Irak
Bush lance un ultimatum... à l'ONU
Recevant son allié espagnol José Maria Aznar dans son ranch texan,
George Bush a déclaré à la presse quil donnait à
lOnu «une dernière chance» de faire la preuve de son
utilité.
Dès lundi ou mardi, États-Unis et Grande-Bretagne soumettront
au Conseil de sécurité une résolution « qui établira
en termes clairs et simples que lIrak ne respecte pas la résolution
1441 sur son désarmement ». Cette fois-ci, Washington nattendra
pas sept semaines que les membres du Conseil parviennent à un accord.
« Le temps est compté », a-t-il affirmé. Et, tout
en refusant dimaginer que son texte puisse ne pas être voté,
il a répondu sèchement « oui » à un journaliste
qui lui demandait si cétait la dernière occasion pour les
Nations unies dagir. « La dernière chance », a répété
le président américain qui, depuis son discours aux Nations unies
en septembre, na cessé de mettre en garde lOnu contre le
risque de tomber dans linutilité. « Irrelevant » est
le mot anglais employé, difficilement traduisible, qui signifie tout
à la fois sans objet, inutile, dépassé, hors jeu. LOnu
sera irrelevant si elle ne suit pas les demandes américaines. La menace
est sérieuse et fait réfléchir à Paris, Moscou et
Pékin, qui hésitent à user de leur veto si le prix à
payer est un retrait des États-Unis de lOnu qui, en ce cas, deviendrait
effectivement aussi inutile que la été la Société
des Nations avant la Seconde guerre mondiale, ce que ne cesse de répéter
ladministration américaine qui omet juste de préciser que
créée à linitiative du président Wilson, la
SDN a été boycottée dès sa création par les
États-Unis qui venaient délire un président républicain.
France, Russie et Chine nauraient pas besoin de recourir à leur
veto si la résolution américano-britannique nobtient pas
les neuf votes requis (sur quinze) pour être adoptée. Actuellement,
Washington et Londres ne peuvent compter de façon certaine que de deux
alliés au sein du Conseil de sécurité : lEspagne
et la Bulgarie. La pression monte donc sur les autres membres non permanents.
Dans ce genre de négociations, promesses et menaces font partie de la
panoplie habituelle, et les unes et les autres sont dautant plus importantes
que lenjeu est important. Chacun a en tête le précédent
du Yémen qui, en 1990 avait voté contre la résolution 678
autorisant le recours à la force. Au sortir de la séance, James
Baker avait interpellé le délégué yéménite:
« vous venez daccomplir le vote le plus coûteux de votre histoire
». Dès le lendemain, Washington interrompait son assistance annuelle
au Yémen de 70 millions de dollars.
La France vient dobtenir le soutien formel des États africains
pour la prolongation des inspections, ce qui inclut les trois pays africains
actuellement membres du Conseil, à savoir la Guinée, le Cameroun
et lAngola que visite actuellement un émissaire de haut niveau.
Colin Powell, de passage au Japon, a tenté dobtenir le soutien
de Tokyo qui nest pas membre du Conseil actuellement, mais dont linfluence
pourrait sexercer sur dautres membres. Sans succès. De même,
en route pour le ranch texan de George Bush, José Maria Aznar a fait
escale à Mexico sans parvenir à ébranler le président
Vicente Fox, lancien ami de George Bush qui continue de plaider pour la
poursuite des inspections. Au téléphone, le président chilien
Carlos Lagos na pas donné davantage dassurances à
George Bush sur ce que serait sa décision finale, et ainsi de suite.
Le temps travaille contre la « coalition des bonnes volontés »
A lautomne dernier, contenant sa nature, le président américain
avait fait preuve de patience et cette dernière avait été
récompensée par un vote unanime en faveur de la résolution
1441. Cette fois-ci, il nen est plus question. Pour des raisons militaires,
dabord: à partir de la mi-avril, le climat irakien rendra difficile
une intervention militaire au sol; Il importe donc pour le Pentagone de ne pas
différer davantage une intervention si elle doit avoir lieu, sous peine
de la reporter à lautomne. Impensable, car trop près des
élections américaines de 2004. La présence de près
de 200 000 soldats réduits à loisiveté ne saurait
non plus se prolonger indéfiniment sans affecter le moral des troupes
aussi bien quen raison du coût que représente ce déploiement.
Mais au-delà de ces raisons techniques, il en est de plus politiques.
Les dirigeants américains ont tenté de prendre en compte les demandes
formulées par Blair et Aznar qui, confrontés à lhostilité
de leur opinion publique, ont besoin dune résolution de lOnu
légitimant leur engagement. Mais ils sont désormais convaincus
que rien, absolument rien, ne fera plus changer davis Français
et Allemands. De plus, Washington est persuadé que le temps travaille
contre la « coalition des bonnes volontés » et que lopposition
à la guerre ne fera que croître en Italie, en Espagne et en Grande-Bretagne,
du moins jusquà son déclenchement. Car les mêmes sont
en revanche persuadés quun réflexe patriotique ralliera
les sceptiques derrière le drapeau national et leurs dirigeants dès
que les hostilités auront commencé.
Cest pourquoi, avant même que lIrak ait répondu de
façon formelle à la demande de Hans Blix de détruire les
missiles Al Samoud II, George Bush a estimé quil ne sagissait
là que de la partie émergée de liceberg. Quon
se le tienne pour dit, aux yeux du président américain, que lIrak
défère ou non aux ordres de Hans Blix na plus dintérêt.
La partie est terminée, avait-il affirmé en recevant Blair il
y une semaine. Les hostilités peuvent à présent commencer.
OLIVIER DA LAGE
23/02/2003