PROMETHEE

Le séjour

Plan du séjour

En 1991, les deux pièces au nord

Cloisonnement : les huisseries seront réemployées 13 ans plus tard 

Suppression du cloisonnement en brique en 1991

Plan du séjour : le nord se trouve en haut du plan.

Décloisonnement

Il n'y a pas de foyer sans feu, c'est pourquoi la cheminée prend ici la première place. Viennent ensuite le rejointoiement des murs et la pose de la tomette.

Cheminée en août 1991

Une nouvelle flamme

Alors qu'elle découvrait la ferme, Rose(1) me confia que le style de la cheminée qui se trouvait alors dans la partie habitation de la ferme la choquait.

Large d'un mètre, son manteau était réalisé en briques revêtues d'un enduit et l'ouverture de son âtre possédait un encadrement en bois.

Conçue comme si elle devait s'intégrer dans le décor d'un appartement, elle détonnait dans un intérieur rustique. Ce qu'il y avait d'inharmonieux dans cet aménagement, Rose l'avait perçu immédiatement.

Victimes de la vague de modernisme qui déferla après guerre sur l'habitat rural, la pièce d'habitation avait été divisée en trois et la traditionnelle cheminée bourguignonne avait disparu.

(1) Mère préférée de celui qui a commis ces pages.

 

Lors de l'acquisition de cette demeure, l'état des lieux, l'outrage que le temps lui avait infligé, l'ampleur des travaux à réaliser incitaient à limiter les transformations à effectuer. Conserver la cheminée en l'état, y installer un insert et l'incorporer dans la nouvelle architecture intérieure semblait s’imposer.

Cependant, la recherche d'un insert en conformité aussi bien avec les impératifs de performances qu'avec l'espace disponible pour le loger restait infructueuse. Peu à peu, il devenait évident que la production des calories nécessaires au chauffage de l'habitat ne pouvait être assurée que par un foyer dont les dimensions remettaient en cause la conservation de la cheminée existante.

Un beau jour d’octobre 1993, sa destruction nous révéla les vestiges des corbeaux de la cheminée primitive. Le conduit avait été réduit d'un mètre soixante cinq à un mètre de large.

Démolition en octobre 1993

Foyer turbo fonte en novembre 1995

Le mur auquel elle s'adossait révélait la présence de briques, présence également constatée dans la cuisine mitoyenne, au même endroit. Comme c'était là que se situait généralement l'ouverture du four à pain, celui-ci devait alors se trouver à la place de la cuisine, déduction que notre voisine nous confirma.

Une semaine plus tard, un foyer fermé de 18 kW occupait le centre de l'espace libéré, là où devait être édifiée une nouvelle cheminée. Mai 1996, il restait encore, au dessus du foyer fermé, un trou noir comme une tâche d’encre sur un cahier d’écolier. Ce vide sidéral me sidérait.

La cheminée n’étant pas un ridicule édicule(2), son érection dura quinze jours. Le plus important se passa sous le manteau : intérieur spacieux, doublure spéciale capsule spatiale. Une fois la mise à feu effectuée, la conquête de l’espace allait se poursuivre à l’étage (cf. le grenier).

(2) Petite construction placée sur la voie publique.

Back draft Retour de flamme

Depuis que, fortuitement ou inspiré des dieux, il fit jaillir une étincelle du choc de deux silex et parvint à enflammer une touffe de mousse sèche, l’homme ne s’est toujours pas remis de sa joyeuse surprise. Alors, dans le spectacle du feu et dans tout ce qui concourt à le générer, à l’orchestrer, le mettre en scène ou le contrarier, pourquoi ne pas y voir quelque chose de divin ?

Pourtant, cela n’a rien de sorcier vous dirait un véritable fumiste. Si nous avions coutume de dire : " On s’en fout, ce n’est pas chez nous " lors des travaux de démolition, ce n’était pas pour plaisanter mais pour conjurer le mauvais sort. Il ne faut pas jouer avec les amulettes et les paroles magiques pas plus qu’avec le feu, même si, par précaution, vous enflammez le calendrier des pompiers avec des allumettes de sûreté. Il ne s’agissait plus de se livrer à un joyeux massacre, mais de reconstruire. Alors, " il fallait que je fasse ça bien pour que nous ne soyons pas emm...", comme nous avions aussi coutume de dire.

Simulation de la cheminée en octobre 1996

Montage à blanc des blocs de béton cellulaire

Cheminée en août 1998

Donc, trois ans après la mise en service du super foyer turbo 18, j’eus avec ma mère préférée un tête-à-tête au coin du feu au cours duquel elle me donna son avis sur la simulation, in situ et grandeur nature, de la cheminée projetée. Homère,(3) je me sentais " heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage "(4).

Son appréciation me confortait dans mon for(t) intérieur et me réconfortait dans mon intérieur douillet. Nos points de vue convergeaient sur ce foyer et ce n’était pas un simple effet d’optique. Celui qui, l’instant d’avant, au bord du gouffre et le dos au mur, hésitait encore à franchir le pas, avait à présent le recul nécessaire pour s’élancer en avant. Il allait édifier cette cheminée tout en s’édifiant lui-même, s’élever au-dessus des contingences, prendre de la hauteur et mettre en perspective ce qui n’était alors qu’en trompe l’œil.

(3) - Cf. " Les portes du pénitencier ", chanson interprétée par Johnny Halliday : " Homère, ne laissez pas vos enfants traîner dans la rue... "

(4) - extrait d’une chanson de Brassens.

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Joindre l'utile à l'agréable

Les murs de la ferme ont été édifiés en moellons, c'est à dire en pierres de formes et de tailles irrégulières. Réalisés avec un mortier fait de chaux vive (ou chaux grasse, ou encore "chaux aérienne") et d'arène, sable grossier contenant un peu d'argile colorée, les joints réclamaient d'être refaits. A l'esthétique de murs en pierres appareillées, nous voulions adjoindre les qualités mécaniques d'un enduit à la chaux.

Le rejointoiement des murs de l'habitat a été effectué en cinq temps : le dégarnissage, le nettoyage, la pose du mortier, le grattage et le brossage. La première étape, qui consistait à piquer les joints anciens sur 2 à 3 cm de profondeurs, avait déjà été réalisée en grande partie les années précédentes.

Afin de favoriser l'accrochage du nouveau mortier, il était encore nécessaire d'enlever par endroit peinture, plâtre, béton ou ciment à la brosse ou au burin, puis de préparer l'encadrement des portes et des fenêtres.

Murs : joints dégarnis

Nous nous étions retrouvés au pied du mur ... à jointoyer et c'est là que l'on reconnaît le bon maçon. Le mauvais maçon prend du l'eau, du sable et du ciment et fait un beau gâchis. Le bon maçon prend du l'eau, du sable et du ciment et fait un beau gâchis. ... mais pas tout à fait seuls. Un, puis deux hommes du métier dirigèrent les opérations : préparation, pose du mortier, grattage et brossage des joints. Nous prîmes rapidement le tour de main sans toutefois rivaliser avec les professionnels. Trois jours durant, de 7h 30 à 12h et de 13h à 18h / 18h 30, sans interruption, nous avons soutenu le rythme.

Les joints dégarnis, une fois nettoyés, étaient humidifiés au pulvérisateur. Gâché assez serré, le mortier était ensuite déposé sur une taloche en petites quantités, puis projeté dans les joints et resserré à l'aide d'une truelle. Après quelques heures, l'excédent de matière était gratté avec le tranchant de la truelle afin que la surface des joints affleure celle de la pierre. Enfin, le parement de chaque moellon ainsi que les joints étaient brossés afin de rendre au sable et à l'arène leur texture et leur couleur.

Pour en savoir plus : la chaux aérienne éteinte

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Les tomettes à la provençale 

" Julien, je t’ai préparé des tomettes à la provençale, tu sais, avec de l’huile d’olive, de l’ail et du persil, comme tu les aimes. "
Ca fleure bon les tomates gorgées de soleil, la garrigue, le pastis et les carrelages anciens. Mais nous ne sommes pas au pays de Giono évoqué par les accents de cette drôle de cuisine. Les tomates ne sentent pas l’huile de lin et les carreaux ne sont pas glissants. Il ne s’agit donc pas d’une fâcheuse confusion entre les fiches de recettes culinaires et d’entretien des sols, mais d’un lapsus qui passera dans les annales pour un jeu de mots délicieusement mitonné.

Recette

Profiter des vents favorables pour lancer en l'air l'idée de carreler le sol de l'habitat avec des tomettes fraîchement cueillies dans les greniers. Réserver la pendant quelques années. Patienter jusqu'à sa pleine maturité. La ressortir alors de derrière les fagots.

Remuer doucement puis laisser décanter. Faire chauffer la colle. Quand la sauce a pris, c'est devenu une idée fixe. Bien emballer et garder au chaud.

Pas la peine de tourner autour du pot. Il faut découvrir l'artisan traiteur qui vous arrangera ça aux petits oignons. La pose, délicate, doit être exécutée de main de maître. Celui-ci une fois trouvé, passer commande pour dans six mois et mijoter pendant un an.

Ne plus y penser. Enfin, n'y penser que le moins souvent possible.

Dès les premiers beaux jours, entreprendre le lavage des tomettes.

Les passer au nettoyeur haute pression sous toutes les faces, pas trop fort pour ne pas détériorer la surface, mais assez pour enlever toute trace de mortier.

Trier selon le calibre, les petites d'un côté, les plus grandes de l'autre.

 Il y a forcément des déchets. Faire vos comptes. Avec des tomettes d’à peu près 16 x 16, il en faut environ 36 au mètre carré. Soit, pour une surface à couvrir estimée à 39 mètres carré, plus de 1400 tomettes.

Au bout du compte, les petites et les grandes ne représentent, au mieux, qu’un millier de tomettes utilisables.

L’idée fixe a tourné à l’obsession, l’ingrédient indispensable à la réussite de notre recette. Il est tout aussi nécessaire de garder espoir. Un découragement total qui conduirait à l’abandon de l’idée initiale serait fatal à l’obsession qu’elle a nourrie.

Renoncer à un carrelage ancien pour un revêtement de sol moderne eut été non seulement un petit peu trop facile mais encore peu glorieux.

Pose des tomettes

La conquête de l’espace


Cinq semaines avant la date fixée pour la mise à feu doux, l’artisan nous assure qu’il devrait pouvoir fournir les 400 carreaux de terre cuite manquants. Le compte à rebours a commencé.

La préparation se poursuit sans que l’huile de coude ne soit épargnée. Imbibé jusqu’au refus, le matériau poreux se nourrit et s’imprègne de notre sueur. Ravivées, ses couleurs revivent. Une véritable métempsycose s’est opérée.

Les préparatifs s’accélèrent à partir de J-3. " Three, Two, One, Zero, Ignition ". C’est parti.

Un formidable élan après une fantastique poussée. Nous sommes cloués au sol, puis soudain en apesanteur. L’inquiétude succède à l’émotion : les petites tomettes ne sont pas compatibles avec les grandes.

 

Il est trop tard pour annuler l’opération. Une correction de trajectoire, effectuée avant la mise en orbite, permet d’éviter de justesse la psychose.

Plus d’un millier de carreaux de terre cuite supplémentaires, qui doivent être mis en œuvre en premier, sont apportés d’urgence.

C’est reparti pour trois jours d’agitation sur l’aire de nettoyage. Dans le même espace temps, l’homme de l’art procède à la pose, rejetant de nombreux carreaux défectueux.

On ne peut pas vraiment dire que nous soyons vernis. Lessivés, nous ne sentons plus nos mains rongées par la soude. Caustique, le sol ingrat s’éloigne.

Peu à peu, nous nous arrachons à l’attraction terrestre pour suivre, à la traîne, une comète (Hale-Bopp) qui illumine nos nuits blanches.

Juillet 2007 : Ce lieu se trouve être beaucoup plus chaleureux et accueillant qu'il ne le parait ci-dessus. Aussi ai-je eu envie d'en partager cet autre aspect avec vous.

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