Proche-Orient

Arafat lâché par les États-Unis

 



Déjà tenu en suspicion par l’administration Bush depuis le mois de janvier, Yasser Arafat est désormais considéré à Washington comme le principal responsable de terrorisme palestinien.


Depuis l’accession au pouvoir de George W. Bush en janvier, les Palestiniens n’ont de cesse de presser la nouvelle administration républicaine de s’impliquer davantage dans le dossier du Proche-Orient. Après quelques tentatives timides (discours de Bush aux Nations unies, discours de Powell à l’université de Louisville) marquées par la mention d’un État palestinien, les dirigeants américains ont décidé de s‘engager à fond au Proche-Orient, mais ce n’est pas une bonne nouvelle pour Yasser Arafat. Les attentats du week-end, qui ont fait plus de trente morts, sont tombés au plus mauvais moment, d’un point de vue politique : au moment précis où le nouvel émissaire américain, le général de marines à la retraite Anthony Zinni, inaugurait ses fonctions sur place.


L’émotion et la condamnation unanime de cet attentat imputé aux islamistes du Hamas et du Jihad islamique ont, comme on pouvait s’y attendre, accentué la pression sur Yasser Arafat, sommé de toute part d’agir contre le terrorisme. Mais ce que n’avait pas prévu Arafat, c’est la sévérité de la condamnation américaine. Pas un mot pour appeler à la retenue Ariel Sharon, reçu en urgence à la Maison-Blanche dimanche avant de rentrer précipitamment en Israël. Au même moment, devant les caméras de télévision, le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld tenait les propos les plus durs qui soient sur Arafat, mettant en doute ses qualités de leader et son contrôle des événements. Quelques jours auparavant, un haut responsable de l’administration américaine, Richard Perle, avait cité l’Autorité palestinienne comme l’un des prochains objectifs américains dans la lutte antiterroriste, au même titre que l’Irak, le Soudan ou la Libye.


«Pas de feu vert à Israël»


Lorsque lundi, les représailles décrétées par Ariel Sharon ont donné toute leur mesure, le seul commentaire que l’on a entendu à Washington était : «Israël a le droit de se défendre». Pas un mot pour appeler à l’arrêt des combats ni pour déplorer les victimes civiles. A Bucarest, le secrétaire d’État américain Colin Powell l’a répété à Shimon Peres, qui au même moment s’interroge sur une possible démission, car il est en désaccord avec cette politique de représailles qui ne ménage aucune issue politique. Ce mercredi à Istanbul, le même Colin Powell, qui passe pourtant pour un «modéré» au sein de l’administration Bush, a affirmé qu’il ne voyait pas les résultats des efforts d’Arafat pour mettre fin à la violence, alors même que ce dernier était coincé dans ses bureaux de Ramallah par les chars israéliens et que son appareil de sécurité, nécessaire à la répression des islamistes, était méthodiquement attaqué et détruit par l’armée israélienne.


Seule nuance dans ce tableau univoque, une déclaration du porte-parole de la Maison Blanche soutenant que George W. Bush n’avait pas donné son feu vert aux représailles israéliennes, et qu’il était nécessaire que Yasser Arafat poursuive le dialogue politique avec Ariel Sharon qui, dans son allocution de lundi soir, l’a pourtant clairement exclu. Enfin, après avoir hésité à rappeler à Washington Anthony Zinni, le Département d’État a finalement décidé de prolonger sa mission sur place.


Si l'Europe, en dehors de la Grande Bretagne, est loin de partager cette analyse, seule la France, la Belgique et l'Italie ont publiquement exprimé leur point de vue divergent.


Pour l’ensemble des observateurs, qu’ils soient aux États-Unis, en Europe, en Israël ou dans le monde arabe, la conclusion est pour une fois unanime : l’administration Bush a laissé tombé Arafat et ne considère plus son maintien à la tête de l’Autorité palestinienne comme nécessaire, ni même utile. Ariel Sharon l’a parfaitement compris.



OLIVIER DA LAGE
05/12/2001
 
 


 

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