Il
y a quelques temps, Thomas le batteur de Venus s'est étonné
auprès de Claudy que Devor-Rock n'avait encore rien
fait sur eux alors qu'à chaque fois qu'il faisaient
quelque chose on était les premiers à en parler.
Et bien voilà l'interview. En fait, il ne savait
pas qu'elle était déjà réalisée
avec Marc et Patrick et qu'on venait juste de boucler Devor-Rock
et donc qu'elle était reportée au numéro
suivant, c'est-à-dire celui-ci.
C'est vrai qu'on est sûrement les derniers sur la
balle mais cela ne doit pas cous empêcher d'encore
un peu vous attarder sur le groupe car ils viennent quand
même de sortir un des meilleurs albums de l'année.
On avait fait l'interview il y a un an ici au Botanique,
et là vous revenez en tête d'affiche avec un
battage médiatique assez important. Comment voyez-vous
cela ?
Patrick (scénariste) : Tout n'a pas explosé
d'un coup. C'est une année où on a énormément
travaillé, fait énormément de concerts,
on a enregistré, on a trouvé des gens pour
nous signer. On a eté jouer pas mal à l'étranger.
On a fait pas mal de concerts en Italie vu q'uon est sur
une maison de production italienne. Mais on n'a pas le sentiment
de quelque chose qui a surgi d'un coup de nulle part.
Comment s'est passé pour vous le spectacle aux
Halles de Schaerbeek ?
L'idée, c'était de faire un one-shot et de
vivre ça comme une expérience un peu différente
comme musicien.
Et l'après ?
Ca nous a apporté plein de choses au niveau du travail
de scène qui est différent du travail de scène
traditionnel des groupes de rock. Je croîs que cela
a apporté quelque chose à tout le monde.
Cela vous a servi dans le nouvel album ?
Toutes les choses que tu fais au jour le jour te servent
pour l'avenir. Tu avances et tout ce qui est acquis, il
est là.
On dit souvent que le premier album d'un groupe, c'est
un peu un fourre-tout de tout ce que le groupe a fait jusque-là.
Ici, je n'ai pas l'impression que c'est le cas. Ce sont
des nouveaux morceaux ?
Marc (chanteur-guitariste) : Il y a des très vieux
et des très récents. On en a enregistré
environ 20. Et on n'a pas pris spécialement les plus
récents ou les plus vieux. On a pris forcment ce
qu'on trouvait a la fois le plus abouti et le meilleur.
Je pense que c'est ce qui fait que c'est un beau petit voyage.
Et les morceaux qu'on a pas utilisés, ceux sont ceux
dont on pourrait dire qu'ils feraient double emploi. Ceux-là,
on les mettra si possible comme inédits sur les singles.
On n'a quasiment rien jeté. C'est aussi un peu normal
avec le temps qu'on a passé sur ce disque.
Il y a eu un travail très long sur le disque?
Je suppose que c'est long. On a mis deux mois pour les prises
mais et un mois pour le mix, plus une semaine pour le mastering.
Je trouve personnellement qu'il y a deux choses qui ressortent
très fort, c'est le travail sur les ambiances qui
est super important et qui met l'auditeur dans un climat...
Il y a eu un double travail à ce niveau-là.
Au niveau des endroit où on a enregistré,
des prises et des autres parties qui concernent le mix et
le mastering. A la base, on a énormément travaillé
sur les prises mais on a aussi énormément
travaillé après sur les effets même
si à la base tout est acoustique.
Dans votre tête, vous saviez où vous alliez,
du moins en brut ?
En brut, oui. Quand on a commencé à enregistrer
dans une salle ici à Bruxelles, ce n'était
même pas en studio. On a amené du matériel
avec à la base une mauvaise reverb qu'on a du arranger.
Comme on était là, on s'est posé la
question de savoir par où on commençait. On
a regardé les morceaux et en fonction de l'acoustique
qu'il y avait là-bas, on a commencé par tel
ou tel morceau. Et on a travaillé à chaque
fois comme ça par rapport au lieu où on était.
En Italie, on a principalement travaillé dans un
petit studio tout en bois. On a aussi travaillé dans
un grand studio à vocation classique très
acoustique avec une grande reverb. On avait une idée
de base par rapport aux morceaux et aux endroits où
on voulait les enregistrer et même comment. La plupart
des morceaux ont été enregistré séparément.
Mais il y a aussi des morceaux où on a joué
ensemble.
Un autre travail que j'ai trouvè important, c'est
au niveau des voix. Elles sont au bon endroit.
Merci. Mais je pense que c'est comme pour le reste, on a
essayé de trouver la bonne recette, toujours à
la limite de l'excès mais que ce soit dans l'agressivité
ou l'inverse. Il a fallu à chaque fois trouver le
bon niveau pour l'interprétation du chant proprement
dit. On a passé des heures là-dessus.
Ce ne fut pas dur ? On n'a pas peur a un moment donné
de ne pas trouver le bon feeling ?
Si, c'est arrivé quelques fois mais alors, tu laisses
tomber et tu recommences deux ou trois jours plus tard.
Mais en règle générale, c'est toujours
la même chose. J'enregistre les voix 5 fois. La première
tu sais d'avance que c'est l'échauffement, la deuxième
est meilleure. Mais tu sais que la troisième ou la
quatrième seront sûrement la bonne car tu es
dedans, tu es bien chaud et voilà.
Vous avez aussi tourné énormément.
Tous ces concerts vous ont aidés d'une certaine manière
car à forçe de tourner, on a des idées
sur certaines ambiances, certains chants...
Je pense que c'est à double tranchant. Il est clair
que si tu chantes 50 fois la même chanson, soit cela
ta donne des mauvaises habitudes, soit ça t'ouvre
des possibilités que tu n'avais pas aperçues
au départ. Au moment d'enregistrer, tu dois faire
un petit bilan pour éviter à tout prix ce
qui va dans le sens de l'habitude, des choses installées.
Car cela se ressent au niveau de i'interprétation
car l'émotion ne passe pas. Or c'est le but à
tous niveaux, même pour le chant car quand tu écoutes
un morceau, ton oreille va d'abord vers la voix humaine
et pas vers les instruments.
(Départ du scénariste qui va finir de régler
les lumières)
La première pochette [le RoyalSucker EP] était
un peu nature, par contre, celle-ci est carrément
urbaine. Pourquoi?
C'est du papier glacé format digipack mais je pense
qu'il y a eu un travail qui va plus loin que la forme. La
première pochette était plus quelque chose
de beau et un rien provocateur mais pas vraiment avec un
fond. Ici, il y a une idée que je vais essayer de
t'expliquer le plus clairement possible. On a d'abord trouvé
le titre de l'album en studio pendant que je chantais un
truc, on a flashé dessus. On était tous d'accord
très vite. Puis, on a pensé à l'illustration.
Il fallait trouver une vieille salle de bal un peu cracra,
à la limite bordel, mauvais genre. Alors, on s'est
rendu compte que cela restait très premier degré
et en plus, il fallait trouver la salle où tout le
monde était d'accord. Alors Patrick a commencé
avec l'idée que comme on était en studio et
qu'on ne voyait que le studio, la maison, le restaurant,
que la seule possibilité de s'ouvrir vers l'extérieur
était la télévision. Il a commencé
à faire plein de photos de ce qu'il voyait à
la télévision que ce soit l'actualité
type journal télévisé ou les jeux,
télé-achat, feuilleton américain et
il se fait qu'à ce moment-là (mars-avril-mai
99) il y a eu des événements très lourds.
Et la pochette de l'album, c'est une bombe placée
par un déséquilibré mental dans un
quartier chaud qui, si je ne me trompe, est Soho à
Londres à une heure où il y avait pas mal
de monde. Et toutes ces photos qui se situent sur l'album
et les différents singles, c'est ça "Welcome
to the modern dancehall". Ce paradoxe que toi, tu enregistres
ton album, tu t'investis complètement dedans et pendant
ce temps-là, il y a aussi des événements.
Ce n'est pas une moralisation mais simplement un constat
de se dire "C'est quoi la musique. Je continue malgré
tout. Il faut relativiser mais continuer à la faire".
Déjà le titre de l'album, c'est presque
bizarre par rapport à la musique.
C'est décalé ?
Oui, c'est ça.
Il y a déjà dans le nom "modern dance-hall"
un côté désuet, salle de bal mais moderne,
c'est un mot qu'on utilise plus tout à fait, suranné.
Salle de danse avec votre style de musique, ce n'est
pas...
Oui et non car dans certains morceaux, tu retrouves un côté
cabaret.
C'est une autre forme de danse que celle qu'on peut s'imaginer
maintenant ?
La dance ?
Par exemple.
Oui évidemment. Mais si tu le prends littéralement
c'est "salle de bal". Un truc complètement
dépassé. Je crois qu'au départ, c'était
là-dessus qu'on voulait jouer avec des instruments
acoustiques. C'est aussi pour montrer qu'avec ce type d'instruments,
on peut faire quelque chrose de très actuel. Et s'il
y a un clin d'oeil à la dance, tant mieux parce que
c'est tellement éloigné et ce n'est pas pour
autant qu'on en écoute pas.
Au niveau des labels, c'est 62TV et Bang! qui s'occupent
de vous en Belgique. Et pour le reste ?
A l'origine, on a signé avec Sonica Factory qui est
un label italien indépendant. On a un contrat discographique
avec eux. En Italie c'est distribué par Universal.
Au printemps de Bourges, EMI était vraiment intéressé
et ils ont signé un contrat de licence avec Sonica.
EMI nous a en licence pour le monde sauf pour la Belgique
où on travaille encore avec 62TV et Bang!. On a d'abord
signé en Italie ce qui a prêté à
rire chez certains, mais maintenant ils rigolent un peu
moins quand ils voient le travail fait. Ces gens sont très
sérieux et très compétents. Je suis
fier de ce partage car il est presque en décalage.
Qui aurait pensé qu'un groupe de rock signerait un
contrat en Italie ?
Bourges a été une date importante ? Ce
fut un déclic ?
Il y a eu un premier déclic, c'est notre tournée
en Italie et la rencontre avec Sonica Factory. Et le second,
c'est Bourges où dans la salle, il y avait pas mal
de gens de majors et qui après le concert ont voulu
nous signer.
On a l'impression en vous ecoutant que Venus est de moins
en moins belge mais de plus en plus international ?
Européen ?
Oui.
Cela me conviant bien même au niveau artistique. Je
pense que chez les autres aussi, mais pour moi l'influence
est à la fois très américaine et à
la fois très française. Je pense qu'il y a
une façon d'harmoniser les chansons très française
dans la tradition et si tu remontes très loin, c'est
Edith Piaf et plus près Jacques Brel. Mais il y a
aussi le côté anglo-saxon, allemand comme Brecht
ou des choses comme ça. C'est une digestion très
belge, très petit pays, très petite culture
traditionnelle comme on est un pays très jeune. Moi,
je ne me sens pas spécialement belge mais venant
d'une région d'Europe.
Non seulement au niveau musical mais aussi au niveau
carrière ?
Depuis quelques mois oui, on a tourné plus à
l'étranger qu'en Belgique et c'est tant mieux.
Lucifer Sam