Proche-Orient
Les dirigeants palestiniens au chevet d'Arafat
Le Premier ministre palestinien Ahmad Qoreï, l'ancien Premier ministre et numéro
deux de l'OLP Mahmoud Abbas et le ministre des Affaires étrangères Nabil Chaath
se rendent en France ce lundi pour gagner l'hôpital où est soigné Yasser Arafat.
Ils doivent également avoir des entretiens avec les dirigeants français. Cette
visite se déroule alors que Souha Arafat, l'épouse du président palestinien,
accuse ces dirigeants de « vouloir l' enterrer vivant ».
Les principaux responsables de la direction collégiale qui a pris en main la direction de l'Autorité palestinienne tiennent à se rendre compte par eux-mêmes de l'état de santé du président palestinien. Ce voyage veut aussi manifester l'unité des dirigeants de l'Autorité palestinienne qui entendent puiser leur légitimité auprès du vieux leader, dans le coma depuis plusieurs jours.
C'en est trop pour Souha, l'épouse d'Arafat qui a téléphoné
à la chaîne de télévision satellitaire Al Jazira
pour dénoncer en des termes extrêmement vifs les trois hommes,
« une poignée de gens qui cherchent à hériter
du pouvoir et qui viennent à Paris pour enterrer Arafat vivant ».
Souha Arafat va jusqu'à les accuser de venir à Paris pour
« débrancher » Arafat durant leur séjour
en France. La violence de l'attaque a fait hésiter les dirigeants
palestiniens qui, dans un premier temps, ont reporté leur voyage. Au
terme d'une réunion à Ramallah, il a été décidé
d'aller de l'avant et les trois hommes ont pris la route pour Amman
d'où ils s'envoleront pour Paris.
Depuis, la femme d'Arafat est l'objet de toutes les critiques. Le
président du Conseil législatif, Raouhi Fattouh lui a demandé
de s'excuser. Les plus proches conseillers d'Arafat qui sont présents
à ses côtés, tels que Nabil Abou Roudeinah ou Mohammed Rachid
n'ont pas caché leur embarras. En fait, il semble que Souha fasse
barrage à toute information sur l'état de santé du
vieux leader agonisant. En attestent les communiqués plus que laconiques
lus depuis vendredi par le médecin-général Estripeau qui
ne manque jamais de préciser que ses communiqués ont été
rédigés « dans le respect de la discrétion exigé
par son épouse ». Or, en droit français, seul le malade
ou sa famille ont le pouvoir de relever les médecins du secret médical.
Comme Marie-Antoinette en 1789
Mais pour les Palestiniens, Arafat n'est pas seulement un mari ou un père.
Il est d'abord et avant tout l'icône des Palestiniens, un chef
charismatique qui, jusqu'à son mariage avec la fille de l'écrivain
Raymonda Tawil en 1990, était « fiancé à la
révolution palestinienne ». De surcroît, Souha, issue
de la riche bourgeoisie chrétienne de Jérusalem, mais qui a passé
le plus clair de son temps à Paris où elle fréquente la
haute société, est aussi impopulaire en Palestine que pouvait
l'être Marie-Antoinette en 1789, d'autant que ces quatre dernières
années, elle n'a pas partagé le sort de son mari, confiné
à la Mouqataa dans des conditions que ce dimanche encore, le ministre
français des Affaires étrangères Michel Barnier, qualifiait
d'« indignes ».
Les trois dirigeants palestiniens doivent aussi se concerter avec les autorités
françaises. Ils doivent être reçus au Quai d'Orsay
par Michel Barnier et il n'est pas impossible que Jacques Chirac en fasse
autant ce mardi à l'élysée. Outre le souci d'assurer
une transition pacifique et de relancer le processus de paix, la question des
funérailles d'Arafat est un sujet délicat entre tous. Le
président palestinien n'a pas fait mystère de son désir
d'être enterré à Jérusalem, sur l'Esplanade
des Mosquées. « Ce sont les rois juifs qui sont enterrés
à Jérusalem, pas les terroristes arabes ! », a
tonné le ministre israélien de la Justice, Tommy Lapid. Israël
a consenti à laisser Arafat être inhumé à Gaza, dans
un cimetière où se trouve une partie de sa famille. Mais il y
a gros à parier que le lieu de l'enterrement va continuer d'être
un enjeu politique déterminant, les Palestiniens se battant pour une
sépulture à Jérusalem Est, ou, à tout le moins,
en Cisjordanie aux portes de Jérusalem.
Alors que les dirigeants israéliens et américains laissent timidement
entendre qu'une reprise du processus de paix est envisageable après
la disparition d'Arafat, le lieu où sera inhumé celui qui
aspirait à être le premier chef de l'état palestinien
sera un précieux indice des gestes qu'Israël est prêt
à accomplir pour permettre la reprise du dialogue dans les meilleures
conditions.
OLIVIER DA LAGE
08/11/2004