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DES QUESTIONS D’ORIGINES
Avertissement : la plupart des explications avancées ici, bien
qu’issues des sources citées en bibliographie, ne sont que des hypothèses,
parfois transmises en légende de livre en livre. Si vous pouvez
me contredire avec certitude, envoyez-moi un mail (r.ferreol@club-internet.fr).
1) Des mots bizarres
Pourquoi des « mathématiques » ?
Le mot « mathématique » comme aussi celui de «
philosophie » serait dû à Pythagore. Il renvoie à
un terme grec mathêma qui veut dire « science
» dans l’optique de l’époque, c’est-à-dire «
toute la connaissance ».
Mathêmatika en grec
comme mathematica en latin sont des pluriels, c’est pourquoi on
dit
des mathématiques. Certains essaient de parler de
la
mathématique, pour montrer son unité, mais cela ne prend
pas. Notons qu’en anglais on dit mathematics avec un s, mais que
c’est un mot singulier…
Théorème est-il apparenté à théologie
?
Non, il est plutôt apparenté à « théâtre
». La première syllabe ne vient pas de theos
« dieu », mais de thea « spectacle
». Comme le mot « théorie », le mot « théorème
» a été construit à partir du verbe grec
theorein
signifiant « observer ».
Corollaire est-il apparenté à corolle ?
Oui ; ces deux mots vienne du latin corolla qui signifiait «
petite couronne » ; l’on donnait en effet une petite couronne de
lauriers aux acteurs comme gratification. Un corollaire est donc un cadeau
donné en plus par le théorème !
Pourquoi des nombres « rationnels » ?
Les nombres rationnels ne sont pas dénommés ainsi parce qu’ils
seraient plus rationnels que les autres, comme je l’ai longtemps cru. L’étymologie
latine ratio n’est pas ici à prendre dans le sens de raison
mais dans celui de rapport, quotient (cf. le mot français «
ratio ») : les nombres rationnels sont les nombres quotients de deux
entiers. C’est l’écrivain latin Cassiodore (498 – 575) qui aurait
utilisé cette dénomination pour la première fois.
L’expression « entier rationnel », pour entier relatif peut
alors paraître bizarre, mais elle est à prendre dans le sens
: « élément entier de l’anneau des rationnels ».
De même, « fraction rationnelle », qui peut apparaître
pléonastique, est apparu après « fonction rationnelle
», ratio de deux polynômes.
Pourquoi un numérateur et un dénominateur ?
Le dénominateur dénomine, donne son nom à la fraction.
le numérateur lui donne le nombre de parties définies par
le dénominateur.
Y a-t-il un rapport entre la fonction sinus et les sinus du front ?
Oui et non ; le mot « sinus » est un mot latin signifiant «
courbe, pli, cavité ». Il a donné en français
les mots « sein » (d’ailleurs, en italien, le sinus mathématique
se dit seno, qui signifie aussi « sein ») et «
sinueux ». Mais si les sinus du front forment bien des cavités,
l’interprétation selon laquelle le sinus mathématique s’appellerait
ainsi car une sinusoïde est sinueuse est un contresens, car la notion
de représentation d’une fonction est bien plus récente que
celle de sinus !
Voici l’histoire probable du mot « sinus », qui vient d’une
erreur de traduction.
Premier temps : le mathématicien indien Âryabhata (VIe
siècle) utilise le mot jîva qui signifie corde.
Deuxième temps : le mathématicien arabe Al-Fazzârî
(VIIIe siècle) arabise ce mot en jîba, mot
n’ayant pas de signification en arabe.
Troisième temps : Gérard de Crémone (XIIe
siècle) confond jîba avec jaîb, d’autant
plus facilement qu’en arabe, les voyelles sont parfois omises ; or jaîb
signifie « poche, cavité » et il le traduit naturellement
en latin par sinus...
Quant au cosinus, c’est tout simplement le sinus du complémentaire
(de l’angle) ; « co- » vient du latin cum, qui signifie
« avec ».
La tangente, elle, vient de ce qu’elle mesure une portion d’une tangente
au cercle trigonométrique ; et la cotangente est aussi la tangente
du complémentaire.
Pourquoi des « logarithmes » ?
Le terme a été créé en 1614 par le mathématicien
écossais John Napier (francisé en Néper), à
partir des mots grecs logos pouvant signifier « calcul »
et
arithmos « nombre ». Les logarithmes seraient
donc des nombres servant à calculer…
D’où vient le mot « algorithme » ?
Malgré son petit air grec, ce mot, comme beaucoup commençant
par
al (comme « alcool »), vient de l’arabe. Al-Khwarizmi
est le surnom du mathématicien Abu Ja’far Mohammed Ben Musa (c.
780 – c. 850), originaire de la région du Khwarazm (actuellement
Khiva en Ouzbékistan), d’où son surnom. L’un de ses livres
d’arithmétique a été traduit en latin sous le nom
de liber algorismi (« livre d’Al-Khwarizmi »). Du coup,
on a désigné par
algorismus le système de numération
décimal, puis c’est devenu en français « algorithme
» avec un sens plus général, par l’influence du mot
arithmos
(« nombre » en grec) et de « logarithme » qui en
est une anagramme.
Et le mot « algèbre » ?
Encore un mot d’origine arabe, commençant par al («
le » en arabe). Il provient de la première partie du titre
d’un livre du mathématicien Al-Khwarizmi, dont nous venons de parler
: Al jabr w’al muqabalah, signifiant « la remise en place
et la simplification ». La remise en place en question est le passage
des éléments négatifs d’une équation de l’autre
côté du signe égal pour les rendre positifs : voilà
le point de départ de l’algèbre. Vous pourrez d’ailleurs
voir dans un dictionnaire espagnol que algebrista ne signifie pas
« algébriste », mais « rebouteux » : en
effet, celui-ci remet en place les membres luxés !
Pourquoi une abscisse, une ordonnée ?
Ces deux noms sont des adjectifs substantivés, abréviation
de « ligne abscisse (c’est-à-dire « coupée »,
cf. « scission ») et lignes ordonnées ». Historiquement,
l’ordonnée est apparue avant l’abscisse ; étant donnée
une courbe décrite par un point M et une droite (D), les ordonnées
étaient les segments [MP] où P est le projeté de M
sur (D) ; ces segments étant disposés régulièrement,
de façon ordonnée (= ordinatim en latin), ont été
appelés
ordinatim applicatae en latin, puis ordonnées
en français.
Étant donné un point O sur D, les abscisses étaient
les segments [OP], qui sont bien des « lignes coupées ».
Le mot « ordonnée » serait apparu en premier sous
la plume de Pascal en 1658 et le mot « abscisse » (sous sa
forme latine abscissa) en 1692 dans un texte de Leibniz.
Notons que Descartes n’a jamais utilisé aucun de ces deux termes
!
Ce serait Euler (1707 – 1783) qui aurait le premier détecté
la symétrie existant entre les notions d’abscisse et d’ordonnée.
D’où vient le mot radian ?
Du latin radius, qui signifie rayon (cf. « radial »).
Mais pourquoi rayon ? Car un angle d’un radian intercepte un arc de cercle
dont la longueur est égale au rayon du cercle !
Le terme a été employé pour la première
fois par Thomson en 1873.
Que sont ces « cèle », « pipède »
et « gramme » dans isocèle, parallélépipède,
et parallélogramme ?
« Cèle » vient du grec skelos « jambe
» : un triangle isocèle a deux jambes égales ! (Et
un triangle équilatéral a ses « côtés
» égaux, car latéral vient de latus «
côté ») ;
« pipède » vient du grec epipedos «
plan » : un parallélépipède est formé
de plans parallèles ;
« gramme » vient du grec gramma « lettre, ligne
» (cf. un « épigramme »).
Pourquoi les coniques s’appellent-elles ellipse, parabole et hyperbole
?
Les mots « ellipse, hyperbole et parabole » ont été
transcrits par Johannes Kepler (1571-1630) des mots grecs
elleipsis,
huperbolê et parabolê, noms qui avaient été
donnés par Aristée (IVe siècle avant J.C.) et popularisés
par Apollonius de Perge (env. 262 – 190 av. J.C.).
Le mot grec elleipsis a été créé
à partir du verbe
elleipein qui signifie « manquer
» (« éclipse » a la même origine), tandis
que
huperbolê et parabolê sont des mots grecs
existant signifiant l’un « excès » et l’autre «
ressemblance » ou « juste adéquation ». Le suffixe
bolê vient du verbe ballein signifiant « lancer
», (cf. le « discobole » et la « balistique »).
Remarquons que pour une parfaite symétrie, Aristée aurait
pu créer « hypobole » pour ellipse !
Les trois mots « ellipse », « parabole » et
« hyperbole » représentent aussi des figures de rhétorique,
en bonne adéquation avec leur étymologie : une ellipse est
une formule raccourcie (comme « chacun son tour » à
la place de « chacun doit attendre son tour »), une parabole
est un récit allégorique, une hyperbole est une formule exagérée
(comme « mourir de rire »).
En mathématiques, une ellipse manque aussi de quelque chose,
une hyperbole présente un excès, mais de quoi ? C’est là
que les réponses divergent...
Pour le dictionnaire historique de la langue française, une ellipse
manque... de perfection par rapport à un cercle. Bien que plausible,
cette interprétation tue la symétrie ellipse – hyperbole,
autour de la parabole.
On peut aussi penser que la raison vient de ce que sur une ellipse la
distance au foyer est plus petite que la distance à la directrice
(excentricité e < 1) , sur une parabole, elle est égale
(e = 1) et sur une hyperbole, elle est supérieure (e
> 1), mais c’est un contresens car les Grecs ne connaissaient pas la définition
à partir des foyers et des directrices.
Plus sûre est l’interprétation suivante, car pour les Grecs,
les coniques sont des sections de cône. On considère la section
d’un cône par un plan perpendiculaire à une génératrice
:
c’est une ellipse si l’angle d’ouverture du cône est aigu (déficit
par rapport à l’angle droit).
c’est une hyperbole si l’angle d’ouverture du cône est obtus (excès
par rapport à l’angle droit).
c’est une parabole si l’angle d’ouverture du cône est droit (juste
adéquation).
Une deuxième explication peut provenir du fait que, en écriture
moderne, l’équation générale réduite d’une
conique est y² = 2px + ?x², l’ellipse, la
parabole et l’hyperbole étant obtenues pour respectivement
?
< 0, = 0, et > 0 (en fait ? = e² – 1).
On lit sur cette équation que l’aire du carré construit
sur l’ordonnée est égale à l’aire du rectangle défini
par l’abscisse et la corde passant par le sommet, aire à laquelle
il faut retirer ou ajouter une certaine aire suivant que l’on a
une ellipse ou une hyperbole, l’égalité avant lieu pour la
parabole ; ceci se trouve dans le livre d’Apollonius sur les coniques.
Lorsqu’on applique le carré y² sur le rectangle 2px,
le carré est en défaut dans le cas de l’ellipse (c’est le
sens du terme grec ellipse), en excès dans le cas de l’hyperbole
(c’est le sens du terme grec
hyperbole), le terme parabole
signifiant l’égalité des aires.
Pourquoi des progressions, suites et moyennes
arithmétiques,
géométriques et
harmoniques ?
Rappelons que des nombres sont en progression arithmétique si la
différence
de deux termes consécutifs est constante (comme 8, 12, 16, 20),
en progression géométrique si le rapport de deux termes
consécutifs est constant (comme 8, 12, 18, 27) et en progression
harmonique si les inverses sont en progression arithmétique (comme
3, 4, 6, 12) ; dès lors, une suite est arithmétique, géométrique,
harmonique si ses termes sont en progression arithmétique, géométrique,
harmonique et c est la moyenne arithmétique, géométrique,
harmonique de a et
b si les nombres a, c, b
sont en progression arithmétique, géométrique, harmonique.
Ces qualificatifs « arithmétique, géométrique,
harmonique » sont très anciens : ils sont dus aux pythagoriciens,
au sixième siècle avant Jésus-Christ.
L’expression « arithmétique » est probablement due
au fait que les entiers naturels 1, 2, 3, 4, (arithmos
en grec) forment la plus simple des suites arithmétiques.
L’expression « géométrique » provient plutôt
de la moyenne géométrique qui s’obtient par une construction…
géométrique : à partir de deux longueurs
a
et b, on obtient la moyenne géométrique
c par
le procédé :
L’expression « harmonique » est à rattacher à
la suite des inverses des naturels qui est la plus simple des suites harmoniques.
Cette suite (1/n) s’introduit naturellement en musique, ce qui explique
son nom : si une corde de longueur l vibre à une fréquence
f, une corde (de même masse linéique et de même
tension) de longueur
l/2, l/3, l/4... vibrera aux
fréquences 2f, 3f, 4f... qui sont les «
harmoniques » de f.
On peut ajouter que si le terme « raison » (du latin
ratio,
« rapport ») se justifie bien dans le cas des suites géométriques,
où il désigne le rapport constant d’un terme au précédent,
ce n’est pas le cas – sinon par analogie – pour une suite arithmétique,
où il désigne la différence constante entre
un terme et le précédent.
Pourquoi le calcul « intégral » ?
Ce terme provient du latin integer « entier, total »,
probablement car une intégrale est le rassemblement (l’intégration
!) d’une infinité de termes infinitésimaux en un tout. Le
terme est du mathématicien suisse Jacques Bernoulli en 1696 ; Leibniz
aurait préféré au départ le terme calcul «
sommatoire » mais a été convaincu par Jean Bernoulli,
frère de Jacques ; en échange, le signe d’intégration
est issu de la lettre S, et non de la lettre I...
Pourquoi ?ydx = xy – ?xdy est-elle une intégration
« par parties » ?
Je ne sais pas... Peut être parce qu’on n’intègre qu’«
en partie » , ou que l’intégrale est cassée en deux
parties ?
Pourquoi une fonction « homographique » ?
Je ne dois pas être le seul à avoir longtemps pensé
que les fonctions homographiques
s’appellent ainsi car elles ont toutes des graphiques semblables (une hyperbole
d’asymptotes parallèles aux axes). En fait leur nom provient de
ce que les transformations du même type de C dans C :
transforment les figures du plan en des figures
similaires (elles
transforment des cercles ou droites en des cercles ou droites).
Le terme est du à Michel Chasles (1793-1880).
Pourquoi normal veut-il dire (parfois) orthogonal ?
Parce que ce mot vient du latin normalis signifiant équerre.
C’est donc le sens premier de ce mot. Le mot « normé »vient
de « norme » ayant pris le sens de « canon, modèle
». C’est pourquoi il vaut mieux parler de base orthonormée
que de base
orthonormale !
Pourquoi un écart-type ?
Le terme est une traduction de l’anglais standard deviation, introduit
par l’Anglais Karl Pearson en 1893.
Pourquoi des perspectives cavalières ?
Une perspective cavalière est une perspective où les parallèles
restent parallèles (contrairement à une perspective conique
où les droites parallèles deviennent en général
concourantes) ; elle est obtenue théoriquement pour un observateur
situé à l’infini. Une origine possible de l’expression «
perspective cavalière » est qu’un cavalier regardant du haut
de son cheval un objet à terre le voit quasiment en perspective
cavalière. Le terme datant du XVIe siècle où
il était utilisé en architecture militaire, une autre interprétation
proviendrait du fait qu’un cavalier est, en matière de fortification,
un haut monticule de terre. La vue cavalière est alors la vue qu’a
sur la campagne, un observateur situé sur le haut du cavalier ;
la perspective cavalière serait donc le procédé utilisé
par le dessinateur de fortifications pour rendre la vue cavalière.
Par contre l’interprétation disant que l’expression viendrait
du mathématicien Cavalieri est fantaisiste.
Pourquoi dit-on un PGCD et non un PGDC (plus grand diviseur commun), un
PPCM et non un PPMC (plus grand multiple commun) ?
Nous n’avons pas de réponse ; pour la musicalité de l’expression
?
Pourquoi un espace « affine » ?
Le terme vient d’affinité, introduit par Léonard Euler en
1748, qui remarque (en français dans le texte) que deux courbes
obtenues l’une de l’autre en changeant l’échelle des abscisses ne
sont pas semblables, mais qu’elles ont quand même une certaine «
affinité ». Mais nous ne savons pas qui a introduit l’utilisation
de l’adjectif « affine ». Peut-être est-ce à cause
d’un détour par l’anglais que ce mot qui devrait être «
affin » au masculin est devenu affine ?
Pourquoi des ensembles, des groupes, des anneaux, des corps ?
« Ensemble », « groupe » et « corps »
ont le sens de « regroupement d’individus », avec une cohésion
croissante (pour « corps », penser à « corps de
métier, corps diplomatique »). Seul anneau semble faire exception,
mais ce mot est traduit de l’allemand Ring qui signifie aussi dans
cette langue « cercle » (comme dans « cercle philatélique
»). Notons que si les ensembles s’appellent généralement
E, les groupes G, et les anneaux A, les corps sont
désignés par K, car corps se dit en allemand Körper.
Dans un texte anglais, ils seront désigné par F, car
corps se dit
field (= « champ »). Le mot « ensemble
» est probablement dû à l’Allemand Georg Cantor en 1883
(sous sa forme allemande de Menge qui signifie aussi « foule
»), le mot « groupe » au Français Évariste
Galois en 1830, les mots « anneau » et « corps »
(sous la forme Ring et
Körper) à l’Allemand Richard
Dedekind en 1871 dans son livre : Lehrbuch des Algebra.
Septante, huitante (ou octante) et nonante.
Ce sont nos soixante-dix, quatre-vingts et quatre-vingt-dix pour les Suisses
et les Belges, issus des mots latins
septuaginta, octoginta,
nonaginta.
Grevisse (Le bon usage, p. 926) dit que Vaugelas a condamné
septante et nonante comme des archaïsmes, mais en fait il semblerait
que ce soit plutôt le contraire !
Il est probable que soixante-dix, quatre-vingts et quatre-vingt-dix
sont justement des archaïsmes issus du gaulois, langue celte, comme
le breton. Le système vigésimal est en effet net en breton
où 20 se dit ugent, 40 daou-ugent, 60 tri-ugent,
70 dek ha tri-ugent (c’est-à dire 10 plus 3 fois 20) etc.
Et ceci proviendrait de langues pré-indo-européennes utilisant
un système vigésimal (c’est-à dire de base 20). par
exemple, en basque, 20 se dit hogei, 30 hogeitabat (20 +
10), 40 berrogei (2 fois 20), 60 hirurogei (3 fois 20) etc.
En Europe, on trouve encore le danois où 50 se dit halvtreds,
ce qui signifie « moitié de la troisième vingtaine
» ; 70 se dit
halvfjerds (moitié de la quatrième)
et 90
halvfems (moitié de la cinquième) ; 60 s’y dit
tres
(de tre = 3) et 80 firs (de fire = 4). On trouve aussi une trace
de base 20 dans le nom du très célèbre hospice des
« Quinze-Vingts » datant de 1254, ainsi nommé pour loger
300 vétérans aveugles.
Et c’est l’hégémonie francilienne qui a imposé
récemment ces archaïsmes à toute la France (on disait
encore septante et nonante il y a cinquante ans dans le sud et le sud-est).
Les Suisses et les Belges (dont les dialectes ne connaissent pas la base
20) ont résisté !
Notons que si la plupart des peuples comptent en base 10, c’est à
cause de nos 10 doigts ; ceux qui comptent en base 20 ont aussi inclus
les orteils…
Pourquoi dit-on un ordinateur ?
Le français est la seule langue où l’on dit « ordinateur
», et non « calculateur ». Ce mot, qui se trouve dans
le Littré comme adjectif désignant « Dieu qui met de
l’ordre dans le monde » a été proposé non par
un scientifique, mais par le philologue Jacques Perret, en 1955, à
IBM France, et a été retenu contre l’anglicisme « computeur
» (impossible en français à cause de « con »
et « pute » !).
2) Des symboles bizarres
Pourquoi le nombre ? s’appelle-t-il ainsi ?
L’utilisation de la lettre grecque ? pour le rapport de la circonférence
au diamètre a été popularisée par Léonard
Euler dans un ouvrage sur les séries publié en latin en 1737
; mais elle est due au départ à un mathématicien anglais,
William Jones, qui l’a utilisée dans un livre paru en 1706. Cependant,
en 1647, le mathématicien anglais William Oughtred avait déjà
utilisé
p pour désigner le périmètre
d’un cercle (et non son
rapport au diamètre). La lettre p
est à la fois l’initiale de periphereia et de
perimetros
qui en grec désignent la circonférence d’un disque.
Et le nombre e ?
Tout le monde avait trouvé : c’est l’initiale d’exponentielle. Mais
il y a fort à parier qu’Euler, en utilisant cette notation pour
la première fois en 1728 dans un livre sur les canons, n’était
pas sans avoir avait remarqué que c’était aussi l’initiale
de son nom !
D’où vient le symbole % ?
Au XVe siècle, les Italiens écrivaient Pc°
pour per cento. C’est devenu petit à petit
Ps°
puis P
ensuite, le P a disparu et le symbole est devenu l’actuel %. Les
deux faux zéros de ce symbole ont petit à petit été
assimilés aux deux zéros de 100 ; c’est pourquoi on a rajouté
un zéro pour écrire ‰.
D’où vient le symbole des radicaux ? ?
Ce symbole est dû à l’Allemand Christoff Rudolff en 1525,
dans son ouvrage die Coss. C’est probablement un
r minuscule
déformé, initiale de « racine » (radix
en latin).
D’où vient le symbole d’intégration ??
Ce symbole est dû à Gottfried Wilhelm Leibniz (1646 – 1716).
C’est un S allongé, car une intégrale est une somme
(summa en latin).
D’où vient le symbole de l’infini ? ?
Ce symbole est dû à John Wallis qui l’a introduit en 1655
; il se trace comme un huit couché mais son origine n’est pas le
symbole 8. Ce symbole viendrait :
soit d’une ligature latine de la lettre m, initiale de mille
;
soit de la lettre grecque oméga ?, car c’est la dernière
de l’alphabet grec (cf. la parole de Jésus Christ : « Je suis
l’alpha et l’oméga »).
Il est aussi probable que J. Wallis a aussi pensé au fait que la
courbe de même forme (la lemniscate) se parcourt sans fin.
Pourquoi l’appartenance se note-t-elle
et l’inclusion
?
C’est le symbole d’inclusion qui est apparu le premier sous la plume de
Gergonne en 1816 ; il l’a défini à partir de la lettre C,
d’une part parce qu’elle n’est pas symétrique, d’autre part parce
que c’est l’initiale de contenu (pourquoi on dit maintenant inclus
et non contenu, je ne sais).
Le symbole d’appartenance est, lui, issu de la lettre grecque epsilon
?, qui est l’initiale de ???? /esti/ signifiant « (il) est ».
Il a été créé par Peano en 1890.
D’où viennent les symboles des quantificateurs
et
?
,
qui se lit « pour tout » ou « quel que soit »,
est un A retourné haut-bas ; A est en effet l’initiale
de alles qui signifie « tout » en allemand ; la notation
serait due à David Hilbert (1862-1943).
,
qui se lit « pour au moins un » ou « il existe au moins
un… tel que », est un E retourné droite-gauche ; E
est en effet l’initiale de
existieren qui signifie « exister
» en allemand (mot qui vient d’ailleurs du français) ; la
notation serait due à Gottlob Frege (1848 – 1925).
D’où vient le nabla
?
Vous connaîtrez bientôt ce symbole qui est tout simplement
un delta majuscule renversé, d’où son nom parfois donné
d’« atled ». Il ressemble à une lyre, c’est pourquoi
William Hamilton (1805-1865) l’a appelé
nabla, mot grec d’origine
phénicienne désignant justement une sorte de lyre en forme
de delta renversé. En hébreu, harpe se dit nebel…
Pourquoi petit o et grand O ?
Ces symboles sont connus sous le nom de notations de Landau (1877-1938).
Le o est l’initiale de l’allemand
Ordnung qui signifie «
ordre ». Il s’agit en effet de comparer les ordres de grandeurs de
fonctions au voisinage d’un point.
Pourquoi
?
désigne
l’ensemble des entiers naturels, baptisés ainsi en 1763 par William
Emerson, suite à Nicolas Chuquet parlant de « progression
naturelle » pour la suite 1, 2, 3, 4... C’est l’Italien Giuseppe
Peano (1858-1932) qui a utilisé la lettre
pour leur ensemble (naturale en italien) ; dire que
est l’initiale de « nombre » est donc un contresens.
Par contre,
est bien l’initiale de nombre... en allemand (Zahl) ! Cette appellation
est due à l’Allemand Richard Dedekind (1831-1916). Ceci n’empêchera
pas les profs de maths de dire aux élèves que c’est l’ensemble
des « zentiers »…
est
l’ensemble des nombres rationnels, baptisés ainsi par Cassiodore
(voir ci-dessus) ; c’est Peano qui a utilisé la lettre
pour leur ensemble (quotiente = quotient en italien).
est
l’ensemble des nombres réels, baptisés ainsi par Descartes
en 1637 (en même temps qu’il désignait par imaginaires les
autrezs nombres) ; c’est l’Allemand Georg Cantor (1845-1918) qui a désigné
pour la première fois l’ensemble de ces nombres par
(« réel » = real en allemand).
est
l’ensemble des nombres complexes, baptisés ainsi par Karl Friedrich
Gauss en 1831 (en latin) reléguant les imaginaires aux nombres a?-1.
Pourquoi le symbole de l’ensemble vide est-il la lettre Ø des alphabets
norvégien et danois ?
Parce qu’il fallait un symbole qui ressemble au 0 sans en être un
et que le mathématicien du groupe Bourbaki André Weil qui
l’a introduit en 1937 connaissait le norvégien.
Pourquoi un noyau se note-t-il Ker ?
Ker ne vient pas mot du breton signifiant « maison »,
mais de l’allemand Kern, signifiant tout simplement « noyau
». En anglais, noyau se dit aussi kernel.
Quelles sont les origines du sens des aiguilles de la montre et du sens
trigonométrique ?
Les montres et horloges ont repris les graduations des cadrans solaires
horizontaux, ou gnomons, et le sens des aiguilles correspond à celui
de l’ombre. Attention, dans les cadrans solaires verticaux, l’ombre tourne
dans l’autre sens (et tout ceci ne vaut d’ailleurs que dans l’hémisphère
nord !) : le 12 est en bas et le 1 juste à sa droite.
Le sens trigonométrique est lié à la manière
dont on représente un repère Oxy, et cette représentation
est probablement due à notre écriture de gauche à
droite. On peut remarquer que c’est le sens de rotation de la terre autour
du soleil, pour un observateur situé du côté du pôle
nord terrestre, ainsi qu’au sens de rotation de la terre sur elle-même,
pour un observateur placé au pôle nord.
La lune tourne aussi dans le sens trigonométrique autour de la
terre et sur elle-même, pour un observateur placé au pôle
nord terrestre. Même schéma pour la plupart des planètes
et de leurs satellites.
D’où vient le symbole @ ?
Ce caractère était pratiquement inconnu en France il y a
quelques années à peine, mais a été popularisé
par Internet.
Il était par contre courant en Angleterre et aux États-Unis
en remplacement de at, comme l’esperluette & en remplacement
de « et ». Exemple d’utilisation : What is the total cost
of 5 apples @ 5 d ?
Comme l’esperluette (&), @ est issu des chancelleries ; c’est la
ligature du latin ad (« à » en français)
où le a et le
cursifs de l’onciale ont fini par se confondre. Il constituait la première
ligne d’adresse de documents diplomatiques.
Le nom français de ce caractère, est selon l’AFNOR «
a commercial », comme le & est « et commercial
». Cependant, le nom que lui donnent les internautes français
tourne autour de sa forme : « a-rabesque », «
a-rrondi », « a enroulé ». Mais
le nom le plus fréquemment employé est « aroba »,
« arobase » ou « arrobas ». Il vient probablement
d’une confusion : on trouve en effet dans les catalogues de fondeurs français
un caractère qui a à peu près la même graphie
que @, qui s’appelle « arobas », mais qui correspond à
quelque chose de complètement différent : c’est le symbole
d’une ancienne unité de poids et de capacité encore usitée
en Espagne et au Portugal, arroba, équivalant à 12
à 15 kg ou 10 à 16 l, dont le vrai nom français est
d’ailleurs « arrobe » ou « arobe ». Le mot provient
de l’arabe dialectal arbaca signifiant « quatre
».
Une autre interprétation est que « arobas » soit
une déformation de « a rond bas (de casse) »
: « a rond » pour le a dans un rond, et «
bas de casse », désignant les lettres minuscules qui se trouvaient
en bas de la casse, planche à casiers dans lesquels étaient
classées les formes en plomb des lettres.
Bibliographie :
-
Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert,
1998.
S. MEHL, Petite
chronologie des mathématiques.
-
Les
archives de la liste de diffusion historia Mathematica.
-
Earliest Known
Uses of Some of the Words of Mathematics
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Vocabulario Etimológico en
Matemáticas
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Rubrique des avis de recherche dans le bulletin de l’association des professeurs
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F. CAJORI, A history of mathematical notations, The open court publishing
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S. SCHWARTZMAN, The words of mathematics, An etymological dictionary
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of America, 1994.
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G. IFRAH, Histoire universelle des chiffres, Robert Laffont, 1994.
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B. HAUCHECORNE, D. SURATTEAU, Des mathématiciens de A à
Z, Ellipses, 1996.
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P. CEGIELSKI, « Historique de la théorie élémentaire
des ensembles », dans Fragments d’histoire des mathématiques
II, brochure APMEP n° 65, 1987.
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