Aux mortiers proposés "prêt à gâcher", nous avions préféré un mortier à la chaux afin d'obtenir l'aspect des enduits anciens. Il suffit d'examiner de près de tels enduits pour se rendre compte qu'ils ont la couleur du sable employé et non celle du liant. C'est ce qui leur donne cette teinte chaude que nous recherchions.

La chaux vive, jadis utilisée comme liant, provenait de la cuisson de pierres calcaires dans des fours à chaux et était livrée en morceaux ayant conservé la forme des pierres dont ils tiraient leur origine. Avant de mettre en œuvre la chaux, il fallait "l'éteindre" avec de l'eau (l'hydrater). La pâte ainsi obtenue était mélangée à du sable. Cette opération, longue et pénible, qui excluait l'emploi d'une bétonnière, car ces machines ne peuvent pas mélanger une pâte à consistance de fromage blanc avec une poudre⁽¹⁾, motivera l'abandon de l'emploi de la chaux vive au profit de la chaux hydraulique artificielle⁽²⁾ ou du ciment .

Mais les enduits ainsi obtenus ont la couleur du liant qui enrobe et cache les grains. Les enduits à la chaux grasse, avec un sable légèrement argileux, ont, au contraire, la couleur du sable (en plus clair) d'une part parce que la chaux se laisse colorer par l'argile, d'autre part parce que les grains de sable de surface ne sont recouverts que par une fine pellicule de "lait de chaux" qui disparaît rapidement.

A l'opposé des mortiers au ciment, les enduits à la chaux grasse présentent l'avantage de laisser les murs anciens respirer et de permettre ainsi à l'humidité de ne pas y rester enfermée.

On fabrique, depuis quelques années, sous le nom normalisé de "Chaux Aérienne Éteinte pour le Bâtiment", ou CAEB, une chaux éteinte en usine, qui permet d'obtenir, avec une bétonnière, un mortier aux qualités recherchées. Or, le plus proche revendeur de CAEB se trouvait à 180 kms de la ferme. Nous avons donc utiliser une chaux hydraulique naturelle, la chaux blanche de Lafarge, assez proche de la CAEB. La chaux blanche, fabriquée à partir de pierres calcaires, comporte un peu de silice qui la rend légèrement hydraulique et qui entraîne une prise plus rapide.

Les enduits ainsi obtenus possèdent une teinte moins agréable que ceux réalisés avec la CAEB. Les échantillons exécutés avec diverses proportions de chaux blanche, de sable de Loire et d'arène, ne présentaient pas, après séchage, de différences notables entre eux. Nous avons donc retenu un mélange composé d'un tiers de chacun des trois éléments.

Pour terminer, en faisant appel à des notions de chimie, précisons que la chaux grasse durcit par absorption du gaz carbonique (CO2) que contient l'atmosphère, en faible quantité, pour reformer du carbonate de chaux, c'est-à-dire, en fait, de la pierre calcaire: Ca (OH) 2 + CO2 = CO3Ca + H20. Cette re carbonatation est lente, aussi faut-il plusieurs semaines pour que le mortier durcisse. Elle ne peut se produire qu'en présence d'air contenant le gaz carbonique. C'est pourquoi cette chaux est dite "aérienne" et qu'une forte aération est nécessaire pour renouveler le gaz carbonique absorbé. La prise ne peut pas se produire sous l'eau, contrairement aux produits appelés pour cette raison "chaux hydraulique" et aux ciments.