Le complexe de Prométhée
" Voici donc la véritable base du respect devant la flamme : si l’enfant approche sa main du feu, son père lui donne un coup de règle sur les doigts.
Le feu frappe sans avoir besoin de brûler. Que ce feu soit flamme ou chaleur, lampe ou fourneau, la vigilance des parents est la même.[...]
Au fur et mesure que l’enfant grandit, les interdictions se spiritualisent : le coup de règle est remplacé par la voix courroucée ; la voix courroucée par le récit du danger d’incendie, par les légendes sur le feu du ciel.[...]
L’enfant veut faire comme son père, loin de son père et de même qu'un petit Prométhée il dérobe des allumettes. Il court alors dans les champs et, au creux d'un ravin, aidé de ces compagnons, il fonde le foyer de l'école buissonnière.
L’enfant des villes ne connaît guère ce feu qui flambe entre deux pierres. [...] Il peut échapper à ce complexe de Prométhée dont j’ai souvent senti l’action. Seul ce complexe peut nous faire comprendre l’intérêt que rencontre toujours la légende, en soi bien pauvre, du père du Feu. [...]
Nous proposons donc de ranger sous le nom de complexe de Prométhée toutes les tendances qui nous poussent à savoir autant que nos père, autant que nos maîtres, plus que nos maîtres. "
Gaston Bachelard: la psychanalyse du feu