Proche-Orient

Arafat, ou comment s'en débarrasser

 

Pour Israël, plus que jamais, Yasser Arafat est LE problème. Des journaux appellent à le tuer, la majeure partie du gouvernement veut le bannir. Sharon ne fera rien sans le feu vert de Washington.


Voici près de deux ans, Ariel Sharon avait publiquement regretté de ne pas avoir tué Yasser Arafat lorsqu'il en avait l'occasion, c'est-à-dire lors du siège de Beyrouth en 1982. Mais cet aveu, exprimé sous forme de regrets, indiquait a contrario que le chef du gouvernement israélien ne ferait rien qui mette en danger la vie ou même la santé du président palestinien. Non par choix, mais parce qu'il en avait fait la promesse à George Bush. Or, la qualité des liens qu'il a su nouer avec le président américain est le principal atout d'Ariel Sharon depuis son arrivée au pouvoir et, quoi qu'il lui en coûte de laisser en vie son ennemi mortel, Ariel Sharon fera tout pour respecter la parole donnée au président américain, quitte à s'opposer à son propre camp. Pour la même raison, il a jusqu'à ce jour opposé un refus catégorique aux demandes instantes de plusieurs de ses ministres, notamment celui de la Défense Shaoul Mofaz, qui veulent bannir Yasser Arafat hors des territoires palestiniens.

Cela a pourtant été bien près de se produire en mars-avril 2001, lors du siège de la Mouqataa, le siège de la présidence palestinienne à Ramallah. Mais d'intenses pressions diplomatiques sur Israël l'ont empêché. Pourtant, l'armée israélienne a répété à de nombreuses reprises le scénario de l'enlèvement du chef palestinien. Selon la presse israélienne, il était prévu qu'un commando se saisisse de Yasser Arafat lors d'une opération-éclair et l'emmène à bord d'un hélicoptère pour le déposer au milieu du désert jordanien avant d'alerter les autorités d'Amman.

Mofaz n'exclut pas la liquidation d'Arafat

Ce scénario, temporairement remisé sous la pression diplomatique, semble connaître une nouvelle jeunesse ces jours-ci. Ce jeudi, le Jerusalem Post, un quotidien d'extrême droite de langue anglaise, appelle dans un éditorial à «tuer Yasser Arafat, car le monde ne nous laisse pas d'autre alternative». Shaoul Mofaz, selon Yediot Aharonot, le principal quotidien israélien, «n'exclut pas» son assassinat. Sans aller nécessairement jusque là, une majorité de ministres du gouvernement Sharon se sont prononcés pour un bannissement du président palestinien. Certains parlent de Tunis, d'autres de l'Égypte, et même de la France ! Le président Hosni Moubarak, tout en critiquant ce projet, s'est d'ailleurs déclaré prêt à accueillir Arafat en exil, ce que les israéliens ne manqueront pas d'interpréter comme un accord tacite de l'Égypte au bannissement d'Arafat. La décision européenne, confirmée ce jeudi, d'inscrire la branche politique du Hamas sur la liste des organisations terroriste est interprétée par les Israéliens comme le contexte diplomatique le plus favorable qu'ait connu Israël depuis de nombreuses années, tout comme le rapprochement avec New Delhi, malgré l'interruption de la visite en Inde d'Ariel Sharon.

Pour l'heure, le mot d'ordre qui semble prédominer à la présidence du conseil israélienne est que pour le moment, Israël n'a pas encore pris la décision. Mais il est clair que le dossier a été rouvert à la suite de la démission du gouvernement d'Abou Mazen (Mahmoud Abbas) et des derniers attentats du Hamas. Les autorités israéliennes en ont aussitôt fait porter la responsabilité au président palestinien, accusé d'avoir entravé les efforts de son Premier ministre dans sa lutte contre le terrorisme. Ces derniers jours, les paroles émanant de Washington sur la question mettent en garde Israël contre les «conséquences» de ses décisions, laissant entendre qu'un départ forcé d'Arafat n'améliorerait pas la situation. Mais dans le même temps, la Maison Blanche a rappelé qu'à ses yeux, Arafat était le problème et non la solution.

Washington n'a donc pas donné son feu vert à la déportation de Yasser Arafat, mais à Jérusalem, on veut croire que ce n'est pas non plus un feu rouge. Reste une question que Sharon va devoir trancher dans les heures ou les jours qui viennent : Israël peut-il considérer qu'un «feu orange» vaut approbation tacite des États-Unis ? Quoi qu'il en soit, les proches de Yasser Arafat prennent la menace au sérieux et battent le rappel de la communauté internationale. Ahmed Abderrahmane, secrétaire général de l'Autorité palestinienne, a averti que l'exil forcé d'Arafat «conduirait la région au bord de l'abîme».

Un sous-produit de cette décision, quelle qu'elle soit, est que pour les Palestiniens, elle aura été prise en accord avec Washington. Si Arafat reste encerclé à Ramallah, les Palestiniens sauront gré aux États-Unis d'avoir retenu leur allié israélien. Mais s'il est chassé des territoires palestiniens, la réaction prévisible risque de ne pas les épargner.

 


OLIVIER DA LAGE
11/09/03
 
 


 

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