Proche-Orient
Bush satisfait Sharon et déçoit Moubarak
George Bush, qui se prépare à recevoir pour la sixième
fois Ariel Sharon, refuse denvisager un calendrier pour la création
dun État palestinien. Yasser Arafat vient de remanier son gouvernement
et sapprête à annoncer des élections.
Ariel Sharon arrive rempli d'espoir dans la capitale des États-Unis
que vient de quitter le président égyptien Hosni Moubarak, le
cur rempli damertume. Létat desprit de lun
comme celui de lautre ont une même cause : lattitude actuelle
de George W. Bush à légard du conflit du Moyen-Orient.
Le chef de lexécutif américain avait pourtant mis les petits
plats dans les grands pour recevoir le président égyptien. Sachant
que Moubarak avait mal vécu le rôle central que ladministration
Bush avait attribué à lArabie Saoudite et au prince héritier
Abdallah, dont le plan de paix a été adopté en mars dernier
par le sommet arabe de Beyrouth, George Bush a choisi de recevoir ce grand allié
des États-Unis quest Hosni Moubarak non à la Maison-Blanche,
mais à Camp David, la résidence campagnarde des présidents
américains.
Avant même son arrivée, le président Moubarak avait fait
connaître les grandes lignes dun plan de paix quil devait
soumettre à George W. Bush. Ce plan portait sur la reconnaissance internationale,
dès 2003, dun État palestinien dont les frontières
resteraient à déterminer lors de négociations ultérieures.
Il partait du principe quayant leur État et une perspective daboutir,
les Palestiniens seraient encouragés à renoncer à la violence,
et Yasser Arafat à lutter contre le terrorisme. Moubarak se montrait
relativement optimiste. Après tout, depuis septembre dernier, Bush na-t-il
pas, à de nombreuses reprises exprimé sa «vision»
dune Palestine vivant en paix aux côtés dIsraël
?
Mais lors de leur conférence commune, le président américain
na montré aucun empressement à suivre les conseils de son
homologue égyptien : «Nous ne sommes pas encore prêts à
établir un calendrier» pour la création dun État
palestinien, a-t-il dit, en présence dun Moubarak visiblement embarrassé.
De même, le plaidoyer de ce dernier en faveur de Yasser Arafat na
eu aucun écho, le président Bush ayant multiplié les critiques
du leader palestinien ces derniers jours.
Des élections début 2003
Rien détonnant à ce que les propos de Bush aient été
bien accueillis par Ariel Sharon qui arrive avec un message clair : pas question
dêtre ligoté par un calendrier contraignant. Pas question
non plus dun retour aux frontières de 1967 (comme le demande le
plan arabe du prince Abdallah). Enfin, aucune paix nest possible tant
que les Palestiniens sont dirigés par Yasser Arafat. Ce dernier point
rencontre, à lévidence, lassentiment de ladministration
Bush qui refuse, du moins jusquà présent, à aller
jusquà déclarer quArafat est «hors jeu»,
comme le demande inlassablement Ariel Sharon qui recherche, jusquà
présent en vain, le feu vert américain pour lexpulser. Washington
compte sur les réformes exigées de lAutorité palestinienne
pour faire émerger de nouveaux dirigeants.
Ce nest sûrement pas une coïncidence si Yasser Arafat a publié
ce dimanche, à la veille de la rencontre Bush-Sharon, le décret
qui remanie la structure du gouvernement palestinien. Le nombre des ministres
est ramené de 31 à 21, le ministre des Finances est remplacé,
et surtout, un ministère de lIntérieur est créé.
Confié au général septuagénaire Abdelrazzak Al Yahya,
il aura la responsabilité de lensemble des services de sécurité
qui, jusqualors dépendaient directement dArafat, et de leur
réorganisation comme le demandent les États-Unis. Le président
palestinien devrait, dans les jours qui viennent, annoncer lorganisation
délections législatives et présidentielle pour le
début 2003.
Cela suffira-t-il à alléger les pressions ? Du côté
dIsraël, sûrement pas. Les premières réactions
considèrent ce remaniement comme un non-événement. Mais
Yasser Arafat espère, contre toute apparence, que ce premier pas devrait
lui permettre un retour en grâce à Washington dont le souci principal
semble être de le mettre à lécart sans saliéner
lensemble des pays arabes dont George Bush a besoin dans sa croisade à
venir contre lIrak.
OLIVIER DA LAGE
09/06/2002