II ) LE TRAVAIL : UN RAPPORT ENTRE LES HOMMES
      A) Comment travaillons-nous?
La question de savoir comment nous travaillons, si elle doit s’entendre du point de vue de l’individu, peut avoir deux sens différents : Avec qui travaillons-nous? et Avec quoi travaillons-nous? 
 
        1 ) Avec qui travaillons-nous ?
        Le travail comme fait social.
Le travail ne met pas seulement l’homme en rapport avec le milieu naturel et des objets fabriqués, il met aussi et surtout les individus en rapport entre eux. 

Le travail suppose et engendre des relations sociales : rapports de collaboration, d’élaboration collective d’un projet, rapports commerciaux, rapports hiérarchiques, rémunérations, négociations, conflits... 

A ce titre, le travail est un fait social, c’est-à-dire une activité indissociable de la vie sociale puisqu’elle suppose et engendre des relations sociales diverses. Cela signifie, du point de vue de l’individu, que le travail se présente comme une activité socialisée, c’est-à-dire inscrite dans la vie sociale au lieu d’être une activité d’ordre privée ou solitaire et qui donc le met en relation avec d’autres individus. 


 
Or, en tant que tel, le travail pour l’individu n’est pas conçu comme une activité qui produit des valeurs d’usage. L’individu pour l’essentiel ignore que le travail est une activité par laquelle directement ou indirectement l’homme transforme la nature pour l’adapter à nos besoins, que le travail est d’abord une activité qui met l’homme en rapport avec la nature. En tant que fait social, le travail est conçu comme l’activité grâce à laquelle les individus gagnent leur vie, c’est-à-dire une activité rémunérée. 

Mais ceci n'est valable que pour aujourd'hui et pour le salariat et les services marchands. Il faudrait plutôt dire que le travail est une activité qui rapporte quelque chose à celui qui travaille, en échange de laquelle il obtient quelque chose qui lui permet de vivre : sa production, en partie seulement, un salaire, la vie, la protection... Soit donc, c’est le produit de son travail en tant que tel qui est la contre partie du travail, soit, parce que cette production lui est ravie, ce qu’il obtient en échange de la perte du fruit de son travail. Mais, le gain est toujours en rapport avec la vie, la subsistance. Car si cette définition économique et sociale est toujours vraie, c’est-à-dire que le travail est toujours conçu par ceux qui travaillent comme une activité en échange de laquelle ils obtiennent une rémunération ou une contrepartie, il faut noter qu’elle n’est pas toujours financière. Elle peut correspondre au produit du travail lui-même pour les économies d’autosubsistance, à la protection pour celui qui travaille pour un autre (le serf ou celui qui se fait rançonner par une mafia...), la vie pour l’esclave, .... En somme, on ne travaille jamais pour rien ou en échange de rien. 

L’individu donne au travail une définition économique et sociale, coupée de sa définition comme production de valeurs d’usage. Il ne voit du travail que son aspect social et économique et non le fait qu’il met l’homme aux prises avec le milieu naturel. Les raisons pour lesquelles il travaille occultent la raison d’être du travail, sans rapport avec ses motivations propres. 


 
        2 ) Avec quoi travaillons-nous?
        Le travail comme fait technique.
Avec quoi l’homme transforme-t-il la nature pour l’adapter à ses besoins? N’utilise-t-il que son corps et son esprit pour le faire? Non, il emploie aussi des techniques, des outils et des machines par exemple. Le travail est une activité qui utilise des techniques. Il est un fait technique donc. 

Qu’est-ce qu’une technique? 

D’une manière générale, une technique, c’est un procédé déterminé et transmissible destiné à produire certains résultats jugés utiles par ceux qui l’emploient. Ce sont l’ensemble des moyens réfléchis ( # hasardeux ) par lesquels on peut atteindre une fin fixée à l’avance. Une fin étant donnée, la technique, c’est l’ensemble des moyens qui permettent de la réaliser. 

Cette définition appelle plusieurs remarques. 

- Compte tenu de la définition de la technique, il apparaît qu’elle est présente sous de nombreuses formes et dans un grand nombre d’activités qui pour certaines n’ont aucun rapport avec le travail comme activité de transformation de la nature destinée à l’adapter à nos besoins. Ainsi, on peut parler de technique artistique, sportive, médicale, oratoire ou rhétorique, de gestion d’un groupe d’individus, pédagogique, organisationnelle, ... 

De sorte qu’il apparaît que si le travail est un fait technique, la technique n’est pas le monopole du travail. Mais, par ailleurs, certaines techniques, celles de gestion des ressources naturelles, de gestion du personnel, d’organisation au sein d’une entreprise, si elles ne servent pas le processus de production de valeurs d’usage, sont liées au travail en ce qu’elles ont le travail pour objet. 


 
        3 ) Reformulation des contradictions.
Si le travail est défini comme fait social, les contradictions rencontrées prennent une autre dimension : en tant que fait social, le travail est-il cause d’une servitude sociale ou est-il la condition de l’indépendance sociale des individus? En tant que fait social, rend-il possible le développement de soi ou est-il la cause d’une dénaturation? Cause de nos malheurs ou condition du bonheur? 

En somme, les contradictions sont cette fois socialement déterminées. 

Et si le travail est aussi défini comme fait technique, il est possible de reformuler l’ensemble des contradictions rencontrées de ce point de vue. Le fait que le travail soit un fait technique et qu’il soit l’objet de certaines techniques n’en fait-il pas une activité asservie? Asservie par les machines ou par les techniques de gestion du personnel, des ressources humaines? Ou, au contraire, cela n’en fait-il pas une activité libérée d’un grand nombre de contraintes, grâce aux machine qui soulage l’homme des travaux les plus pénibles, qui remplace l’homme et le libère du travail ou grâce à des techniques d’organisation du travail qui le rendent moins asservissant? Le fait qu’il soit un fait technique n’en fait-il pas une activité dénaturante, mutilante du fait de la répétitivité des gestes à accomplir en cadence avec la machine, de la mécanisation du travail donc ou au contraire une activité qui rend possible l’accomplissement de soi en ce qu’ainsi le travail valorise et encourage l’ingéniosité de ceux qui travaillent, leur permet d’acquérir des compétences nouvelles et valorisantes? La cause de nos malheurs ou la condition du bonheur? 

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