Le
grenier ou l’Odyssée de l’espace (Oh! dit, c’est de l’espace!)
Le cloisonnement n'a pas
encore été réalisé. Le papier de riz dont nous avons tapissé le rampant ne
nous convient pas. Il sera remplacé par un enduit ciré. Un second "Velux"
manque au dessus de l'ancienne ouverture transformée en fenêtre.
La conduite des travaux pour la création du plafond fut confiée au menuisier
qui avait créé l'étage, l'escalier et l'aménagement de la porte de la grange.
Trois poutres de chêne, de plus de cinq mètres de portée et de section de 15
sur 20 à 25 centimètres, furent mises en place et scellées.
Le menuisier réalisa, avec des lambourdes en du pin du nord,
des "cache moineaux" destinés àmaintenir les solives en place
sur les poutres tous
les 25 centimètres. Ce nom poétique vient du fait que, lors de la pose,
des morceaux de lambourde situés entre deux solives cassent parfois, ménageant
ainsi un espace pouvant abriter un nid.
Les solives de chêne brutes de sciage, récupérées à
partir du plancher du hangar, une fois poncées, trouvèrent alors une à une
leur emplacement sans qu'une bourde avec les lambourdes ne soit commise. Dommage
pour les oiseaux!
Sur ces solives étaient disposées autrefois des planches de
chêne. A défaut de pouvoir en récupérer, des dalles rainées, une fois
recouvertes de deux couches de peinture "coquille d'œuf", firent
merveille.
Alors que
la préoccupation de ceux qui bâtirent ces plafonds résidait dans les
qualités de robustesse et d'économie qu'offrait le chêne (la forêt en
produisait alors en abondance), le résultat n'en était pas moins esthétique.
Au plaisir
d'œuvrer, de manier l'outil et de manipuler la matière s'ajoutait celui de
contempler l'ouvrage accompli. Dernier plaisir et pas le moindre, ce plafond
devait abriter le sommeil des hôtes de ces lieux.
L’aménagement du séjour le consacrait désormais à la
vie diurne et aux veillées. Si nous ne voulions plus dormir sur le canapé devant la cheminée, nous devions réaliser
les chambres.
Animés par
le formidable espoir que cet objectif avait fait naître, nous nous étions
attelés à la tâche. Il fallait donner un bon coup de collier. Nous primes
donc le mors aux dents. Sans déchirement, je quittais ma chemise pour éviter
de la mouiller et retroussais mes manches.
Le résultat devait être à la hauteur, soit
un mètre trente cinq de voligeage habillant les murs. Matériau
destiné à supporter les tuiles romaines, la volige est une planche, d’environ
dix centimètres de large sur un d’épaisseur, réalisée en pin brut. Avant d'être
vernie, sa surface fut rabotée.
La pose effectuée en rangs superposés, le second masquant partiellement le
premier, près de 165 pièces de bois devaient être mises en œuvre, soit plus
de 22 m2 !
Une véritable petite maison abritait la voiture (cf. le hangar), tandis que
nous dormions, le comble !, dans le grenier en cours d’aménagement. La température
qui n’y était alors pas excessive procurait un bon sommeil. Ce n’était encore
qu'un espace sans cloisonnement et, du lit, nous profitions d’une vue unique sur l’intégralité du
plafond. Cette chambre méritait bien quelques étoiles de la voie lacté dont les fenêtres
de toit offrait le spectacle en nocturne.
Une chape de béton de finition mit le sol de niveau afin que le
cloisonnement ne manque pas d’aplomb. On se la coula douce à l’étage rendant
possible le transfert du séjour de nos nuits d’hivers du séjour, ainsi dit,
vers ... l’ancien grenier. Cette manœuvre permettait de marquer des points. Nous
obtenons non seulement l’avantage d’un point de vue élevé,
mais encore la qualification de " chambres " au lieu de
" grenier ".
En mars, cet "open space" fit l’objet d’une
nouvelle définition territoriale.
Les portes des futures chambres suggérèrent
d’abord le corridor alors que les frontières se dessinaient au sol. Il
est encore temps de les déplacer. Ce que nous n’hésitons pas une seconde à
faire, mais ce qui nécessitera pourtant quelques jours de pourparlers.
Le
mobilier sanitaire subit des déportations : la douche et le lavabo permutèrent
plusieurs fois. La salle d’eau n’eut alors plus de débouché sur le couloir.
Le territoire du nord en profita pour se l’annexer. Les WC firent alors
sécession et leur porte s’escamota dans une cloison. Un accord entra en
vigueur sur le champ derrière la maison et le couvre-feu fut appliqué après
le barbecue.
En avril, à
la suite du mouvement amorcé le mois précédent, les cloisons se dressèrent
comme les barricades.
Enduites,
elles furent cirées à l’ancienne. La chambre sud prit un ton ocre, alors que
celle du nord s’ensoleilla.
Une
penderie trouva suffisamment de place dans cette dernière pour s’y ranger,
impeccable. Le couloir et les toilettes se tapissèrent de jaune.
Ce n’était
pas le grand soir, mais un jour nouveau pour le grenier qui avait reçu un
autre éclairage, très basse tension.
Encore
quelques semaines et une petite révolution aurait eu lieu.
En mai, ce n’était pas " sous les pavés, la plage ", mais,
dans la chambre ocre et le couloir, le sol se couvrait de jonc de mer.
La frise décorant la faïence de la salle d’eau ainsi que les
rideaux de la chambre jaune s’ornaient de motifs marins.
Pour compléter le tableau, une marine précisément,
l’installation sanitaire était mise en eau.
Afin d’apporter un peu plus de clarté, une fenêtre de toit
supplémentaire s'ouvrit pour offrir une nouvelle perspective sur le verger, la
prairie et les bois.