Parler de nature
humaine, c'est parler d'une essence universelle de l'homme, c'est dire qu'il
existe un certains nombre de caractéristiques communes à tous
les hommes sans restriction. C'est dire qu'il existe une définition
de l'homme telle qu'elle s'appliquerait à tous et à chacun d'entre
eux sans reste.
Or, lorsqu'on observe
les hommes, ce qu'on voit, ce n'est pas l'identité, ce qu'ils ont de
commun, mais des différences, une diversité qui semble ruiner
l'idée même d'une nature humaine.
Le problème est
donc le suivant : d'un côté on parle de nature humaine, d'essence
de l'homme et il semble que cette idée d'une définition de
ce qu'est l'homme soit légitime parce que rien qui existe ne semble
pouvoir ne pas avoir de nature, mais de l'autre, il semble que cette idée
soit vaine parce que les différences observables entre les individus
sont telles qu'ils semblent n'avoir rien en commun.
Mais il y a plus : il
a pu arriver, en raison de ces différences ou sous prétexte
de ces différences, de refuser le statut d'homme à des êtres
qui manifestement pourtant ressemblaient à des hommes, comme par exemple
les Noirs dont on a prétendu qu'ils n'avaient pas d'âme, ce qui
autorisait à les utiliser comme esclaves ou comme les Juifs que les
nazis comparaient à des rats ou à des microbes, ce qui préparait
à l'idée qu'il était nécessaire de les supprimer
et qu'en le faisant, on ne tuerait pas des hommes. Au nom d'une certaine
idée de l'homme et en raison de différences observables entre
eux, on a pu donc refuser le statut d'hommes à des êtres qui
pourtant étaient des membres de l'espèce humaine.
Mais, du reste, ne faisons-nous
pas la même chose lorsque nous disons de certains êtres qu'ils
sont non pas des hommes, mais des bêtes en raison par exemple de leur
violence ou de la monstruosité de leurs actes? Dire d'eux qu'ils sont
des animaux et non des humains, c'est bien leur refuser le statut d'homme
encore qu'ils appartiennent bien à l'espèce humaine, sans quoi
ce refus n'aurait aucun sens.
Tout cela nous invite
donc à nous demander s'il existe une nature humaine, une essence de
l'homme telle que tous les hommes correspondent à cette définition,
puisque si d'un côté on trouve injuste d'avoir traité
des hommes comme des sous-hommes ou des faux hommes, on n'hésite pas
de l'autre à considérer comme des animaux certains hommes, donc
à les traiter comme des sous-hommes à notre tour.
Savoir s'il existe
une nature humaine et la définir n'a pas qu'un intérêt
intellectuel, mais aussi moral. En effet, si certains hommes ne sont pas des
hommes, il ne sera pas nécessaire de les traiter comme tels, c'est-à-dire
avec le respect du à l'homme en tant qu'homme ou en tant que personne. |