Bulletin APMEP n° 413, corrigé en 2025
Le point de départ
de cet article est une erreur de mon fils qui était en cinquième.
Ayant oublié la formule de l'aire du disque, il avait fait le périmètre
fois p
... Comment lui expliquer qu'on peut en effet passer du périmètre
à l'aire, mais qu'il faut multiplier celui-ci non par p
mais par la moitié du rayon ?
I. BANDES COURBES OU
SERPENTINS
J'ai pour finir trouvé
ce que j'ai appelé la méthode du serpentin : on peut considérer
que le disque est une couronne circulaire dont le trou central est réduit
à zéro.
Or il est facile de
faire admettre à un enfant que l'aire d'une bande courbe de largeur
constante l et de longueur "au centre" L est égale,
comme pour un rectangle, à |
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J'ai pour finir trouvé
ce que j'ai appelé la méthode du serpentin : on peut considérer
que le disque est une couronne circulaire dont le trou central est réduit
à zéro. Or il est facile de faire admettre à un enfant
que l'aire d'une bande courbe de largeur constante l et de longueur
"au centre" L est égale, comme pour un rectangle, à .
Ici l = R et L = périmètre/2, donc l'aire
du disque est égale au demi-périmètre fois le rayon
ou encore au périmètre fois le demi-rayon.
Il me restait à démontrer correctement ces quelques affirmations et l'on va voir que cela n'est pas si simple...
Appelons serpentin (l, L) la trace dans le plan d'un segment [PQ] de longueur l dont le milieu N se déplace perpendiculairement à [PQ] suivant une courbe (C) de classe C2 et de longueur L.
Déterminons l'aire balayée par ce segment (qui ne sera l'aire du serpentin que si celui-ci ne se recoupe pas lui-même).
Pour cela paramétrons
la courbe par l'abscisse curviligne s. Un point M du serpentin
de coordonnées cartésiennes (x, y) est égal
à
où N(X(s),
Y(s)) appartient à
la courbe et
est le vecteur normal en N.
Il nous reste à
calculer le jacobien .
Le vecteur
a pour coordonnées
,
donc
donne :
,
d'où la matrice jacobienne :
et le jacobien
où
R est le rayon de courbure de la courbe en N. On
s'aperçoit que pour que le jacobien soit toujours positif il faut
que l/2 soit inférieur ou égal au minimum de |R|,
autrement dit, que le serpentin n'empiète pas sur la développée
de la courbe (C).
Dans ces conditions,
Voilà la propriété démontrée, mais nous avons dû mettre 2 bémols à la généralité (le serpentin ne doit pas se recouper et surtout ne pas empiéter sur la développée).
Ceci répond
à une propriété de l'aire d'une couronne qui m'intriguait
: une couronne circulaire de rayon central
R et de largeur 2 r
a une aire égale à 4pRr
;
faisons maintenant
tendre R vers 0.
Il semble naturel
de dire que la couronne "tend" vers le disque de rayon r, et pourtant
4pRr
tend
vers 0, quel est donc le problème ?
La réponse
est que la formule 4pRr
n'est valable que pour r £ R
(la développée d'un cercle, c'est son centre !) et que donc
on ne peut pas faire tendre R vers 0 à r fixé
!
En fait, si l'on veut
conserver la formule ,
il faut compter négativement l'aire de la partie du serpentin
qui se trouve de l'autre côté de la développée.
Il reste maintenant
un deuxième point à regarder. La longueur de la courbe centrale
(C) est-elle la longueur moyenne des courbes tracées par le segment
en mouvement ? (En d'autres termes, la longueur de la moyenne est-elle
la moyenne des longueurs ?)
La réponse
est oui. Appelons en effet
la longueur de la courbe
d'ordonnée
z dans le système de coordonnées
(s, z) ci-dessus (courbe qui est parallèle
à (C)). Nous allons montrer que
.
En effet, comme ,
où
est le vecteur tangent à (C) en N. Si bien que
(toujours dans le cas où |z | £
|R|) et l'on vérifie bien que
.
II. TUBES
Tout ceci ne vous donne-t-il pas envie de passer à l'espace ?
Les correspondants
3D du disque et de la couronne sont la sphère et le tore. Malheureusement,
si une couronne de trou nul est un disque, un tore de trou nul n'est pas
une sphère. Mais on peut tout de même généraliser
les serpentins...
Appelons tube((D),
L)
la trace dans l'espace d'un domaine plan (D) d’aire S dont le centre
de gravité
G se déplace perpendiculairement à
ce plan suivant une courbe (C) de classe C2
et de longueur L. On suppose de plus que le domaine (D) est fixe
dans le repère de Frénet. Le volume de ce tube est-il égal
à
comme on pourrait l'espérer ?
Pour cela paramétrons
comme plus haut la courbe par l'abscisse curviligne s . Un point
M
du tube de coordonnées cartésiennes (x,
y, z)
est égal à
où N(X(s), Y(s), Z(s)) appartient
à la courbe,
est
le vecteur normal en N et
le vecteur binormal.
On ne confondra pas
le vecteur tangent avec
le paramètre t...
Dans ces conditions,
le volume balayé est égal à .
Il nous reste à
calculer le jacobien
qui se calcule facilement si on le met sous la forme du produit mixte :
.
En effet, en utilisant les formules de Frénet :
,
où R et T sont les rayons de courbure et de torsion,
on obtient :
D’où, en utilisant les propriétés du déterminant :
Formule similaire à
celle du cas plan, qui ne fait pas intervenir la torsion.
De la même façon,
pour que le jacobien soit toujours positif il faut que t soit constamment
inférieur ou égal à |R|, ce qui restreint D
dans la direction de .
Dans ces conditions,
comme nous l’attendions.
(En effet
puisque N est au centre de gravité).
Autrement dit, si l’on courbe un tube (mais pas trop) , son volume ne change pas.
Remarquons que ce théorème
généralise celui de Guldin, qui concerne le cas particulier
où la courbe (C) est un cercle. On en déduit classiquement
le volume du tore : où
R est le rayon de révolution.
Ici aussi, je m’étais
aussi demandé pourquoi lorsque l’on fait tendre R vers 0
à
r constant, V tend vers 0 alors que j’aurais plutôt
attendu le fameux
de la sphère (ce qui aurait été un joli moyen d’avoir
le volume de la sphère à partir de tubes) ! De nouveau, la
raison en est que la partie qui dépasse l’axe de révolution
est comptée négativement.
Pour le plaisir, j’ai
calculé le volume réel d’un tore croisé (0 < R
< r) et j’ai trouvé la magnifique formule :
où
dont vous vérifierez qu’elle tend bien vers
quand R tend vers 0 !
Un tube très simple qui ne soit pas de révolution est celui dont la courbe centrale est une hélice circulaire. Je l’ai dénommé "tube hélicoïdal à section circulaire" ou plus simplement "torsade", mais je ne connais pas le nom officiel de cette surface et ne l’ai jamais vue étudiée nulle part (avis de recherche !) .
En tout cas, si les
équations de l’hélice sont ,
le rayon de courbure est constant
et une spire de ce tube de rayon
a pour volume, en utilisant la formule ci-dessus :
.
Il resterait maintenant à déterminer l’aire latérale d’un tube : je laisse ce plaisir au lecteur, ainsi que celui d’examiner le cas où le tube aurait une torsion sur lui même. En voici un exemple à section carrée :