Avec
un disque plus qu'acceptable, Welcome to the Modern Dance
Hall (Sonica/EMI), une hype venue de nulle part, ces
belges francophones nous ont confirmé (s'il était
encore nécessaire de le faire) que la scène
belge propose depuis quelques années des créations
(d)étonnantes. Leur album est un très intéressant
exercice de style, plaçant chacun des instruments
(guitare, violon en particulier) au centre de leur musique,
mis en notes avec un savoir-faire indéniable. Marc
Huygens, le chanteur, visiblement malmené par le
succès, nous a reçus en compagnie de Thomas,
lui plus conciliant. Jugez par vous-même.
Depuis la sortie de l’album, le succès est venu
assez rapidement. D’où est-ce que cela vient?
Marc: Le succès? De l’album?
Il est sorti mi octobre, je crois…
Marc: Octobre je crois. Je pense qu’on a déjà
vendu quelques milliers d’albums. C’est un succès
tout relatif. Cela dit, pour moi, ce n’est pas juste depuis
la sortie de l’album. Le groupe existe depuis trois ans,
ce n’est pas le premier concert qu’on fait en France. Il
y a aussi probablement le bouche à oreille… Et notamment
le Printemps de Bourges l’année passée, ça
a fait un peu de bruit. Et il y a aussi le travail d’E.M.I.
avec qui on travaille maintenant et qui est très
important puisque c’est une major et qu’ils ont d’énormes
moyens. Donc, ça facilite les choses.
On a l’impression que ce succès est surtout important
en Belgique…
Marc: Non. On n’a pratiquement jamais joué en Flandres,
on y est royalement inconnus…
Vous avez pourtant fait plus de 150 concerts depuis le
début. Vous vous êtes fait une réputation
avec la scène...
Marc: Ca c’est vrai. Je pense que ça peut susciter
l’intérêt chez les gens qui viennent nous voir
en concert, bien sûr… Je pense que chez tout groupe
qui démarre assez classiquement et qui n’a pas beaucoup
de moyens ou qui n’a pas de moyens du tout essaie de trouver
des concerts et il s’avère que chez nous, ce sont
les concerts qui ont fait notre histoire, car on a probablement
une façon un peu particulière de faire les
concerts. Je parle plus du fond. On essaie, chacun des quatre
musiciens – on est cinq –, et Patrick aussi, de le faire
avec beaucoup de foi, de….
D'implication?
Marc: Oui, de s’impliquer.
Vous avez décidé de travailler sans producteurs;
aviez-vous été déçus par le
travail qui avait été fait pour le premier
maxi sur BMG?
Marc: On a été surtout déçus
par nous-mêmes. Je pense qu’on a effectivement donné
la responsabilité du mix à Mike Butcher à
l’époque et on a pas été super satisfait
du résultat mais ce serait un peu trop facile de
dire que c’est sa faute. Ca se passe aussi dans l’organisation
qui précède l’enregistrement et le mixage:
comment est-ce qu’on va travailler?. Il faut savoir si tu
es pas sûr de ton coup avec le producteur. Il faut
établir un lien étroit qui te permette de
collaborer et pas de dire: "c’est toi qui le feras et si
c’est pas bon c’est toi qui sera fautif". Cela dit, évidemment,
ça a joué et l’album, on l’a fait avec deux
techniciens, une personne qui nous a aidé pour les
prises et une deuxième personne qui nous a aidé
pour le mixage.
Tu parlais de Patrick tout à l’heure. Quelle est
sa part de travail en studio?
Marc: Il va t’en parler lui-même.
(il appelle Patrick…)
Patrick: Quand on était en studio, au départ
mon rôle n’était pas vraiment défini.
On a travaillé, j’ai passé énormément
de temps à écouter et sur une grande partie
des prises, je donnais mon avis. Je pense que j’ai travaillé
surtout sur les chants de Marc, ses interprétations.
Et tout le monde y participait aussi. Moi je me suis très
fort concentré sur ça car je pensais que c’était
très important pour Marc d’avoir quelqu’un qui puisse
faire un retour de ce qu’il a donné. L’idéal,
pour faire une bonne prise à mon sens, et que ce
soit pour la voix ou pour le reste, il faut pouvoir être
dans un état où tu n’as pas un regard pendant
que tu le fais sur ce que tu fais. Donc le plus simple c’est
de le faire sans se soucier du résultat mais qu'il
y ait quelqu’un d’autre qui va écouter pendant que
tu fais la prise et qui pourra donner un avis et je pense
que là oui, je me suis très fort concentré.
Autrement j’ai fait comme les autres, parfois tu comprends,
parfois tu ne comprends pas…
Vous attachez beaucoup d’importance à vos concerts.
Vous dites qu’il y a certaines chansons qui ne méritent
d’être jouées que si le public a un bon comportement.
En gros, les rappels se méritent. Vous attendez quoi
comme réaction de la part de votre public?
Marc : (irrité) Je ne crois pas que personne
n'ait jamais dit: "on jouera ce morceau si vous méritez
qu’on vous le joue…" . Le fait même de faire un rappel,
c’est du respect pour le public, tu ne le provoques pas
si ils ne te le demandent pas. Une fois sur dix, ça
se passe comme ça. Putain! S'il y a bien un groupe
qui a du respect pour son public, c’est bien nous… C’est
arrivé que tu joues devant cent personnes au lieu
de trois cents, quatre cents, cinq cents personnes et la
moitié du public est au bar et parle. Et lui te manque
de respect. Tu pourrais dire "allez vous faire foutre" et,
en réalité, je pense que presque à
chaque fois on s’est concentré sur les gens, sur
l’autre moitié qui écoute. Si tu viens, tu
paies ton ticket, peu importe le mec qui fait le con au
bar…
Il y a beaucoup de gens qui raisonneraient sûrement
autrement… c'est juste un choix…
Marc: C’est vrai et c’est choquant de dire "certains morceaux,
on les joue que si le public est…beau!". (il rit)
Vous êtes sur un petit label italien mais vous
êtes distribués par E.M.I. Ca s’est passé
comment, était-ce un choix…
Marc: Si on avait dit non, ça ne se serait pas fait…
Donc, on a choisi. C’est Sonica Factory, notre label qui
a un contrat avec eux. Mais bien sûr, on a choisi
et cela permet que nos disques sortent dans d’autres pays,
d’aller jouer dans ces pays et ça se fait plus facilement
que si il n’y avait pas le travail de la major.
Thomas: On a signé sur un indé et en licence
avec une major. On a donc tous les avantages de chaque côté:
tu n’as pas les contraintes artistiques d’une major, donc
aucun compte à rendre artistiquement, mais aussi
tu as un énorme confort de distribution, travail
qu’un indépendant ne peut se permettre financièrement.
Mais il y a aussi un risque: par exemple, il y a deux
semaines, Time Warner et E.M.I. qui ont fusionné
et il y a déjà une victime: The Unbelievable
Truth, qui ont été virés…
Thomas: Mais nous aussi on sera viré…
Marc: Si on se fait virer, on se fera virer c'est tout…
Thomas: Il y a Perry Blake qui s’est fait foutre à
la porte de Polygram aussi.
Marc: Ca c’est vraiment des affaires, du business pur. Rien
à dire… on s'en fout.
Vous devez être concernés, quand même…
EMI, c'est pas rien…
Marc: C’est un truc de business pur… Et puis si on doit
se faire virer, ce ne sera pas tout de suite car ils ont
quand même investi de l’argent et ils aimeraient avoir
un peu de résultats, sur le plan purement commercial…
Pour eux, c'est juste une liste: tel groupe sort tel album,
il en vend autant, c'est très bien; tel autre en
vend autant, c'est très mal, on le vire… c'est aussi
con que ça…
Thomas: Et puis on est quand même la première
signature sur E.M.I. France, une nouvelle structure… Ils
savent très bien à quoi ils s’engagent en
signant Venus.
Interview David & Stéphane