Yannig :
Un premier concert de Little Hotel, durant les premières
minutes ça ressemble forcément à un
concert du chanteur de Venus sans Venus... et forcément,
"ça fait bizarre". Surtout que la formule
développée ici s'apparente de près
à une voie déjà explorée par
Marc Huyghens et ses collègues vénusiens,
sur le concert/disque The
man who was already dead.
Ce n'est donc pas tant les voies explorées qui caractérisent
Little Hotel que les renoncements affirmés.
En effet, si l'on retrouve ici aussi du xylophone (impressionnant!),
de la contrebasse (plus contenue), du violoncelle, du banjo,
de la guitare, c'est surtout l'absence de batterie et de
violon (et encore plus de guitare) qui distancent Little
Hotel de son aîné.
Et même si ce choix, à l'issue de ce concert,
s'avère des plus cohérent, je ne peux personnellement
m'empêcher de voir dans l'absence de cette batterie
comme l'écho de cette nouvelle qui à l'époque
m'étonna autant qu'elle m'inquiéta, à
savoir le départ de Thomas, l'ancien batteur. Visiblement,
cette rupture, l'album qui en résultat en partie
(plus paisible, renonçant à l'équilibre
"tension-quiétude" si caractéristique
de Welcome to the modern
dancehall) et aujourd'hui ce nouveau projet, sans batterie...
toutes ces
nouvelles semblent s'enchaîner avec une logique déconcertante
: Marc Huyghens aspire désormais définitivement
plus à la douceur... Alors de douceur il sera question...
Pour compléter la description du groupe il nous
faut ajouter un accordéoniste, une "faiseuse
d'onde", et un instrumentiste à vent (peu expert
en la question, je parlerais de clarinette et d'autres instruments
non identifiés).
Au niveau de la scénographie, on retrouve une disposition
assez semblable à celle ayant eu cours lors de l'enregistrement
de "The man who was..", l'atmosphère est
singulièrement la même, à dimension,
cependant, plus "humaine" que au Cirque Royal
de Bruxelles. Nous sommes ici dans un charmant théâtre
provincial (3 étages de balcon, vidés avant
le début du spectacle, histoire de masser les trop-peu-nombreux
spectateurs au rez-de-chaussée, devant le groupe),
la scène est habillée de quelques fauteuils,
tapis, lampe de chevet, les amplis sont anciens et charmants,
l'atmosphère est résolument intimiste, le
groupe disposé en arc de cercle autour de Marc.
Un brin de nervosité est palpable. Non pas que Marc
Huygens nous ait habitué à des démonstrations
de décontraction (...) mais l'atmosphère des
"premières" est ici palpable et quelques
"ratés" sympathiques (obligé notamment
à un moment de s'entretenir brièvement avec
son contrebassiste pour rattraper le tir) nous le rappellerons...
Ce qui n'empêcha nullement la magie d'opérer.
Car de magie il fut evidemment question. De mélancolie
un peu, de douceur beaucoup. De délicatesse et d'équilibre,
toujours. Les instruments, leurs sons singuliers sont au
centre de ces compositions. Mais sans exhibitionnisme malsain
et démonstrations pompeuses. Non, tout est encore
ici histoire d'équilibre, de mariages habiles, et
les arrangements paraissent véritablement épouser
l'esprit du projet de Marc Huyghens. On a hâte de
juger sur pièce quel en sera le résultat sur
CD. (A propos des arrangements, Marc fera monter leur talentueux
concepteur sur scène en fin de spectacle : cf. photos;
l'homme au cheveux gris mi long, a côté de
Marc.)
Le concert sera en effet suivi de deux rappels. Le premier,
d'abord en formation réduite et puis en formation
complète, sera l'occasion de nous livrer 3 titres,
dont une reprise étonnante : "Sweet Dreams"
de Eurythmics au banjo. Comme souvent dans ce genre de situation,
les premières notes reconnues suscitent une complicité
amusée. Et puis, comme toujours avec Marc ou Venus,
cette reprise prend tout son sens, offrant véritablement
une lecture nouvelle et radicalement singulière de
ce que l'on pensait pourtant parfaitement connu et familier.
Le second rappel sera l'occasion pour Marc Huygens de rendre
un hommage à Johnny Cash, en interprétant
un titre de Bonnie Prince Billy, je pense (mémoire
qui fait défaut, désolé) repris en
son temps par mister Cash himself et auquel notre homme
semble vouer "une admiration inconditionnelle".
En résumé, si Vertigone semblait destiner
Venus à l'apaisement (aussi bien celui de sa musique
que de celui de l'engouement suscité par celle-ci),
il semble bien que Little Hotel soit un projet résolument
intimiste qui ne devrait pas lui faire trop d'ombre. Ce
qui n'enlève rien à la grande qualité
dudit projet.