Les Chemins de Porquerolles

Les Cartes anciennes de l'île




Carte de Nicolas Sanson 1652



          Ce relevé des îles d'Hyères est extrait d'une carte représentant : Le "Comté et gouvernement de Provence avec les pays circumvoisins Comtat Venaiscin, principauté d'Orange, Comta de Nice, etc. "Carte publiée à Paris en 1652, dimensions : 32X46 cm. Source : BNF


          Sanson Nicolas (1600-1667) est né à Abbeville ou il a effectué des études orientées vers l'Histoire. Il s'est tourné vers la cartographie pour illustrer ses travaux historiques. Pour ses propres besoins il a donc dressé des cartes très esthétiques qui ont attiré l'attention du roi Louis XIII. Il a été nommé comme Géographe Ordinaire du Roy et fut son précepteur en matière de géographie.
          Dans la préparation de son œuvre majeure, Cartes Générales de Toutes les Parties du Monde, Sanson s'est associé avec les meilleurs graveurs français de l'époque. Sanson a produit près de 300 cartes dont deux sont particulièrement réputées : celle de l'Amérique Septentrionale (1650) et Le Canada ou la Nouvelle France (1656), la première carte qui présente les grands lacs.
          Après le décès de Nicolas Sanson son entreprise fut reprise par ses fils et son petit-fils, en association avec A. H. Jaillot. Les cartes de Sanson ont continué à être imprimées par ses successeurs (A. H. Jaillot , Pierre Duval) en concurrence avec les maisons hollandaises qui dominaient alors le marché de la cartographie.
          Principaux travaux :
L'Europe, L'Asie, L'Afrique et L'Amérique en plusieurs cartes nouvelles - éditions de 1648 à 1662 en divers formats et nombreuses rééditions jusqu'en 1683.
Cartes Générales de Toutes les Parties du Monde - nombreuses éditions de 1654 à 1676. La carte de Provence de 1658 figure dans cet album.
Cartes Générales de la Géographie Ancienne et Nouvelle - nombreuses éditions de 1658 à 1676.


          La cartographie et les dénominations sont directement issus de la "Carte particulière des costes de Provence" de Tassin. On peut remarquer quelques différences, la petite passe s'appelle "Le Frioul", et l'on voit le cap d'Armes baptisé le cap Dormes (il s'agit vraisemblablement d'une erreur du graveur). Seule la tour de la Licastre est mentionnée, les autres forts étant probablement abandonnés.

Propriétaires de Porquerolles entre 1637 et 1720

          Porquerolles est alors la propriété de la famille d'Ornano. En juillet 1637 Louis XIII avait fait don de Porquerolles à François d'Ornano, seigneur de Mazargues, qui était capitaine et gouverneur de la tour de Porquerolles. Il devait payer 150 livres par an, et entretenir un homme à cheval, destiné à "obvier aux invasions des Turcs et pirates". A sa mort, l'île est revenue à sa veuve, Marguerite de Montlaur. L'île était déserte par suite des incursions des pirates. En 1654 les États de Provence avaient protestés auprès de Louis XIV en vue de faire cesser les exactions des pirates installés dans les îles d'Hyères.

           En 1658 Mathieu MOLE, Chevalier de MALTE, chef d'escadre des vaisseaux du roi en Provence, achète l'ile de PORQUEROLLES pour 34 000 livres à la veuve de François d'Ornano, Marguerite de Montlaur Il en fit don, avant sa mort survenue la même année, à François MOLE, son frère, qui en obtint l'érection en marquisat, Ce dernier fut par ailleurs nommé "Gouverneur de Porquerolles et de Lingoustier", ce qui lui assurait une rente de 6000 livres par an ! Les lettres patentes de Louis XIV en faveur de François Molé seront entérinées par le Parlement de Provence en 1659.
           Par la suite, en 1712, au décès de François MOLE (Abbé de Sainte Croix), qui n'avait pas de descendance directe, ce sont ses neveu et nièce, ( Jean et Madeleine) fils et fille de son frère Jean, qui deviendront propriétaires de l'île.
           A la mort de Madeleine, Jean reste seul propriétaire, c'est lui qui était détenteur du titre de Marquis de Porquerolles, il décèdera en 1723 mais d'après l'Abbé Boson (ouv. cité) Porquerolles aurait été revendu en 1720 " à un nommé L'Hérant de St-Germain, qui l'administra mal et ne la paya point. ", leur fille Elisabeth Molé, qui en 1717 avait épousé M. Joseph Michel, Nicolas Sublet de Hendicourt de Léoncourt, devenait alors l'héritière de l'île ou des droits sur l'île, le Parlement de Paris ordonna la remise de cette île aux héritiers de Lenoncourt, par arrêts en dates des 13 mai 1734 et 21 avril 1735. Mais il faudra payer 25500 livres pour qu'ils en deviennent pleinement propriétaires. Millet de MOUVILLE écrit en 1771 : " la dite île de Porquerolles fut adjugée en 1737 par arrêt de la 3eme chambre des requêtes à Paris pour 25500 livres aux enfants mineurs de M. et Mme de Lenoncourt "
           Une étude, en cours sur la généalogie de la famille MOLE a grandement facilité l'étude de la succession des propriétaires pendant l'ère Molé. Il sont tous descendants de Guillaume MOLE, qui en 1429 a contribué à chasser les Anglais de la ville de TROYES.
           Un de ses descendants fut très célèbre en son temps : Mathieu MOLE, Seigneur de LASSY et de CHAMPLATREUX, (1584-1656), " le plus intrépide homme à mon sens qui ait paru dans son siècle " (Cardinal de Retz) Premier président du Parlement de Paris en 1641. Au milieu des intrigues et désordres de la Fronde, il sut forcer l'estime de tous. Son courage physique face à l'émeute força l'admiration On lui doit la paix de Rueil (1649). Mathieu Molé La reine Anne d'Autriche le nomma Garde des Sceaux en 1651.

Illustration : Mathieu MOLE dit "Grosse Barbe" d'après une sculpture du Musée du Louvre réalisée par Gois Père.

           Il a eu 10 enfants : 6 filles (dont 5 entrèrent dans les ordres), et 4 garçons :
- Edouard MOLE, abbé de Ste CROIX de BORDEAUX, évêque de BAYEUX.
- Jean MOLE, Seigneur de LASSY et de CHAMPLATREUX, Conseiller au PARLEMENT ;
dont le fils Jean et la fille Madeleine hériteront de Porquerolles en 1712
- François MOLE, Abbé de Ste-CROIX, de St PAUL de VERDUN, de St MENGE,
d'HERIVAUT, de LA PREE, Conseiller Parlement en 1650, Maître des requêtes en 1657, décédé le 5 mai 1712 à 87 ans. Il sera le premier Marquis de Porquerolles, le 25éme Marquis de Provence, et "Gouverneur de Porquerolles et de Lingoustier"
- Mathieu MOLE, Chevalier de MALTE, chef d'escadre qui achètera Porquerolles en 1658 avant de donner l'île à son frère François.
           Comme on le voit, Porquerolles était une affaire de famille qui sera ensuite reprise par les de LENONCOURT, descendants directs. Comme toujours à Porquerolles, à l'arrivée d'un nouveau propriétaire, correspond une période d'investissement suivie d'une période d'exploitation, et enfin d'abandon, on peut essayer de trouver ces phases économiques dans l'ére MOLE
           Le premier propriétaire Mathieu, a probablement acheté l'Ile sur un coup de cœur, il avait dû apprécier Porquerolles alors qu'il était chef d'escadre des vaisseaux du Roi en Provence, il ne l'a pas payé cher : 34000 livres, ce qui sous-entend un revenu de 1700 livres environ, il mourut quelques mois après n'ayant pas eu le temps de marquer son passage dans l'ile. Son successeur François avait manifestement les moyens d'investir, à sa mort il disposait des revenus de plusieurs abbayes, de sa charge de Gouverneur. On trouve dans le Journal du Marquis de Dangeau (Secrétaire de Louis XIV). Tome quatorze. 1711-1713 : " …Jeudi 5 Mai 1712 jour de l'Ascension. M L' Abbé De Sainte-Croix, Molé, est mort ; il avoit près de quatre-vingt-dix ans. Il laisse six belles abbayes vacantes et un beau prieuré, auprès de Paris, qui est à la nomination de l' Abbé De Lyonne. Il avoit un petit gouvernement dans les îles d' Hyères, qui s' appelle Porquerolle ; ce gouvernement vaut 6000 francs. Il avoit les chiens pour le chevreuil, mais on croit que le roi supprimera cette charge …"
           Il a du remettre l'île en état et développer l'agriculture, Millet de MOUVILLE, dans son mémoire de 1751, nous dit : " En 1670 environ cette île fut affermée 4000 livres par année et près de 500 livres de revenu il y a eu deux baux sur le même pied, ensuite elle fut négligée et vint en friches. " (J'ignore la durée des baux à cette époque : 9 ans ?). Le revenu tiré de Porquerolles paraît avoir triplé depuis 1658. Le propriétaire ne devait faire que de brèves apparitions dans son domaine,probablement très occupé à Paris et à la Cour, mais il a du faire de Porquerolles une exploitation agricole prospère.
           Vient ensuite la période de stagnation, elle durera jusqu'en 1712, avec un épisode noir en 1707 à cause une brève mais destructrice présence anglaise. Jean et Madeleine avaient eux aussi les moyens d'investir avec la fortune de leur oncle, l'on t'il fait ? ce n'est pas sûr, car Jean vend en 1720 à Hérant de St-Germain.
           Ce dernier ne pourra pas payer son acquisition mais il est certainement passé par une phase d'investissement avant de se décourager ou d'être poursuivi par ses créanciers, car il avait acheté l'ile certainement pour en tirer un revenu et des investissements étaient nécessaires.
           Il faudra attendre 1740 avec l'arrivée de DE LENONCOURT pour retrouver une nouvelle phase d'investissement, celle la mieux connue grâce aux textes de Millet de MOUVILLE et a la carte de BELLIN (1764).