne se souciaient guère d'épargner
les civils du voisinage. Ce qui fait dire à certain que les auteurs des
attentats de mercredi ne sont pas issus de la population chiite locale. Pour
le gouverneur de Bassorah, Waël Abdel Latif, ces attentats, par leur simultanéité,
portent la marque d'Al Qaïda.
Quoi qu'il en soit et quels que soient les auteurs de ces attaques, elles démontrent
que la résistance clandestine à la présence américano-britannique
s'étend et se structure dans le pays. À près de soixante-dix
jours du «transfert» du pouvoir de la coalition à une autorité
irakienne, l'insécurité gagne chaque jour du terrain dans l'ensemble
du pays.
OLIVIER DA LAGE
21/04/2004