ROBERT FERREOL, ferreol@mathcurve.com
Le point de départ de cet
article est une erreur de mon fils qui était en cinquième.
Ayant oublié la formule de l'aire du disque, il avait fait le périmètre
fois p
... Comment lui expliquer qu'on peut en effet passer du périmètre
à l'aire, mais qu'il faut multiplier celui-ci non par p
mais par la moitié du rayon ?
I. BANDES COURBES OU SERPENTINS
J'ai pour finir trouvé ce que j'ai appelé la méthode du serpentin : on peut considérer que le disque est une couronne circulaire dont le trou central est réduit à zéro. Or il est facile de faire admettre à un enfant que l'aire d'une bande courbe de largeur constante l et de longueur "au centre" L est égale, comme pour un rectangle, à . Ici l = R et L = périmètre/2, donc l'aire du disque est égale au demi-périmètre fois le rayon ou encore au périmètre fois le demi-rayon.
Il me restait à démontrer correctement ces quelques affirmations et l'on va voir que cela n'est pas si simple...
Appelons serpentin (l ,L) la trace dans le plan d'un segment [PQ] de longueur l dont le milieu N se déplace perpendiculairement à [PQ] suivant une courbe (C) de classe C2 et de longueur L.
Déterminons l'aire balayée par ce segment (qui ne sera l'aire du serpentin que si celui-ci ne se recoupe pas lui-même).
Pour cela paramétrons la courbe par l'abscisse curviligne s . Un point M du serpentin de coordonnées cartésiennes (x,y) est égal à où N(X(s), Y(s)) appartient à la courbe et est le vecteur normal en N.
Il nous reste à calculer le jacobien .
Le vecteur a pour coordonnées , donc donne : , d'où la matrice jacobienne : et le jacobien où R est le rayon de courbure de la courbe en N. On s'aperçoit que pour que le jacobien soit toujours positif il faut que l/2 soit inférieur ou égal au minimum de |R|, autrement dit, que le serpentin n'empiète pas sur la développée de la courbe (C).
Dans ces conditions,
.
Voilà la propriété démontrée, mais nous avons du mettre 2 bémols à la généralité (le serpentin ne doit pas se recouper et surtout ne pas empiéter sur la développée).
Ceci répond à une propriété
de l'aire d'une couronne qui m'intriguait : une couronne de rayon central
R
et de largeur 2 r a une aire égale à 4pRr
; faisons tendre R vers 0.
Il me semble que la couronne "tend" vers le disque de rayon r, et pourtant 2pRr tend vers 0 !? La réponse est que la formule 2p Rr n'est valable que pour r £R (la développée d'un cercle, c'est son centre !).
En fait, si l'on veut conserver la
formule , il faut compter
négativement l'aire de la partie du serpentin qui se trouve de l'autre
côté de la développée.
Il reste maintenant un deuxième
point à regarder. La longueur de la courbe centrale (C) est-elle
bien la longueur moyenne ? (En d'autres termes, la longueur de la moyenne
est-elle la moyenne des longueurs ?) La réponse est oui. Appelons
en effet la longueur de
la courbe d'ordonnée
z
dans le système de coordonnées (s,z) ci-dessus
(courbe qui est parallèle à (C)). Nous allons montrer
que .
En effet, comme ,
où est le vecteur
tangent à (C) en N. Si bien que
(toujours dans le cas où |z |£
|R|) et l'on vérifie bien que .
II. TUBES
Tout ceci ne vous donne-t-il pas envie de passer à l'espace ?
Les correspondants 3D du disque et
de la couronne sont la sphère et le tore. Malheureusement, si une
couronne de trou nul est un disque, un tore de trou nul n'est pas une sphère.
Mais on peut tout de même généraliser les serpentins...
Appelons tube ((D),L) la trace
dans l'espace d'un domaine plan D d’aire S dont le centre de gravité
G
se déplace perpendiculairement à ce plan suivant une courbe
(C) de classe C2 et de longueur L. On suppose de plus que le domaine
D est fixe dans le repère de Frénet (autrement dit, il n'y
a pas de torsion). Le volume de ce tube est-il égal à
comme on pourrait l'espérer ?
Pour cela paramétrons comme plus haut la courbe par l'abscisse curviligne s . Un point M du serpentin de coordonnées cartésiennes (x, y, z) est égal à où N(X(s), Y(s), Z(s)) appartient à la courbe, est le vecteur normal en N et le vecteur binormal.
On ne confondra pas le vecteur tangent avec le paramètre t...
Dans ces conditions, le volume balayé est égal à .
Il nous reste à calculer le jacobien qui se calcule facilement si on le met sous la forme du produit mixte : (merci à M. Dallard du lycée Pasteur pour cette remarque). En effet, en utilisant les formules de Frénet : , où R et T sont les rayons de courbure et de torsion, on obtient :
D’où, en utilisant les propriétés du déterminant :
Formule similaire à celle
du cas plan, qui ne fait pas intervenir la torsion.
De la même façon, pour
que le jacobien soit toujours positif il faut que t soit constamment
inférieur ou égal à |R|, ce qui restreint D
dans la direction de .
Dans ces conditions,
comme nous l’attendions.
(En effet
puisque N est au centre de gravité).
Autrement dit , si l’on courbe un tube (mais pas trop) , son volume ne change pas.
Remarquons que ce théorème
généralise celui de Guldin, qui concerne le cas particulier
où la courbe (C) est un cercle. On en déduit classiquement
le volume du tore : où
R est le rayon de révolution.
Ici aussi, je m’étais aussi
demandé pourquoi lorsque l’on fait tendre R vers 0 à
r
constant, V tend vers 0 alors que j’aurais plutôt attendu le fameux
de la sphère (ce qui aurait été un joli moyen d’avoir
le volume de la sphère à partir de tubes) ! De nouveau, la
raison en est que la partie qui dépasse l’axe de révolution
est comptée négativement.
Pour le plaisir, j’ai calculé
le volume réel d’un tore croisé (0 < R < r) et j’ai
trouvé la magnifique formule :
où
dont vous vérifierez qu’elle tend bien vers
quand R tend vers 0 !
Un tube très simple qui ne soit pas de révolution est celui dont la courbe centrale est une hélice circulaire. Je l’ai dénommé "tube hélicoïdal à section circulaire" ou plus simplement "torsade", mais je ne connais pas le nom officiel de cette surface et ne l’ai jamais vue étudiée nulle part (avis de recherche !) .
En tout cas, si les équations
de l’hélice sont ,
le rayon de courbure est constant
et une spire de ce tube de rayon
a pour volume, en utilisant la formule ci-dessus : .
Il resterait maintenant à déterminer l’aire latérale d’un tube : je laisse ce plaisir au lecteur, ainsi que celui d’examiner le cas où le tube aurait une torsion sur lui même. En voici un exemple à section carrée :