Proche-Orient
Clinton au secours de Barak
Les Etats-Unis, qui ont laissé entendre que l'échec de Camp David était dû au manque de souplesse des Palestiniens, mettent tout leur poids pour soutenir Ehoud Barak, confronté à une situation politique délicate en Israël.
Dès l'échec du sommet de Camp David, Bill Clinton l'avait dit
en termes diplomatiques mais sans ambiguïté, à ses yeux,
c'est l'intransigeance de Yasser Arafat sur la question de Jérusalem
qui est à l'origine du blocage des négociations. Depuis, son entourage
a distillé les confidences confirmant que pour la Maison-Blanche, c'est
bien le leader palestinien qui est à blâmer alors que le premier
ministre israélien a pris de sérieux risques politiques en lui
offrant une forme de souveraineté sur certains quartiers de Jérusalem-est.
Il est vrai que cette question, taboue par excellence en Israël, n'avait
jamais jusqu'alors été abordée par un responsable israélien
de premier plan et encore moins discutée lors de négociations
officielles.
Désormais, alors que le coordinateur américain pour le Proche-Orient
Dennis Ross est attendu dans la région, Washington dépêche
dans plusieurs capitales arabes Edward Walker, le secrétaire d'Etat adjoint
au Proche-Orient. Le diplomate américain tentera d'obtenir de ses interlocuteurs
qu'ils incitent le président palestinien à faire de nouvelles
concessions pour permettre la conclusion d'un accord. La tâche risque
d'être ardue : ce sont précisément les alliés de
Washington dans la région, l'Egypte et l'Arabie Saoudite, qui ont fait
pression sur Arafat pour qu'il ne cède rien sur Jérusalem. En
ce sens, lorsque Yasser Arafat plaidait auprès de Clinton que sur ce
dossier, il n'était pas simplement le représentant des Palestiniens,
mais aussi celui de tous les Arabes, musulmans et chrétiens, ce n'était
pas complètement infondé. L'atteste la position prise par le Vatican
et les trois patriarches chrétiens de Jérusalem. Pour leur défense,
les Palestiniens font valoir qu'ils étaient réticents à
la tenue d'un tel sommet insuffisamment préparé et qu'ils ne s'y
sont rendus que sur l'insistance du président américain.
L'attitude de Bill Clinton est dictée par au moins deux motivations:
le souci de venir en aide à Ehoud Barak, en situation périlleuse
politiquement. Pour l'appuyer, Clinton va prendre l'engagement de transférer
à Jérusalem-ouest l'ambassade américaine en Israël,
actuellement située à Tel Aviv, après la signature d'un
accord israélo-palestinien. En second lieu, l'approche des élections
américaines le contraint à ne pas se laisser dépasser par
le Congrès qui menace de couper l'aide américaine de 80 millions
de dollars à l'Autorité palestinienne en cas de proclamation unilatérale
de l'Etat. Une position soutenue publiquement par Hillary Clinton, l'épouse
du président américain, qui naguère fit scandale en soutenant
le principe d'un Etat palestinien.
Yasser Arafat, qui a pu mesurer le regain de popularité que lui a valu
parmi les siens sa fermeté face aux Etats-Unis et à Israël,
s'inquiète de ces pressions américaines. D'où sa campagne
d'explications qui commence en France, présidente en exercice de l'Union
européenne. Il n'en est pas moins conscient de la nécessité
de parvenir à un accord avec Israël. Du reste, négociateurs
israéliens et palestiniens se retrouvent ce week-end. Même si,
officiellement, en l'absence d'un accord sur tout, il n'y a d'accord sur rien,
certains acquis de Camp David ne pourront être effacés: pour la
première fois, on a discuté d'un partage de souveraineté
sur Jérusalem. C'était pour beaucoup tout aussi impensable voici
quelques semaines que l'était la reconnaissance de l'OLP pour Israël
il y a tout juste sept ans. Il reste aux opinions publiques à s'accoutumer
à ces nouvelles réalités, pendant que les négociateurs
se remettent à l'ouvrage.
OLIVIER DA LAGE
28/07/2000