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ORIGINES DE CERTAINS TERMES, NOTATIONS ET SYMBOLES MATHÉMATIQUES
Avertissement : la plupart des explications avancées
ici, bien qu’issues des sources citées en bibliographie, ne sont
que des hypothèses, parfois transmises comme des légendes
de livre en livre. Si vous pouvez me contredire avec certitude, envoyez-moi
un mail (mathcurves@gmail.com).
LEXIQUE (utiliser rechercher dans la page, Ctrl F) :
abscisse / affine / algèbre / algorithme / anneau / appartenance
/ alterné (groupe) / arithmétique / arobase
C / cavalière (perspective) / corollaire / corps
e / ecart-type / égale / ellipse / ensemble / ensemble vide
/ entière (série, fonction) / équilatéral /
factorielle /
gamma (fonction) / géométrique / grand O / groupe
harmonique / homographique / huitante / hyperbole / hypergéométrique
/ inclusion / infini / intégral / intégration par parties
/ isocèle
ker / logarithme / mathématique / modulo / N / nabla / nombre
d'or / nonante / normal / noyau / numérateur / ordinateur / ordonnée
/ orthogonal
parabole / parallélépipède / parallélogramme
/ petit o / pgcd / ppcm / pi / pourcentage
Q / quantificateur / R / radian / radical / rationnel / régression
/sens trigonométrique / septante / sinus / symétrique (groupe)
/ théorème / Z
1) Des mots bizarres
Pourquoi des « mathématiques » ?
Le mot « mathématique » comme aussi celui
de « philosophie » serait dû à Pythagore. Il provient
du grec mathêma qui veut dire « science »
dans l’optique de l’époque, c’est-à-dire « toute la
connaissance ».
Mathêmatika en grec comme
mathematica
en latin sont des pluriels, c’est pourquoi on dit
des mathématiques.
Certains essaient de parler de
la mathématique, pour montrer
son unité, mais cela ne prend pas. Notons qu’en anglais on dit mathematics
avec un s, mais que c’est un mot singulier…
Théorème est-il apparenté à théologie
?
Non, il est plutôt apparenté à «
théâtre ». La première syllabe ne vient pas de
theos
« dieu », mais de thea « spectacle
». Comme le mot « théorie », le mot « théorème
» a été construit à partir du verbe grec
theorein
signifiant « observer ».
Corollaire est-il apparenté à corolle ?
Oui ; ces deux mots vienne du latin corolla qui signifiait
« petite couronne » ; l’on donnait en effet une petite couronne
de lauriers aux acteurs comme gratification. Un corollaire est donc un
cadeau donné en plus par le théorème !
Pourquoi des nombres « rationnels » ?
Les nombres rationnels ne sont pas dénommés
ainsi parce qu’ils seraient plus rationnels que les autres, comme je l’ai
longtemps cru. L’étymologie latine ratio n’est pas ici à
prendre dans le sens de raison mais dans celui de rapport, quotient (cf.
le mot français « ratio ») : les nombres rationnels
sont les nombres quotients de deux entiers. C’est l’écrivain latin
Cassiodore (498 – 575) qui aurait utilisé cette dénomination
pour la première fois.
L’expression « entier rationnel », pour entier
relatif peut alors paraître bizarre, mais elle est à prendre
dans le sens : « élément entier de l’anneau des rationnels
». De même, « fraction rationnelle », qui peut
apparaître pléonastique, est apparu après « fonction
rationnelle », ratio de deux polynômes.
Pourquoi un numérateur et un dénominateur ?
Le dénominateur dénomme, donne son nom
à la fraction. Le numérateur, lui, indique le nombre
de parties définies par le dénominateur.
Y a-t-il un rapport entre la fonction sinus et les sinus du front ?
Oui et non ; le mot « sinus » est un mot latin
signifiant « courbe, pli, cavité ». Il a donné
en français les mots « sein » (d’ailleurs, en italien,
le sinus mathématique se dit seno, qui signifie aussi «
sein ») et « sinueux ». Mais si les sinus du front forment
bien des cavités, l’interprétation selon laquelle le sinus
mathématique s’appellerait ainsi car une sinusoïde est sinueuse
est un contresens, car la notion de représentation d’une fonction
est bien plus récente que celle de sinus !
Voici l’histoire probable du mot « sinus »,
qui vient d’une erreur de traduction.
Premier temps : le mathématicien indien Âryabhata
(VIe siècle) utilise le mot jîva qui signifie
corde.
Deuxième temps : le mathématicien arabe
Al-Fazzârî (VIIIe siècle) arabise ce mot
en jîba, mot n’ayant pas de signification en arabe.
Troisième temps : Gérard de Crémone
(XIIe siècle) confond jîba avec jaîb,
d’autant plus facilement qu’en arabe, les voyelles sont parfois omises
; or jaîb signifie « poche, cavité » et
il le traduit naturellement en latin par sinus...
Quant au cosinus, c’est tout simplement le sinus du complémentaire
(de l’angle) ; « co- » vient du latin cum, qui signifie
« avec ».
La tangente, elle, vient de ce qu’elle mesure une portion
d’une tangente au cercle trigonométrique ; et la cotangente est
aussi la tangente du complémentaire.
Pourquoi des « logarithmes » ?
Le terme a été créé en 1614 par
le mathématicien écossais John Napier (francisé en
Néper), à partir des mots grecs logos pouvant signifier
« rapport » et
arithmos « nombre ».
Pour comprendre cette étymologie, il faut savoir que Néper
définit le logarithme comme le rapport de la distance à parcourir
de deux mobiles, l’un se déplaçant à vitesse constante
et l’autre à vitesse proportionnelle à la distance restant
à parcourir. Le logarithme est alors le rapport de deux nombres.
D’où vient le mot « algorithme » ?
Malgré son petit air grec, ce mot, comme beaucoup
commençant par
al (comme « alcool »), vient de
l’arabe. Al-Khwarizmi est le surnom du mathématicien Abu Ja’far
Mohammed Ben Musa (c. 780 – c. 850), originaire de la région du
Khwarazm (actuellement Khiva en Ouzbékistan), d’où son surnom.
L’un de ses livres d’arithmétique a été traduit en
latin sous le nom de liber algorismi (« livre d’Al-Khwarizmi
»). Du coup, on a désigné par
algorismus le
système de numération décimal (première datation
en 1220), puis c’est devenu en français « algorithme »
avec un sens plus général, par l’influence du mot
arithmos
(« nombre » en grec) et de « logarithme » qui en
est une anagramme.
Et le mot « algèbre » ?
Encore un mot d’origine arabe, commençant par al
(« le » en arabe). Il provient de la première partie
du titre d’un livre du mathématicien Al-Khwarizmi, dont nous venons
de parler : Al jabr w’al muqabalah, signifiant « la remise
en place et la simplification ». La remise en place en question est
le passage des éléments négatifs d’une équation
de l’autre côté du signe égal pour les rendre positifs
: voilà le point de départ de l’algèbre. Vous pourrez
d’ailleurs voir dans un dictionnaire espagnol que algebrista ne
signifie pas « algébriste », mais « rebouteux
» : en effet, celui-ci remet en place les membres luxés
!
Pourquoi une « abscisse », une « ordonnée »
?
Ces deux noms sont des adjectifs substantivés, abréviation
de « ligne abscisse (c’est-à-dire « coupée »,
cf. « scission ») et lignes ordonnées ». Historiquement,
l’ordonnée est apparue avant l’abscisse ; étant donnée
une courbe décrite par un point M et une droite (D), les ordonnées
étaient les segments [MP] où P est le projeté de M
sur (D) ; ces segments étant disposés régulièrement,
de façon ordonnée (= ordinatim en latin), ont été
appelés
ordinatim applicatae en latin, puis ordonnées
en français.
Étant donné un point O sur D, les abscisses
étaient les segments [OP], qui sont bien des « lignes coupées
». |
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Le mot « ordonnée » serait apparu en
premier sous la plume de Pascal en 1658 et le mot « abscisse »
(sous sa forme latine abscissa) en 1692 dans un texte de Leibniz.
Notons que Descartes n’a jamais utilisé aucun de
ces deux termes !
Ce serait Euler (1707 – 1783) qui aurait le premier détecté
la symétrie existant entre les notions d’abscisse et d’ordonnée.
D’où vient le mot « radian » ?
Du latin radius, qui signifie rayon (cf. «
radial »). Mais pourquoi rayon ? Car un angle d’un radian intercepte
un arc de cercle dont la longueur est égale au rayon du cercle !
Le terme a été employé pour la première
fois par Thomson en 1873. |
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Que sont ces « cèle », « pipède »
et « gramme » dans isocèle, parallélépipède,
et parallélogramme ?
« Cèle » vient du grec skelos
« jambe » : un triangle isocèle a deux jambes égales
! (Et un triangle équilatéral a ses « côtés
» égaux, car latéral vient de latus «
côté ») ;
« pipède » vient du grec epipedos
« plan » : un parallélépipède est formé
de plans parallèles ;
« gramme » vient du grec gramma «
lettre, ligne » (cf. un « épigramme »).
D'où vient l'expression « modulo n
»
?
Modulo est l'ablatif du mot latin modulus signifiant mesure
; modulo n signifie donc "à la mesure de n". L'expression
a été introduite par Gauss en 1801.
Pourquoi les coniques s’appellent-elles ellipse, parabole
et hyperbole ?
Les mots « ellipse, hyperbole et parabole » ont
été transcrits par Johannes Kepler (1571-1630) des mots grecs
elleipsis,
huperbolê
et parabolê, noms qui avaient été donnés
par Aristée (IVe siècle avant J.C.) et popularisés
par Apollonius de Perge (env. 262 – 190 av. J.C.).
Le mot grec elleipsis a été créé
à partir du verbe
elleipein qui signifie « manquer
» (« éclipse » a la même origine), tandis
que
huperbolê et parabolê sont des mots grecs
existant signifiant l’un « excès » et l’autre «
ressemblance » ou « juste adéquation ». Le suffixe
bolê
vient du verbe ballein signifiant « lancer », (cf. le
« discobole » et la « balistique »). Remarquons
que pour une parfaite symétrie, Aristée aurait pu créer
« hypobole » pour ellipse !
Les trois mots « ellipse », « parabole
» et « hyperbole » représentent aussi des figures
de rhétorique, en bonne adéquation avec leur étymologie
: une ellipse est une formule raccourcie (comme « chacun son tour
» à la place de « chacun doit attendre son tour »),
une parabole est un récit allégorique, une hyperbole est
une formule exagérée (comme « mourir de rire »).
En mathématiques, une ellipse manque aussi de quelque
chose, une hyperbole présente un excès, mais de quoi ? C’est
là que les réponses divergent...
Pour le dictionnaire historique de la langue française,
une ellipse manque... de perfection par rapport à un cercle. Bien
que plausible, cette interprétation tue la symétrie ellipse
– hyperbole, autour de la parabole.
On peut aussi penser que la raison vient de ce que sur
une ellipse la distance au foyer est plus petite que la distance à
la directrice (excentricité e < 1) , sur une parabole,
elle est égale (e = 1) et sur une hyperbole, elle est supérieure
(e > 1), mais c’est un contresens car les Grecs ne connaissaient
pas la définition à partir des foyers et des directrices.
Plus sûre est l’interprétation suivante,
car pour les Grecs, les coniques sont des sections de cône. On considère
la section d’un cône par un plan perpendiculaire à une génératrice
:
c’est une ellipse si l’angle d’ouverture du cône
est aigu (déficit par rapport à l’angle droit).
c’est une hyperbole si l’angle d’ouverture du cône
est obtus (excès par rapport à l’angle droit).
c’est une parabole si l’angle d’ouverture du cône
est droit (juste adéquation).
Une deuxième explication peut provenir du fait que,
en écriture moderne, l’équation générale réduite
d’une conique est ,
l’ellipse, la parabole et l’hyperbole étant obtenues pour respectivement
(en fait ).
On lit sur cette équation que l’aire du carré
construit sur l’ordonnée est égale à l’aire du rectangle
défini par l’abscisse et la corde passant par le sommet, aire à
laquelle il faut retirer ou ajouter une certaine aire suivant que
l’on a une ellipse ou une hyperbole, l’égalité avant lieu
pour la parabole ; ceci se trouve dans le livre d’Apollonius sur les coniques.
Lorsqu’on applique le carré y² sur
le rectangle 2px, le carré est en défaut dans le cas
de l’ellipse (c’est le sens du terme grec ellipse), en excès
dans le cas de l’hyperbole (c’est le sens du terme grec
hyperbole),
le terme parabole signifiant l’égalité des aires.
Pourquoi des progressions, suites et moyennes
arithmétiques,
géométriques
et
harmoniques ?
Rappelons que des nombres sont en progression arithmétique
si la
différence de deux termes consécutifs est constante
(comme 8, 12, 16, 20), en progression géométrique si le rapport
de deux termes consécutifs est constant (comme 8, 12, 18, 27) et
en progression harmonique si les inverses sont en progression arithmétique
(comme 3, 4, 6, 12) ; dès lors, une suite est arithmétique,
géométrique, harmonique si ses termes sont en progression
arithmétique, géométrique, harmonique et c
est la moyenne arithmétique, géométrique, harmonique
de a et
b si les nombres a, c, b sont
en progression arithmétique, géométrique, harmonique.
Ces qualificatifs « arithmétique, géométrique,
harmonique » sont très anciens : ils sont dus aux pythagoriciens,
au sixième siècle avant Jésus-Christ.
L’expression « arithmétique » est probablement
due au fait que les entiers naturels 1, 2, 3, 4, (arithmos
en grec) forment la plus simple des suites arithmétiques.
L’expression « géométrique »
provient plutôt de la moyenne géométrique dont
la définition naturelle est de nature géométrique
: la moyenne géométrique de a et b, est le
côté c du carré qui a même aire que le
rectangle de côtés a et
b. Et ce nombre s'obtient
par une construction à la règle et au compas très
simple :
L’expression « harmonique » est probablement
à rattacher à la suite des inverses des naturels qui est
la plus simple des suites harmoniques. Cette suite (1/n) s’introduit
naturellement en musique : si une corde de longueur l vibre à
une fréquence f, une corde (de même masse linéique
et de même tension) de longueur
l/2,
l/3,
l/4...
vibrera aux fréquences 2f, 3f, 4f... qui sont
les « harmoniques » de f.
Autre possibilité, proposée par CATALAN
: l'accord parfait majeur, considéré comme base de l'harmonie,
do - mi - sol - do, correspond aux fréquences 1 - 5/4 - 3/2 - 2
. Or 3/2 est la moyenne arithmétique de 1 et 2, et 5/4, celle
de 1 et 3/2 ; cela correspond à des longeurs de cordes égales
à l , 4l/5, 2l/3 et l/2 : pour
un musicien sol est donc la moyenne harmonique de do et do, et mi,
celle de do et sol...
On peut ajouter que si le terme « raison »
(du latin
ratio, « rapport ») se justifie bien dans
le cas des suites géométriques, où il désigne
le rapport constant d’un terme au précédent, ce n’est
pas le cas – sinon par analogie – pour une suite arithmétique, où
il désigne la différence constante entre un terme
et le précédent.
Pourquoi le calcul « intégral » ?
Ce terme provient du latin integer « entier,
total », probablement car une intégrale est le rassemblement
(l’intégration !) d’une infinité de termes infinitésimaux
en un tout. Le terme est du mathématicien suisse Jacques Bernoulli
en 1696 ; Leibniz aurait préféré au départ
le terme calcul « sommatoire » mais a été convaincu
par Jean Bernoulli, frère de Jacques ; en échange, le signe
d’intégration est issu de la lettre S, et non de la lettre
I...
Pourquoi
est-elle une intégration « par parties » ?
Je ne sais pas... Peut être parce qu’on n’intègre
qu’« en partie » , ou que l’intégrale est séparée
en deux parties ?
Pourquoi une fonction « homographique » ?
Je ne dois pas être le seul à avoir longtemps
pensé que les fonctions homographiques
s’appellent ainsi car elles ont toutes des graphiques semblables (une hyperbole
d’asymptotes parallèles aux axes). En fait leur nom provient de
ce que les transformations du même type de C
dans C :
transforment les figures du plan en des figures
similaires (elles
transforment des cercles ou droites en des cercles ou droites). Le terme
est du à Michel Chasles (1793-1880).
Porquoi des séries « entières » ?
Ce qui est entier dans une série entière ,
ce sont les exposants n ; l'expression : "série de puissances
entières positives" s'est bizarrement abrégée en "série
entière" en France, et "série de puissances" en anglais,
en allemand, en espagnol et en italien (power series, Potenzreihe, serie
de potencias, serie di potenze). Quant aux fonctions entières, elles
sont ainsi nommées car elles sont holomorphes dans le plan tout
entier.
Pourquoi parle-t-on de loi « hypergéométrique »
?
La loi hypergéométrique est la loi du
nombre
B de boules blanches dans un tirage sans remise de r
boules parmi
p boules blanches et q = n - p boules
noires. Elle est définie par
; alors pourquoi est-elle hypergéométrique ?
Parce que sa série génératrice E(xB)
est un cas particulier de série hypergéométrique.
Et pourquoi les séries hypergéométriques
s'appellent-t-elle ainsi ?
Car elles généralisent la série géométrique ;
c'est le mathématicien Pfaff, maître et ami de Gauss, qui
a introduit ce terme.
Détails techniques : une série entière
est dite hypergéométrique si
est une fraction rationnelle en n.
Avec les notations de Maple,
où (a)n
est la factorielle montante .
La série géométrique
est alors hypergeom( [1], [ ], x ), et la fonction génératrice
de la loi hypergéométrique est .
Pourquoi normal veut-il dire (parfois) orthogonal ?
Parce que ce mot vient du latin normalis signifiant
équerre. C’est donc le sens premier de ce mot. Le mot « normé
» vient de « norme » ayant pris le sens de « canon,
modèle ». C’est pourquoi il vaut mieux parler de base orthonormée
que de base
orthonormale !
Pourquoi un écart-type ?
Le terme est une traduction de l’anglais standard deviation,
introduit par l’Anglais Karl Pearson en 1893.
Pourquoi une droite de régression ?
L'expression est dûe à F. Galton en 1885.
Dans son ouvrage "Regression towards mediocrity in hereditary stature",
son étude statistique montrait que des parents de taille fortement
diférente avaient des enfants dont la taille tendait à régresser
vers la moyenne. Et il désigne par droite de régression
la
droite décrivant la relation entre la taille des parents et celle
des enfants.
Pourquoi des perspectives cavalières ?
Une perspective cavalière est une perspective où
les parallèles restent parallèles (contrairement à
une perspective conique où les droites parallèles deviennent
en général concourantes) ; elle est obtenue théoriquement
pour un observateur situé à l’infini. Une origine possible
de l’expression « perspective cavalière » est qu’un
cavalier regardant du haut de son cheval un objet à terre le voit
quasiment en perspective cavalière. Le terme datant du XVIe
siècle où il était utilisé en architecture
militaire, une autre interprétation proviendrait du fait qu’un cavalier
est, en matière de fortification, un haut monticule de terre. La
vue cavalière est alors la vue qu’a sur la campagne, un observateur
situé sur le haut du cavalier ; la perspective cavalière
serait donc le procédé utilisé par le dessinateur
de fortifications pour rendre la vue cavalière.
Par contre l’interprétation disant que l’expression
viendrait du mathématicien Cavalieri est fantaisiste.
Pourquoi dit-on un PGCD et non un PGDC (plus grand diviseur commun), un
PPCM et non un PPMC (plus petit multiple commun) ?
Réponse plausible non vérifiée : l'adjectif
"commun" se plaçait autrefois avant le nom, comme en témoigne
l'expression : aucune commune mesure. On peut aussi remarquer que ppcm
est plus facile à prononcer que ppmc..
Pourquoi un espace « affine » ?
Le terme vient d’affinité, introduit par Léonard
Euler en 1748, qui remarque (en français dans le texte) que deux
courbes obtenues l’une de l’autre en changeant l’échelle des abscisses
ne sont pas semblables, mais qu’elles ont quand même une certaine
« affinité ». Mais nous ne savons pas qui a introduit
l’utilisation de l’adjectif « affine ». Peut-être est-ce
à cause d’un détour par l’anglais que ce mot qui devrait
être « affin » au masculin est devenu affine ?
Pourquoi des ensembles, des groupes, des anneaux, des corps ?
« Ensemble », « groupe » et «
corps » ont le sens de « regroupement d’individus »,
avec une cohésion croissante (pour « corps », penser
à « corps de métier, corps diplomatique »). Seul
anneau semble faire exception, mais ce mot est traduit de l’allemand Ring
qui signifie aussi dans cette langue « cercle » (comme dans
« cercle philatélique »). Notons que si les ensembles
s’appellent généralement E, les groupes G,
et les anneaux A, les corps sont désignés par K,
car corps se dit en allemand Körper. Dans un texte anglais,
ils seront désigné par F, car corps se dit
field
(= « champ »). Le mot « ensemble » est probablement
dû à l’Allemand Georg Cantor en 1883 (sous sa forme allemande
de Menge qui signifie aussi « foule »), le mot «
groupe » au Français Évariste Galois en 1830, les mots
« anneau » et « corps » (sous la forme Ring
et
Körper) à l’Allemand Richard Dedekind en 1871 dans
son livre : Lehrbuch des Algebra.
Pourquoi les groupes symétrique et alterné
s'appellent-ils ainsi ?
Le groupe symétrique associé à n
objets x1, ..., xn
est le groupe de leurs permutations, et le groupe alterné en est
le sous-groupe formé des permutations paires. Une fonction symétrique
de ces n objets est par définition invariante lorsqu'on permute
deux de ces objets, et donc aussi par toutes les permutations du groupe
symétrique ; une fonction alternée est par contre
une fonction qui change de signe quand on permute deux objets : le groupe
des permutations laissant invariantes les fonctions alternées est
donc le groupe des permutations paires.
Le groupe symétrique est associé aux fonctions
symétriques, le groupe alterné aux fonctions alternées
: voilà l'explication.
Septante, huitante (ou octante) et nonante.
Ce sont nos soixante-dix, quatre-vingts et quatre-vingt-dix
pour les Suisses et les Belges, issus des mots latins
septuaginta,
octoginta,
nonaginta.
Grevisse (Le bon usage, p. 926) dit que Vaugelas
a condamné septante et nonante comme des archaïsmes, mais en
fait il semblerait que ce soit plutôt le contraire !
Une hypothèse non vérifiée est que
soixante-dix, quatre-vingts et quatre-vingt-dix sont justement des archaïsmes
issus du gaulois, langue celte, comme le breton. Le système vigésimal
est en effet net en breton où 20 se dit ugent, 40 daou-ugent,
60 tri-ugent, 70 dek ha tri-ugent (c’est-à dire 10
plus 3 fois 20) etc. Et ceci proviendrait de langues pré-indo-européennes
utilisant un système vigésimal (c’est-à dire de base
20). par exemple, en basque, 20 se dit hogei, 30 hogeitabat
(20 + 10), 40 berrogei (2 fois 20), 60 hirurogei (3 fois
20) etc. En Europe, on trouve encore le danois où 50 se dit halvtredsce
qui signifie (3-½)*20, 60 : tres = 3*20, 70 halvfjerds
= (4-½)*20, 80 : firs = 4*20 et 90 : halvfems = (5-½)*20.
On trouve aussi une trace de base 20 dans le nom du très célèbre
hospice des « Quinze-Vingts » datant de 1254, ainsi nommé
pour loger 300 vétérans aveugles.
Et c’est l’hégémonie francilienne qui a
imposé récemment ces archaïsmes à toute la France
(on disait encore septante et nonante il y a cinquante ans dans le sud
et le sud-est). Les Suisses et les Belges (dont les dialectes ne connaissent
pas la base 20) ont résisté !
Notons que si la plupart des peuples comptent en base
10, c’est à cause de nos 10 doigts ; ceux qui comptent en base 20
ont aussi inclus les orteils…
Sur le sujet, voir deux pages bien plus détaillées
:
monsu.desiderio.free.fr/curiosites/vingt.html
et monsu.desiderio.free.fr/curiosites/septante.html
et cette vidéo
de karambolage.
Pourquoi dit-on un ordinateur ?
Le français est, avec l'espagnol, la seule langue
où l’on dit « ordinateur », et non « calculateur
». Ce mot, qui se trouve dans le Littré comme adjectif désignant
« Dieu qui met de l’ordre dans le monde » a été
proposé non par un scientifique, mais par le philologue Jacques
Perret, en 1955, à IBM France, et a été retenu contre
l’anglicisme « computeur » (impossible en français à
cause de « con » et « pute » !).
2) Des symboles bizarres
Pourquoi le nombre
s’appelle-t-il ainsi ?
L’utilisation de la lettre grecque
pour le rapport de la circonférence au diamètre a été
popularisée par Léonard Euler dans un ouvrage sur les séries
publié en latin en 1737 ; mais elle est due au départ à
un mathématicien anglais, William
Jones, qui l’a utilisée dans un livre paru en 1706. Cependant,
en 1647, le mathématicien anglais William
Oughtred avait déjà utilisé
p pour désigner
le périmètre d’un cercle (et non son
rapport au diamètre).
La lettre p est à la fois l’initiale de periphereia
et de
perimetros qui en grec désignent la circonférence
d’un disque.
Et le nombre e ?
Tout le monde avait trouvé : c’est l’initiale d’exponentielle.
Mais il y a fort à parier qu’Euler, en utilisant cette notation
pour la première fois en 1728, à l'âge de 21 ans, dans
un livre sur les canons, n’était pas sans avoir avait remarqué
que c’était aussi l’initiale de son nom !
Et le nombre d'or
?
C'est l'initial du sculpteur Phidias qui décora
le Parthénon, et non la transcription grecque de la première
lettre de Fibonacci, comme on pourrait penser. C'est Léonard de
Vinci qui proposa cette notation, car la façade du Parthénon
est peu ou prou un rectangle d'or (mais il n'est pas du tout attesté
que Phidias ait utilisé le nombre d'or).
Et la fonction ?
La notation est due à Adrien Legendre en 1811 ;
on pense qu'il a simplement retourné l'initiale de son nom de famille.
Binet a fait mieux en 1839 ; il a désigné une fonction par
le correspondant grec de l'initiale de son nom, et ce nom est resté
(la fonction b).
D’où vient le symbole = ?
C'est Robert
Recorde qui l'a inventé en 1557, car, dit-il, deux choses ne
peuvent être plus égales qu'une paire de parallèles.
D’où vient le symbole % ?
Au XVe siècle, les Italiens écrivaient
Pc°
pour per cento. C’est devenu petit à petit
Ps°
puis P
ensuite, le P a disparu et le symbole est devenu l’actuel %. Les
deux faux zéros de ce symbole ont petit à petit été
assimilés aux deux zéros de 100 ; c’est pourquoi on a rajouté
un zéro pour écrire ‰.
D’où vient le symbole des radicaux
?
Ce symbole est dû à l’Allemand Christoff
Rudolff en 1525, dans son ouvrage die Coss. C’est probablement
un
r minuscule déformé, initiale de « racine
» (radix en latin).
D’où vient le symbole d’intégration ?
Ce symbole est dû à Gottfried Wilhelm Leibniz
(1646 – 1716). C’est un S allongé, car une intégrale
est une somme (summa en latin).
D’où vient le symbole de l’infini
?
Ce symbole est dû à John
Wallis qui l’a introduit en 1655 ; il se trace comme un huit couché
mais son origine n’est pas le symbole 8. Ce symbole viendrait :
- soit d’une ligature latine de la lettre m, initiale
de mille ;
- soit de la lettre grecque oméga,
car c’est la dernière de l’alphabet grec (cf. la parole de Jésus
Christ : « Je suis l’alpha et l’oméga »).
Il est aussi probable que J. Wallis a pensé au fait
que la courbe de même forme (la lemniscate) se parcourt sans fin.
D’où vient le point d'exclamation de la factorielle
?
Il a été introdut par le Français
Christian
Kramp en 1808.
Pourquoi l’appartenance se note-t-elle
et l’inclusion
?
C’est le symbole d’inclusion qui est apparu le premier sous
la plume de Gergonne en 1816 mais semble-t-il
dans
le sens contraire du sens actuel ; on peut penser qu'il l’a défini
à partir de la lettre C, l’initiale de "Contient", de sorte que
AB était
simplement une abréviation de A Contient B ; c'est Schröder
qui a utilisé pour la première fois
et dans leurs sens actuels,
probablement par déformation de < et > .
Le symbole d’appartenance est, lui, issu de la lettre
grecque epsilon,
qui est l’initiale de
(esti) signifiant « (il) est ». Il a été créé
par Peano en 1890 et c'est Bertrand Russel qui a proposé de le styliser
en .
D’où viennent les symboles des quantificateurs
et ?
Le premier apparu historiquement est le quantificateur existentiel ,
qui se lit aujourd'hui : « pour au moins un » ou « il
existe au moins un… tel que » ; c'est Peano qui, dans son "formulaire
de mathématiques" publié en français en 1897 a eu
l'idée de retourner droite-gauche un E, initiale d' "Exister".
Il a fallu 40 ans pour que Gentzen
ait l'idée en 1935 de retourner haut-bas un A, initiale de
All
qui signifie « tout » en allemand et en anglais, pour désigner
le quantificateur universel ,
qui se lit maintenant « pour tout » ou « quel que soit
» et de formaliser par là-même la dualité entre"
pour tout" et "pour au moins un".
Si un français y avait pensé avant, on
aurait eu un T à l'envers, et on serait bien embêtés
pour l'orthogonalité !
D’où vient le nabla
?
Ce symbole introduit par William
Hamilton en 1853 est tout simplement un delta majuscule renversé,
d’où son nom parfois donné d’« atled ». Il ressemble
à une lyre, c’est pourquoi Heaviside l’a appelé
nabla,
mot grec d’origine phénicienne désignant justement une sorte
de lyre en forme de delta renversé. En hébreu, harpe se dit
nebel…
Pourquoi petit o et grand O ?
Ces symboles sont connus sous le nom de notations de Landau
(1877-1938). Le o est l’initiale de l’allemand
Ordnung qui
signifie « ordre ». Il s’agit en effet de comparer les ordres
de grandeurs de fonctions au voisinage d’un point.
Pourquoi
?
désigne l’ensemble des entiers naturels, baptisés ainsi en
1763 par William
Emerson, suite à Nicolas Chuquet parlant de « progression
naturelle » pour la suite 1, 2, 3, 4... C’est l’Allemand Richard
Dedekind (1831-1916) qui a utilisé pour la première fois
en 1888 la lettre
pour leur ensemble (de Nummer = numéro en allemand) ; dire
que est
l’initiale de « nombre » n'est donc pas exact, même si
numéro
et nombre viennent de numerus en latin.
Par contre,
est bien l’initiale de nombre... en allemand (Zahl) ! Cette appellation
est aussi due à Dedekind. Ceci n’empêchera pas les profs de
maths de dire aux élèves que c’est l’ensemble des «
zentiers »…
est l’ensemble des nombres rationnels, baptisés ainsi par Cassiodore
(voir ci-dessus) ; c’est Peano (1858-1932) qui a utilisé la lettre
pour leur ensemble (de quotiente = quotient en italien).
est l’ensemble des nombres réels, baptisés ainsi par Descartes
en 1637 (en même temps qu’il désignait par imaginaires les
autres nombres) ; c’est l’Allemand Georg Cantor (1845-1918) qui a désigné
pour la première fois l’ensemble de ces nombres par
(« réel » = real en allemand).
est l’ensemble des nombres complexes, baptisés ainsi par Karl Friedrich
Gauss en 1831 (en latin) reléguant les imaginaires aux nombres .
Et pourquoi ces ensembles sont-ils écrits avec
des majuscules à double trait ?
C'est Bourbaki qui a rassemblé ces notations et
les a fait imprimer en caractère gras. Cependant, au tableau noir,
il est difficile de faire des caractères gras à la craie
et de là est venue l'idée de doubler les traits. Par allez-retour,
c'est devenu une police d'imprimerie à part entière, d'ailleurs
naturellement appelée "blackboard bold" (gras pour tableau noir).
Pourquoi le symbole de l’ensemble vide est-il la lettre Ø des alphabets
norvégien et danois ?
Parce qu’il fallait un symbole qui ressemble au 0 sans en
être un et que le mathématicien du groupe Bourbaki André
Weil qui l’a introduit en 1937 connaissait le norvégien.
Pourquoi un noyau se note-t-il Ker ?
Ker ne vient pas mot du breton signifiant «
maison », mais de l’allemand Kern, signifiant tout simplement
« noyau ». En anglais, le noyau se dit aussi kernel,
signifiant "amande" dans le civil.
Quelles sont les origines du sens des aiguilles de la montre et du sens
trigonométrique ?
Les montres et horloges ont repris les graduations des cadrans
solaires horizontaux, ou gnomons, et le sens des aiguilles correspond à
celui de l’ombre. Attention, dans les cadrans solaires verticaux, l’ombre
tourne dans l’autre sens (et tout ceci ne vaut d’ailleurs que dans l’hémisphère
nord !) : le 12 est en bas et le 1 juste à sa droite.
Le sens trigonométrique est lié à
la manière dont on représente un repère Oxy,
et cette représentation est probablement due à notre écriture
de gauche à droite. On peut remarquer que c’est le sens de rotation
de la terre autour du soleil, pour un observateur situé du côté
du pôle nord terrestre, ainsi qu’au sens de rotation de la terre
sur elle-même, pour un observateur placé au pôle nord.
La lune tourne aussi dans le sens trigonométrique
autour de la terre et sur elle-même, pour un observateur placé
au pôle nord terrestre. Même schéma pour la plupart
des planètes et de leurs satellites.
D’où vient le symbole @ ?
Ce caractère était pratiquement inconnu en
France il y a quelques années, mais a été popularisé
par Internet. La date d'apparition dans le courriel est 1971.
Il était par contre courant en Angleterre et aux
États-Unis en remplacement de at, comme l’esperluette &
en remplacement de « et ». Exemple d’utilisation : What
is the total cost of 5 apples @ 5 $ ?
Comme l’esperluette (&), @ est issu des chancelleries
; c’est la ligature du latin ad (« à » en français)
où le a et le cursifs
de l’onciale ont fini par se confondre. Il constituait la première
ligne d’adresse de documents diplomatiques.
Le nom français de ce caractère, est selon
l’AFNOR « a commercial », comme le & est «
et
commercial ». Cependant, le nom que lui donnent les internautes français
tourne autour de sa forme : « a-rabesque », «
a-rondi
», « a enroulé ». Mais le nom le plus fréquemment
employé est « arobase » . Il vient probablement d’une
confusion : on trouve en effet dans les catalogues de fondeurs français
un caractère qui a à peu près la même graphie
que @, qui s’appelle « arobas », mais qui correspond à
quelque chose de complètement différent : c’est le symbole
d’une ancienne unité de poids et de capacité encore usitée
en Espagne et au Portugal, arroba, équivalant à 12
à 15 kg ou 10 à 16 l, dont le vrai nom français est
d’ailleurs « arrobe » ou « arobe ». Le mot provient
de l’arabe arba signifiant « quatre ».
Une autre hypothèse est que « arobas »
soit une déformation de « a rond bas (de casse) »
: « a rond » pour le a dans un rond, et «
bas de casse », désignant les lettres minuscules qui se trouvaient
en bas de la casse, planche à casiers dans lesquels étaient
classées les formes en plomb des lettres.
Ce
site est beaucoup plus catégorique...
Bibliographie :
-
Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert,
1998.
-
S. MEHL, Petite chronologie des
mathématiques.
-
Les archives
de la liste de diffusion historia Mathematica.
-
Earliest Known Uses
of Some of the Words of Mathematics, Earliest
Uses of Various Mathematical Symbols
-
Vocabulario
Etimológico en Matemáticas
-
Rubrique des avis de recherche dans le bulletin de l’association des professeurs
de mathématiques de l’enseignement public (APMEP).
-
F. CAJORI, A history of mathematical notations, The open court publishing
company, La Salle, Illinois, 1929, réédité 1952.
-
S. SCHWARTZMAN, The words of mathematics, An etymological dictionary
of mathematical terms used in english, The Mathematical Association
of America, 1994.
-
G. IFRAH, Histoire universelle des chiffres, Robert Laffont, 1994.
-
B. HAUCHECORNE, D. SURATTEAU, Des mathématiciens de A à
Z, Ellipses, 1996.
-
P. CEGIELSKI, « Historique de la théorie élémentaire
des ensembles », dans Fragments d’histoire des mathématiques
II, brochure APMEP n° 65, 1987.
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