Proche-Orient

L'armistice à l'arraché

 

Au terme de l'une des journées les plus violentes depuis l'éclatement des affrontements israélo-palestiniens à la fin septembre, un accord de cessez-le-feu a été conclu entre Yasser Arafat et Shimon Peres lors d'une rencontre de deux heures à Gaza. Après l'explosion jeudi après-midi à Jérusalem d'une voiture piégée, le gouvernement israélien a rendu responsable de l'attentat l'Autorité palestinienne. Celle-ci, qui a condamné l'attentat, a rejeté l'accusation.

La journée avait mal commencé et, à mesure que passaient les heures, les nouvelles alarmantes s'accumulaient : au terme de la journée, six Palestiniens et trois soldats israéliens avaient trouvé la mort. L'armée israélienne avait recouru à des hélicoptères de combats, aux roquettes anti-char. Les affrontements n'étaient plus localisés en quelques points bien identifiés. Désormais, on se bat non seulement autour de la colonie juive de Netzarim (bande de Gaza) ou de celles de Psagot (Ramallah) ou de Gilo (banlieue de Jérusalem).

Les chars, les hélicoptères de combat, les armes employées pour contenir cette Intifada 2000 et le nombre des morts et blessés depuis le 28 septembre évoquent de plus en plus une guerre ouverte enter Israéliens et Palestiniens. Guerre ? Le mot a été lâché par le ministre des affaires étrangères par intérim d'Israël, Shlomo Ben Ami, reçu mercredi 1er novembre par Madeleine Albright à Washington. Pour lui, le conflit n'est pas un «soulèvement civil mais une confrontation militaire».

Parallèlement, les chefs de l'armée israélienne ont fourni au gouvernement des listes d'objectifs palestiniens à frapper tandis que le premier ministre, Ehoud Barak, renouvelait en direction de Yasser Arafat son «avertissement sévère». Le représentant de l'OLP auprès de la Ligue arabe croyait savoir que Tsahal entraînait des commandos d'élite à enlever et à tuer des dirigeants Palestiniens.

A contre-coeur

Dans ce contact, le scepticisme entourait la mission confiée à l'ancien Premier ministre Shimon Peres et artisan des accords d'Oslo par Ehoud Barak. Peres n'avait pas caché son hostilité à la formation d'un gouvernement d'union nationale incluant le leader du Likoud Ariel Sharon, tout comme, d'ailleurs, le ministre des transports, l'ancien chef d'état-major Amnon-Lipkin Shahak qui a publiquement déclaré que la «pause» dans le processus de paix, annoncée par Ehoud Barak, n'était pas une option.

Shahak a été discrètement reçu mardi à Gaza par Yasser Arafat. Le lendemain, il expliquait : «depuis un mois, on tire davantage que l'on se parle. Si on parle plus, on tirera moins». Le mercredi soir, Shimon Peres rencontrait à son tour le président palestinien, chargé publiquement d'un message de fermeté par Ehoud Barak. A la vérité, Ehoud Barak ne s'est pas résolu de gaîté de c£ur à charger de cette mission son rival qu'il avait tenté d'écarter totalement des négociations de paix avec les Arabes lors de la formation de son gouvernement en juillet 1997. Mais Leah Rabin, la veuve du Premier ministre assassiné en 1995, mentor de Barak, a rendu public une lettre passionnée demandant à Ehoud Barak de recourir au talent de Shimon Peres «tout comme Yitzhak avait su le faire». A la vérité, Shimon Peres, qui partagea avec Rabin et Arafat le prix Nobel de la paix en 1994, est sans doute l'un des très rares dirigeants israéliens à conserver encore la confiance du leader palestinien. Barak devait aussi tenir compte de l'opinion publique internationale qui n'aurait pas compris qu'il néglige cette chance de sauver la paix.

Il est probable qu'en acceptant à contre-c£ur de confier cette mission à Peres, Barak ne croyait pas à son succès. Tout l'appareil militaire israélien s'était préparer à l'escalade. Mais l'annonce d'un accord de cessez-le-feu, tôt dans la matinée de ce jeudi 2 novembre, change les données du problème. Certes, au vu des précédents, et notamment de l'accord de Charm el-Cheikh, jamais véritablement mis en £uvre, il est permis de se montrer sceptique. Mais au milieu de cet océan de désespoir qui submerge le Proche-Orient, l'accord à l'arraché conclu par Arafat et Peres fait figure de bouée de sauvetage.


OLIVIER DA LAGE
02/11/200

 

   

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