Tout le problème,
c’est que ce critère ne saurait être la légalité
de l’Etat ou de l’exercice de son pouvoir puisque la loi ne peut pas être
ici juge et partie : on ne peut pas soutenir que c’est la loi qui exige
avec raison qu’on obéisse à l’Etat, c’est-à-dire à
ses lois. Et puisque la seule légalité de l’Etat et de l’exercice
de son pouvoir ne permettent pas de trancher, cela signifie qu’il faut
faire appel à des critères extérieurs et supérieurs
à la seule légalité, à des critères
capables de juger de la valeur de la légalité même.
C’est pourquoi notre question est celle des conditions de la légitimité
de son pouvoir et non celle de sa légalité.
Rq : Par conséquent,
ce critère ne peut pas non plus être le régime politique
de l’Etat. Sans doute qu’un Etat démocratique a plus de chance de
faire un usage légitime de son pouvoir qu’un autre, mais il est possible
que ce ne soit pas le cas et qu’un autre fasse aussi bien. C’est donc que
cette légitimité tient moins directement au régime politique
qu’à la manière avec laquelle, au sein de chaque régime,
le pouvoir est exercé.
A ) Dans quelles conditions l’Etat est-il légitime et
l’obéissance exigible ?
S’interroger sur la légitimité
de l’Etat, de l’autorité de l’Etat, c’est se demander à quels
critères il doit répondre pour pouvoir être dit légitime.
C’est du respect ou non de ces normes dont dépendra sa légitimité.
Or, si on définit
l’Etat essentiellement par le pouvoir souverain dont il dispose sur les
individus, et qu’on définit le pouvoir comme capacité de faire
vouloir faire, il apparaît que c’est à ce sujet que se joue
sa légitimité. Pour qu’il puisse être légitime,
il doit faire un usage déterminé de son pouvoir.
Or encore, puisqu’il
dispose toujours de ce pouvoir, et ce par définition, ce n’est pas
dans la possession ou non de ce pouvoir qu’on pourra trouver les critères
qui déterminent sa légitimité, mais dans l’usage qu’il
fait de ce pouvoir.
D’où la question
: quel est l’usage que l’Etat doit faire du pouvoir dont il dispose pour
être légitime ?
La réponse se
trouve presque dans la question : puisqu’il s’agit pour l’Etat de faire un
bon usage du pouvoir qu’il a, et, puisque le pouvoir est l’aptitude à
faire vouloir faire certaines choses à certains individus, alors
il s’ensuit que l’Etat ne fait un usage légitime de son pouvoir que
s’il fait poursuivre certaines fins aux individus et d’une certaine manière.
A savoir :
1 - Puisque avoir
du pouvoir permet de faire vouloir faire quelque chose aux individus, il
s’agit d’abord de se demander ce que doit viser l’Etat, quelles sont les fins
qu’il doit poursuivre grâce à son pouvoir pour être légitime
? La question est celle de la justice des fins visées par le pouvoir.
2 - Puisque ce pouvoir
s’exerce sur les individus, il s’agit aussi de se demander qu’elles sont
les formes prises par l’exercice même de ce pouvoir qui sont acceptables
pour eux compte tenu des fins qu’il vise ? La question est alors celle de
la justice des modalités, des conditions d’exercice du pouvoir.
En ce qui concerne la première
question, la réponse est à trouver du côté de
la définition même du pouvoir de l’Etat. Puisqu’il est souverain,
le pouvoir de l’Etat s’exerce sur tous les individus qui vivent sur un
territoire déterminé. Or, dans ces conditions, comment imaginer
qu’il puisse user de son pouvoir de manière légitime s’il ne
s’en sert pas de telle sorte que tous les individus en tire un bénéfice
? L’Etat ne semble avoir de légitimité que si les fins qu’il
fait poursuivre par tous ceux sur lesquels son pouvoir s’exerce sont utiles
à tous, servent à tous. Puisqu’il s’exerce sur tous, il ne
vaut que s’il est utile à tous.
Or, comment nomme-t-on
des fins que l’Etat peut viser et faire vouloir aux individus et qui ont
comme caractéristique d’être utiles à tous ? Des fins
d’intérêt général.
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