Chapitre 2 :

Les conceptions éducatives de Paul Robin

 

 

Au cours de cette longue vie, Paul Robin a établi une théorie éducative innovante qu’il a eu la chance de mettre en pratique. Durant tout ce temps, et surtout après sa révocation de Cempuis, il a fait évoluer sa théorie en se servant de ses expériences. Convaincu, déjà avant son arrivée à Cempuis que la question de population détermine tout, il n’en abandonne pas pour autant tout intérêt pour l’éducation.

 

La définition que donnait Robin de l’éducation intégrale, ne contient pas, en tant que tel, un objectif de régénération humaine. Elle répond plus à des objectifs de justice et d’égalité entre les hommes :

 

« Nous n’avons pas le moins du monde la prétention de faire de nos élèves des savants universels. Par ce mot d’éducation intégrale, nous entendons celle qui tend au développement progressif et bien équilibré de l’être tout entier, sans lacunes, ni mutilation, sans qu’aucun côté de la nature humaine soit négligé ni systématiquement sacrifié à un autre. […]L’éducation intégrale contient et réunit les trois facteurs habituels, à savoir : l’éducation physique, intellectuelle et morale. »[1]

 

De même, dans ses articles de la Revue de philosophie positive, écrits avant sa rencontre avec le néo-malthusianisme, Robin n’expose pas de vues régénératrices. Il précise bien en conclusion, que cette méthode peut servir au « développement et au perfectionnement de l’homme au triple point de vue moral, intellectuel et physique »[2]. Il serait simpliste d’y voir une orientation néo-malthusienne, le perfectionnement de l’homme étant, dans un sens ou un autre, l’objet de presque toutes les écoles philosophiques. Si Robin précise déjà en 1869 que l’éducation physique détermine l’éducation intellectuelle, il ne faut pas y voir une influence néo-malthusienne non plus. Le positivisme et le darwinisme, alors très répandu, ont déjà propagé cette idée du déterminisme physique. Le néo-malthusianisme étant lui-même influencé par la philosophie évolutionniste, il y a là une convergence. Robin n’a donc fait évoluer sa pensée que dans les années qui précèdent sa nomination à Cempuis, comme nous le verrons dans les lignes qui suivent. Il faut toutefois se rendre compte que s’il n’a pas appliqué à Cempuis tout son programme exprimé en 1869, ce n’est qu’une conséquence de l’adaptation de toute théorie à la réalité et des difficultés matérielles rencontrées. Le néo-malthusianisme ne s’oppose en rien à l’éducation intégrale telle qu’elle est exposée dans la Revue de philosophie positive. Il apporte tout de même quelques éléments de plus, surtout en ce qui concerne le rôle social de l’éducation, mais aussi aux domaines tels que l’éducation sexuelle, que nous traiterons à part.

 

Paul Robin s’est construit une théorie complète qui fait de l’éducation intégrale la deuxième phase de la régénération humaine, après la limitation des naissances. Il faut par ailleurs noter que lorsqu’il était directeur de Cempuis, Robin a aussi eu une activité néo-malthusienne, mais très réduite et discrète. Nous avons parlé de son rôle dans l’établissement d’un dispensaire anticonceptionnel à Paris, mais il faut rajouter qu’il a donné des conférences néo-malthusiennes, dont celle de Bruxelles, en 1891, où il parle, en tant que directeur de Cempuis, devant des étudiants. Certains de ces détracteurs de 1892-1894 verront aussi, abusivement, du néo-malthusianisme dans des articles qu’il a écrit dans le Bulletin de l’orphelinat Prévost[3].

L’éducation n’est pas absente du programme de la L.R.H., exprimé dans le numéro programme de Régénération en 1896 :

 

« Oui ! Notre propagande a deux parties essentielles […].

D’abord déblayer le terrain[…].

Ensuite. À mesure que ces heureuses dispositions feront place à de nouveaux êtres de qualité meilleure, déjà simplement parce que voulus et soignés, appliquons tous nos efforts à développer au maximum ces qualités, qui s’élèveront encore dans la génération suivante. […]

C’est le seul chemin sûr pour arriver à de bonnes organisations sociales. »[4]

 

Le sous-titre de Régénération, « Bonne naissance, bonne éducation, bonne organisation sociale » est expliqué ainsi.

On peut se douter que le parcours personnel de Robin et son passage à Cempuis aient influencé ce texte. Gabriel Giroud considère que Paul Robin, convaincu par le néo-malthusianisme dès son séjour anglais, a toutefois réexaminé la question de population en 1895 avant de décider d’y consacrer son énergie militante. « Il considère la question de population en pédagogue et en philosophe »[5].

Toujours selon Giroud, sa conception du néo-malthusianisme prend alors une autre forme, à la lumière de l’expérience de Cempuis.

 

« Il est préoccupé de la nécessité primordiale, pour la réussite de tout système éducatif, pour le perfectionnement et le bonheur de l’humanité de combattre l’accroissement de population et d’empêcher, ou tout au moins de limiter la procréation de dégénérés, scrofuleux, rachitiques, lourde tare, joug encombrant que l’ivrognerie, la débauche, l’hystérie, filles de notre état social incohérent, imposent à l’humanité. »[6]

 

C’est en effet de cette manière là que Robin tente d’introduire le néo-malthusianisme dans les premières années après sa révocation, quand peu de gens connaissent les principes néo-malthusiens. Il se sert de sa popularité issue du scandale de Cempuis pour proposer de nombreux articles néo-malthusiens à de nombreux journaux socialistes ou scientifiques. Il se heurte d’ailleurs à un grand nombre de refus. Dès juin 1890, il avait proposé l’article « Pain, loisir, amour », qui présente le néo-malthusianisme, à Benoît Malon, qui dirige la Revue socialiste. Malon refuse. Il refusera encore en 1891. Son successeur, Georges Renard, refusera le même article en 1894 après la révocation de Robin.

Robin aura plus de succès en présentant la bonne naissance comme nécessaire à la réussite de l’éducation intégrale. Il fait paraître en 1897, dans l’almanach de la Question sociale illustrée, l’article « le problème du bonheur humain ». L’objet de l’article est de parler de l’éducation intégrale et de son rôle dans la régénération humaine. On y trouve une définition des divers types d’individus, de naissances inégales, pour lesquels il faut des éducations différentes.

 

« Pour les meilleurs, il n’y a qu’à répondre à leurs nobles besoins d’activité physique, intellectuelle, à leur fournir les moyens de satisfaire leurs inépuisables curiosités dans la plus parfaite liberté.

Pour les médiocres, il faut un peu les entraîner, les pousser tout en ménageant le plus possible leur liberté, de manière à les habituer à user de ce bien précieux par dessus tout autre.

Des inférieurs, tâchons de faire presque exclusivement de bons animaux, prenons contre leur nuisibilité toutes les précautions nécessaires, mais en frères pleins de tendresse pour les pauvres irresponsables, et ne les tourmentons pas en voulant leur inculquer des notions au-dessus de leur portée, ou en leur imposant des excès de travail plus cruels encore pour eux que pour les mieux équilibrés. […] La question de la bonne naissance prime celle de l’éducation. »[7]

 

Maurice Dommanget remarque que dans les premières années qui suivent sa révocation, Paul Robin va s’appuyer sur son expérience éducative pour souligner les problèmes des enfants de « mauvaise naissance ». Ces mauvaises naissances, généralement doublées par une mauvaise éducation conduit un grand nombre d’enfants dans la criminalité et, finalement dans les bagnes, quand ce n’est pas directement au cimetière. C’est ainsi que Robin pense convaincre de la nécessité de limiter les naissances. Pour Dommanget c’est l’expérience de Robin à Cempuis qui le conduit à subordonner l’éducation à l’eugénisme[8].

La procréation consciente doit éviter la transmission de tares héréditaires, et donc améliorer la qualité des hommes. Elle doit aussi permettre d’éviter la génération non voulue, qui ne réunit pas les conditions nécessaires pour assurer à coup sûr la bonne santé de l’enfant. Par cette amélioration on pense n’avoir alors à éduquer que des individus doués, capables de profiter pleinement de l’éducation intégrale. Car, Paul Robin doute de l’intérêt d’une éducation intégrale pour des « dégénérés », comme nous l’avons vu précédemment.

 

« Vouloir choisir les meilleurs enfants (et donc dans la période actuelle, il faut se contenter de dire les moins mauvais), les laisser se développer au maximum moyen aux points de vue physique, intellectuel et moral, avec le plus de liberté possible, une large, mais simple alimentation, tout l’exercice que réclament des organes sains, en leur facilitant la satisfaction de toutes les curiosités que fait naître en eux la vue des splendeurs ou des puissances de la nature ou des merveilles de l’industrie, sans leur imposer aucune des entraves matérielles et morales, de ces affirmations a priori, tristes survivances d’un passé qui s’efface, entraves qui débilitent le corps et le cerveau, c’est tout un programme d’éducation rationnelle.

Tenter sa réalisation, c’est un crime que ne peuvent pardonner les puissants attardés et dégénérés. Tous leurs efforts se sont coalisés pour en écraser, presque dans le germe, la première tentative assez réussie. »[9]

 

Par cette référence, Robin montre clairement Cempuis et le système d’éducation intégrale comme outil de régénération. Il sous-entend même que c’est la cause du scandale de 1894. Dans le même texte, il accuse le système moderne de faire une « sélection à l’envers » en soignant « les faibles, les attardés, les dégénérés » par des systèmes d’assistance sociale[10].

Suivant Robin dans son orientation néo-malthusienne après l’avoir suivi dans son orientation pédagogique, Gabriel Giroud porte le même regard que Robin sur Cempuis. Si Robin considère qu’il disposait, grâce à son système de sélection à l’entrée, des enfants « les moins mauvais », Giroud met le doigt sur ce qui fut, selon lui, le principal obstacle à la réussite de l’éducation intégrale : le « déplorable atavisme de certains »[11]. Pour limiter les mauvaises influences de l’hérédité et pour étudier le rôle réel de l’hérédité dans un milieu considéré comme privilégié, Robin avait envisagé, en 1894 de créer un pouponnat. Cela devait permettre de comprendre en quoi le milieu favorable que constitue Cempuis pouvait remédier aux tares héréditaires en éliminant toute influence, souvent mauvaise, d’une première éducation donnée par la famille, c’est à dire essentiellement la mère. Cempuis ne prenait aucun enfant de moins de quatre ans, n’étant pas adapté pour s’occuper d’enfants en bas âge. D’autre part, Cempuis ne prenait pas non plus d’enfants de plus de dix ans, âge à partir duquel on considère qu’on ne peut plus récupérer les torts causés par l’éducation classique.

Ce côté élitiste apparaît beaucoup dans le discours de Robin, mais aussi de Giroud qui défend constamment les actions de son beau-père. Mais il fait aussi la part de la théorie et de la pratique.

 

« Pourront être admis les enfants de 4 à 10 ans particulièrement doués et aptes par leurs qualités physiques, morales et intellectuelles à profiter de l’éducation spéciale donnée dans cet établissement. Ce programme, pour de nombreuses raisons, […] ne fut suivi que de très loin. »[12]

 

Pourtant, les formalités d’admissions ne sont pas simples. Il y a tout d’abord une visite médicale complète et approfondie, puis une délégation de la commission administrative examine les enfants et « leur fait subir un premier examen au point de vue intellectuel et moral »[13]. Mais cette délégation ne décide de rien. C’est toute la commission administrative qui décide d’une admission à la vue du dossier. Cette admission est provisoire. L’essai dure de trois à six mois et la commission administrative ne décide de l’admission finale qu’après avoir pris connaissance du rapport du directeur. Beaucoup de précautions ont donc été prises pour éviter l’entrée d’enfants qui pourraient ne pas être au niveau exigé. S’il a peut-être fallu assouplir les critères, comme le laisse entendre Giroud, il y a tout de même eu un nombre non négligeable d’enfants refusés. Nathalie Bremand en compte 144 sur 591 entre 1880 et 1894[14].

Le dossier de chaque enfant doit aussi prendre en compte l’hérédité puisque le Bulletin de l’orphelinat Prévost évoque, pour l’admission, une « enquête faite sur les parents eux-mêmes » qui doit présenter « des garanties sérieuses »[15].

 

L’importance donnée à cette sélection, au moins dans la théorie, montre surtout que le type d’éducation donné à Cempuis ne pouvait être bénéfique que pour des enfants sains. C’est en tout cas ce que veulent les promoteurs de l’éducation intégrale. En cela, ce type d’éducation correspond à la volonté régénératrice de Robin. Il faut aussi remarquer que dans le processus d’admission, Robin intervient peu. La commission administrative a une grande tâche dans cette sélection. On peut se demander si les critiques de Giroud sur l’application de la sélection à l’entrée ne sont pas destinées à cette commission. En tout cas, il est évident que Robin aurait souhaité une plus grande rigueur. Mais il n’y a pas eu vraiment de désaccord entre le directeur et sa hiérarchie là dessus. Christiane Demeulenaere-Douyère insiste, dans sa biographie de Paul Robin, sur la volonté du conseil général de la Seine de faire de Cempuis un laboratoire social, un exemple, chargé de former une nouvelle génération de citoyens républicains, ferments « d’une race forte, une nation intelligente »[16]. Il s’agirait donc, selon elle, d’une volonté du département de la Seine, de faire de l’éducation intégrale une éducation « régénératrice », qui ne pouvait être dispensée à tous les enfants, d’où la dimension élitiste. Mais il ne faudrait pas exagérer le rôle du conseil général. Robin avait plus ou moins la même optique. Le manifeste aux partisans de l’éducation intégrale, qui sert de plate-forme à l’Association universelle d’éducation intégrale, ne cache pas, dans son appel final, que l’objectif de tout le système est la « régénération sociale », formule suffisamment imprécise pour satisfaire le conseil général tout comme le néo-malthusien Robin.

 

Robin complète aussi sa théorie en donnant un rôle éminent à l’hygiène de vie quotidienne, au sport, qui sont nécessaires pour créer de bons générateurs. Il donne une grande importance au carnet anthropométrique[17] de Cempuis. Il en fait même le principal instrument de toute pédagogie qui se veut scientifique. Ainsi il exprime la nécessité absolue d’un développement physique sain, déterminant toute éducation intellectuelle.

 

« Pour suivre ce développement et apprendre à le guider avec prudence, on commence des séries d’observations, d’expériences, de mesures anthropométriques. […] Ces utiles études pratiques occuperont des laboratoires spéciaux et seront poussés loin par une pédagogie vraiment scientifique dont elles seront le principal guide. »[18]

 

Ce système anthropométrique sera retravaillé par Giroud qui le complète en publiant ses « Observations sur le développement de l’enfant. Petit guide d’anthropométrie familiale et scolaire » en1902. Les fiches anthropométriques qu’il établit ont l’ambition de retracer totalement l’enfance, avant même la naissance, d’un point de vue physique, puis intellectuel et moral. Ce véritable carnet de vie doit servir aux pédagogues et psychologues qui souhaitent comprendre leurs élèves. Les observations anthropométriques conseillées par Giroud ont été réalisées par lui-même sur son enfant. Il insiste sur l’importance de l’ascendance et « l’état général de la maman durant la période de grossesse »[19]. Il donne aussi des méthodes pour fabriquer des appareils pouvant mesurer diverses caractéristiques de l’enfant. On remarque l’utilisation du spiromètre Robin, qui permet de mesurer la capacité pulmonaire plus facilement qu’avec le spiromètre à liquide classique, ou encore du dynamomètre Robin, qui améliore les dynamomètres Mathieu et Trouvé, et mesure plus précisément la capacité musculaire de l’enfant.

 

S’il se consacre prioritairement au néo-malthusianisme après sa révocation, Paul Robin continue son agitation pour l’éducation intégrale. L’édition en 1903 d’une nouvelle revue nommée l’Éducation intégrale, présentée comme la suite du Bulletin de l’orphelinat Prévost, est révélatrice de ce nouvel intérêt de Robin pour l’éducation, dès qu’il est déchargé de la charge de Régénération par Eugène Humbert. Les thèmes concernant l’hygiène ou la culture physique y sont particulièrement développés. L’éducation est mêlée à la limitation des naissances. Dans son numéro 2, du 15 novembre 1903, l’Éducation intégrale présente une petite scène où un parent d’élève discute avec un instituteur. La morale est claire : la maternité consciente permet une meilleure éducation.

 

Christiane Demeulenaere-Douyère note que si Paul Robin s’est consacré à la politique tout d’abord, puis à l’éducation et enfin à la limitation des naissances, il a fait le chemin inverse de celui qu’il préconise à la fin de sa vie. Robin a insisté sur l’ordre nécessaire des trois actions : premièrement bonne naissance, deuxièmement bonne éducation, troisièmement bonne organisation sociale. On peut penser que cet ordre résulte du parcours personnel de Robin et de ses échecs. C’est aussi ce parcours que Francis Ronsin déchiffre dans « La vraie histoire de Croc-mitaine (le bon chiffonnier) »[20], édité en bande dessinée par Régénération. Le Croc-mitaine, personnage de légende, destiné à effrayer les enfants, est réhabilité car il recueille les enfants abandonnés et leur apporte le bonheur. Il s’agit de la référence à Cempuis. Puis, les enfants lui sont retirés de force par les religieux, référence à sa révocation. Le Croc-mitaine décide donc d’éduquer les parents. La dernière case montre Paul Robin expliquant à des parents les principes de la L.R.H. Ce parcours a sans doute déterminé la nouvelle conception du néo-malthusianisme et de l’éducation intégrale que propage alors Robin.

Ayant échoué dans l’action politique, il pense que l’éducation des individus est primordiale pour leur permettre de faire fonctionner une organisation sociale égalitaire, justifiant ainsi au sein de l’A.I.T. l’importance qu’il donne à l’éducation intégrale. Ensuite, ayant échoué à Cempuis, il réexamine le néo-malthusianisme à la lumière de son nouvel échec dont la cause est le « déplorable atavisme » de beaucoup d’enfants qu’il reçoit. Le monde scientifique d’alors, influencé par Darwin, donne une grande importance à l’hérédité et au développement physique. Robin, en scientifique conséquent et en néo-malthusien convaincu, intègre ces données et les conclusions de son expérience personnelle à sa théorie déjà ancienne de l’éducation intégrale. A partir de là, il lui semble presque inutile de s’occuper d’éducation de manière pratique sans avoir préalablement diminué la population pour constituer des enfants sains.

Cette conception particulière de Robin a profondément marqué le néo-malthusianisme français. Le choix du nom du premier organe néo-malthusien, Régénération, le choix du nom de l’organisation, la Ligue de la régénération humaine, laissent entendre que le néo-malthusianisme ne s’arrête pas à la limitation des naissances, ou à la bonne naissance. Il s’agit là aussi d’une différence vis à vis du mouvement anglais. Le débat sur le nom de la Ligue est révélateur. Le premier nom envisagé était « Régénération. Ligue pour l’amélioration de la race humaine : sélection scientifique, éducation intégrale. »[21]

C’est pour cela que l’éducation n’est pas une propagande annexe du néo-malthusianisme tel que le pacifisme, comme le dit Francis Ronsin[22], mais bien une composante du néo-malthusianisme français. L’impact de Paul Robin est donc considérable.

 

 

Pourtant il faut remarquer que parmi tous les militants néo-malthusiens qui s’expriment dans les divers journaux, par des brochures ou dans les conférences, peu ont le même intérêt que Robin pour la question éducative.

Certains considèrent simplement le néo-malthusianisme dans son ensemble comme une œuvre d’éducation populaire puisqu’une de ses premières tâches est l’enseignement des méthodes anticonceptionnelles et de l’hygiène sexuelle. On parle alors d’éducation au sens large. Cette éducation sexuelle ne s’adresse pas aux enfants, mais aux parents. C’est apparemment la position majoritaire des néo-malthusiens anglais et hollandais. Lors du congrès de la Fédération universelle de la régénération humaine tenu en Belgique les 17 et 18 septembre 1905, le texte « Éducation et propagande régénératrice », voté, ne concerne que l’enseignement des méthodes contraceptives[23]. De même, lorsque le groupe de Bordeaux de la L.R.H. prend le nom de Groupe d’éducation sociale, en 1906, cela ne démontre pas un intérêt particulier pour l’éducation intégrale ou pour l’éducation des enfants.

 

Certains militants ont refusé le concept de Robin et se consacrent prioritairement à d’autres activités. Régénération reste généralement très concentré sur le seul problème de la limitation des naissances, mais régulièrement, d’autres thèmes sont traités. Il semble que, conformément aux origines libertaires du mouvement, le pacifisme soit le problème le plus traité.

 

« Juste après la notre, la propagande anti-militariste est celle à laquelle nous attribuons la plus grande importance. Ce sont les assassins professionnels et leurs esclaves qui maintiennent violemment toutes les iniquités.

Nous avons signalé en leur temps l’activité d’Urbain Gohier, Lhermitte, Dubois-Dessaule, Vallier, Malato,… Nous nous plaisons à annoncer, avec tous les périodiques émancipés, le congrès antimilitariste qui aura lieu à Londres en juillet prochain, et auquel adhère Régénération. »[24]

 

Mais globalement la question du pacifisme est toujours traitée comme dépendante de la limitation des naissances. La surpopulation d’un pays obligé de s’agrandir pour nourrir ses habitants est la cause première toute guerre. De plus, c’est la surpopulation qui empêche chaque homme d’avoir un métier utile et qui pousse ainsi certains « aux ignobles métiers de garde chiourmes, gendarmes, policiers, soldats, etc. formant la classe des esclaves tortureurs [sic]et tueurs »[25].

Il est vrai que de nombreux militants venus du mouvement ouvrier ne comprennent pas en quoi la question de population doit déterminer toutes les autres. Leur propagande néo-malthusienne n’est pas basée sur la loi de population de Malthus mais sur des aspects plus individuels comme la liberté des femmes de n’avoir d’enfants que lorsqu’elles le souhaitent, ou la nécessité de diminuer le nombre d’enfants dans les familles ouvrières nombreuses et très pauvres. Le débat s’installe dans Régénération entre Jeanne Dubois et Paul Robin[26]. Paul Robin ne rejette pas les autres combats, mais précise que la surpopulation les rend inefficaces. La dépopulation est donc nécessaire à l’émancipation de l’humanité. Pour Jeanne Dubois, le néo-malthusianisme n’est qu’un combat, ni plus ni moins important que les autres, qui concourent tous au « Bonheur intégral ».

Paul Robin lui-même se consacrera à d’autres projets. En mars 1906, un an après l’arrêt de la nouvelle série de l’Éducation intégrale, il informe ses lecteurs qu’il s’intéresse à d’autres œuvres : la défense des prostituées et la création d’une agence d’union libre, qu’il considère comme des « œuvres connexes » dont il faudrait s’occuper si la limitation des naissances laissait du temps[27]. Robin semble découragé par l’échec de sa revue pédagogique. Il tentera tout de même de la relancer en novembre 1906, mais cette série n’aura que deux numéros.

Jeanne et Eugène Humbert peuvent être présentés comme un exemple du décalage qui existe entre les principes de Robin et ce que le néo-malthusianisme français en garde. Lorsque Sébastien Faure fera appel à eux pour son « Encyclopédie anarchiste », dans les années 1930, il leur demande de définir la régénération du point de vue néo-malthusien. Mais leur article ne fait que très peu mention de l’éducation dans les principes de la régénération. Ils mentionnent bien quelques principes d’hygiène de l’enfance qui sont plus de la puériculture que de l’éducation. Le dernier des dix principes de la régénération est bien l’éducation sexuelle, dont l’unique objectif est le respect et la compréhension entre hommes et femmes pour une plus grande liberté sexuelle. L’éducation intégrale est bien mentionnée, mais pas en seconde place après la bonne naissance, en conclusion comme l’un des éléments qui complète la régénération en même temps que « le développement général des principes d’hygiène individuelle et sociale devant remplacer la médecine, la transformation de la société bourgeoise ou capitaliste en un milieu social qui assurerait à tous le bien être, c’est à dire les possibilités pour tous les êtres humains de se développer sainement, intégralement… »[28]

 

 

Face à ce désintérêt, Paul Robin, déçu, pense d’abord soutenir l’initiative de l’Éducation libertaire, journal dont le premier numéro en 1900 n’avait pas eu de suite, mais qui est relancé en 1902. Il en annonce la parution prochaine dans Régénération en juillet 1902.

 

« Nous nous attachons surtout dans « Régénération » à la première partie du programme résumé dans ces deux mots : bonne naissance, c’est à dire provenant de maternité réfléchie, éclairée, volontaire.

La seconde partie est et sera de mieux en mieux traitée par « l’Éducation Libertaire » qui n’a pas encore complètement triomphé de l’énorme difficulté du début, mais que tout fait espérer voir enfin devenir sans nouveau délai, un organe régulier et important. Il sera guide des éducateurs professionnels et des parents voulant réellement travailler à la transformation du sauvage actuel en digne humain, beau, sain, intelligent, habile et bon. »[29]

 

Mais nous n’avons retrouvé aucune trace de ce nouveau premier numéro promis. Ce projet a du être un nouvel échec.

Robin va donc réactiver sa propagande pour l’éducation intégrale. Il relance la revue l’Éducation intégrale en 1903 et tente de la diffuser au maximum dans les milieux néo-malthusiens. Il la présente comme « complément nécessaire de Régénération » et lance un appel aux « partisans d’une de ces propagandes étroitement connexes » qui se doivent de « favoriser l’autre »[30]. Devant les problèmes que cette revue a pour survivre, les appels aux lecteurs de Régénération se renouvellent toujours plus pressants et Robin explique à plusieurs reprises en quoi les néo-malthusiens devraient s’intéresser à l’éducation intégrale.

 

« Quel que soit le cas, les parents conscients doivent avoir désormais pour but de faire que leurs enfants soient heureux à tous les points de vue, sains de corps et d’esprit, vigoureux, beaux, instruits et, par dessus tout, bons.

Sans exception, tous les parents et amis d’enfants, lecteurs et abonnés de Régénération devraient s’abonner à l’Éducation intégrale, la sœur inséparable. »[31]

 

Devant l’échec apparent de ces démarches, Robin décide de limiter volontairement l’action de Régénération dans le domaine éducatif pour y consacrer plus spécialement l’Éducation intégrale. Robin veut diviser le travail.

 

« Nous avions considéré comme possible au début de traiter les deux premiers et plus importants chapitres de la Régénération Humaine : Bonne naissance, Bonne éducation. Le premier a plus qu’absorbé tous les efforts possibles dans notre petit périodique. […] Nous avons donc supprimé de notre sous titre Éducation intégrale et précisé la partie négative de bonne naissance, en remplaçant ces mots par ceux-ci : Limitation volontaire des naissances. Cela ne nous empêchera pas de traiter aussi de la partie positive, appelée aujourd’hui puériculture et dont l’action doit commencer chez la mère bien avant la conception. […]

Chers amis, donnez au rédacteur de ces lignes, encore cette joie, et à vous-même et à tous, ce grand avantage de faire vite réussir l’entreprise connexe à celle de Régénération. Aidez les rédacteurs de l’Éducation intégrale à contribuer à rendre moins malheureuses les nouvelles générations d’enfants, à rendre meilleurs et plus habiles parents, ceux qui ont commis l’imprudence de retirer du néant les êtres possibles auxquels ils ne procurent le plus souvent qu’une vie si peu digne d’être vécue. »[32]

 

Pour mieux afficher cette « division du travail », il sera dit dans les annonces pour la parution de l’Éducation intégrale, que c’est une œuvre « purement pédagogique »[33]. Le nom de Robin y est mis en avant avec l’épithète « ancien directeur de l’orphelinat de Cempuis ».

Lorsqu’elle est recréée en octobre 1903, elle est tout d’abord administrée par C. Papillon, 5 passage du Surmelin[34] à Paris. En avril 1904, André Girard[35] devient administrateur. La revue suit les initiatives de pédagogues qui mettent en pratique les principes de l’éducation intégrale, qu’ils s’en réclament, comme Ferrer pour l’École moderne ou qu’ils ignorent l’expression de Robin, comme Harry Lowerison et sa Ruskin School-Home à Heacham, en Angleterre. Elle s’occupe aussi de réflexion sur l’éducation publique et bénéficie de la collaboration occasionnelle de syndicalistes dont l’enseignante Henriette Meyer.

La réflexion éducative a l’ambition d’être d’un haut niveau pédagogique, mais lorsque André Girard souhaite exposer, dans une longue série d’articles, en quoi l’évolutionnisme doit permettre une pédagogie scientifique[36], il ne fait qu’expliquer ce qu’est l’évolutionnisme. On a beau chercher un rapport avec l’éducation, l’auteur reste dans le flou.

Toutefois cet article a le mérite de poser la question de l’hygiène à l’école et de son rôle dans le développement physique des enfants. Selon Girard, les préceptes d’hygiène devraient être « conformes aux lois évolutives » et donc permettre une amélioration de la race[37]. Il critique les hygiénistes d’État, convaincu que les règles d’hygiène sont nécessaires pour le bon développement physique des enfants, mais qui refusent d’appliquer les mêmes idées scientifiques pour la formation intellectuelle et morale. Cette dernière formation serait trop imprégnée de spiritualisme et de religion. On demande aux enfants d’apprendre une grande quantité de connaissances inutiles, subjectives, qu’ils ne peuvent comprendre à leur âge. La science doit permettre d’échelonner les programmes pour qu’ils correspondent aux capacités physiologiques des enfants. D’après Girard, cela doit aboutir à une individualisation de l’enseignement qui corresponde au développement de chaque enfant, tenant compte de ses atavismes et de ses capacités physiques. De même pour les règles de morale, qui punissent des enfants qui ne sont pas responsables de leurs fautes, soit qu’ils sont trop jeunes pour les comprendre, soit que leur hérédité ne leur permette pas de se corriger.

Sur ce point, André Girard défend totalement la théorie de Paul Robin, mais il n’est pourtant pas un véritable néo-malthusien au sens où l’entend Robin. On ne peut pas considérer l’Éducation intégrale comme une revue néo-malthusienne qui traite d’éducation, c’est à dire comme Robin veut la présenter à ses lecteurs de Régénération. Pourtant elle reste fidèle à l’éducation intégrale tel que Robin la pense.

 

Régénération, reste donc un support pour la diffusion des principes pédagogiques de Robin. Outre les annonces pour la parution de l’Éducation intégrale, lorsqu’il paraît, Régénération diffuse, dès 1902, divers ouvrages pédagogiques, comme celui de Gabriel Giroud sur Cempuis, déjà cité, ou encore les « Fêtes pédagogiques », comptes rendus des sessions normales de pédagogie pratique tenues à Cempuis. Les vieux numéros du Bulletin de l’orphelinat Prévost et les ouvrages imprimés à Cempuis sont aussi vendus par le journal. Il faut remarquer que les bénéfices de ces ventes se font au profit de Régénération, jusqu’au lancement de l’Éducation intégrale. Ces ouvrages font même l’objet de promotions : 5 francs seulement pour les trente premières commandes des « Fêtes pédagogiques » ![38]

 

Après la fin définitive de l’Éducation intégrale en décembre 1906, Robin recommence à écrire des articles purement pédagogiques dans Régénération. Ces articles ne se préoccupent plus vraiment de faire un lien entre régénération humaine et éducation. Il s’agit de pédagogie pure, ou, plus souvent, de puériculture. L’article « Conseil aux femmes » paraît dans les numéros 31 et 32 de la seconde série de Régénération. Il traite une partie de l’éducation qu’il n’a pas eu le temps d’expérimenter à Cempuis, celle des enfants de moins de quatre ans. Robin explique que des petits enfants, de deux à quatre ans ont besoin d’autres enfants, plus grands, comme éducateurs. Il défend les « petits papas » et « petites mamans » institués à Cempuis, sans les citer. Il critique sévèrement les « fausses notions », communes chez les parents et « gardeuses » d’enfants.

 

« Les enfants de toutes classes sont abêtis par le langage de leurs gardeuses, inepte en voulant être enfantin, par les notions anti-réelles, idiotes, effrayantes, angoissantes qu’on lui infuse à tout propos, par le tripotage, caresse, bousculements ou coups dont on les fatigue sans cesse, par les balancements, les secousses vigoureuses qu’on leur imprime pour les amuser ou pour faire cesser leurs cris. »[39]

 

Robin préconise la création de petites communautés, « associations familiales », où plusieurs parents convaincus par l’éducation intégrale, garderaient leurs enfants, leur permettant ainsi de laisser une partie du travail aux enfants plus âgés, plus aptes à s’occuper des petits. Ces garderies collectives permettraient d’avoir plus de moyens pour respecter les règles d’hygiène et pour avoir un terrain vaste permettant aux enfants de jouer. Cet article n’a rien de purement régénérateur, mais Robin le justifie toujours en appelant l’éducation intégrale la « suite logique de Régénération ».

 

Durant sa dernière année de participation à Régénération, Paul Robin va se contenter de relayer les initiatives éducatives d’autres pédagogues. Il abandonne le terrain pédagogique. Il participe en 1908 au premier numéro de l’École rénovée, revue créée par Francisco Ferrer[40] dans son exil belge. Robin a conscience, que l’éducation intégrale n’a pas le succès escompté auprès des lecteurs de Régénération et, on peut le penser, auprès des néo-malthusiens. Il continue néanmoins à encourager ses lecteurs à l’achat des divers ouvrages sur Cempuis, essentiellement les « fêtes pédagogiques » et les livres de Giroud sur Cempuis et sur le développement des enfants. Il expose clairement son amertume :

 

« J’aurais bien voulu voir la sœur cadette de la bonne naissance, la bonne éducation, accompagner de près, inséparable, son aînée. Les forces d’un homme ont d’étroites limites et la septentaine ne les élargit pas ! Ce que je n’ai pas fait, d’autres le feront, et bientôt peut être, en Belgique, le pédagogue et le martyr espagnol, notre cher ami Ferrer ! »[41]

 

Outre l’Éducation intégrale, Robin va aussi se consacrer à la propagation de la méthode Galin-Paris-Chevé, qu’il connaît et pratique déjà alors qu’il est jeune professeur à Brest. En 1902, il prend l’initiative d’envoyé à chaque abonné de Régénération un prospectus de présentation de la méthode musicale Galin-Paris-Chevé. Dans divers articles de Régénération, il a mentionné cette méthode sans vraiment l’expliquer. Il décide de reprendre activement sa propagation quand Régénération et la L.R.H. se porte mieux. Il profite de cette nouvelle audience néo-malthusienne pour populariser la méthode d’enseignement musical Galin-Paris-Chevé.

 

« En la recommandant ici, nous ne sortons pas de notre sujet ; notre but principal est d’enlever à la vie humaine sa plus atroce douleur, la procréation non désirée. C’est un très important accessoire que de lui ajouter la grande joie de pouvoir lire et chanter la musique à vue, sans secours, comme on lit un imprimé quelconque, et de l’écrire aisément d’après la dictée, le souvenir ou l’inspiration. »[42]

 

La méthode musicale Galin-Paris-Chevé est surtout introduite dans Régénération par intérêt et bénéficie d’une nouvelle audience. Le néo-malthusianisme n’est en rien destiné à un intérêt pour l’enseignement musical, si ce n’est un intérêt présumé pour l’éducation intégrale. Mais Robin va aussi tenter de lancer la revue Eugraphie qui se préoccupe d’écriture rationnelle, c’est à dire d’orthographe simplifiée et de sténographie. Là encore l’intérêt de Robin est purement pédagogique et il continue, par le biais du néo-malthusianisme, la propagation d’une méthode mise en œuvre à Cempuis. Le premier numéro d’Eugraphie est envoyé durant l’été 1903, « à de nombreux abonnés »[43], c’est à dire à des personnes dont on connaît l’intérêt pour l’éducation. Cette revue est administrée par un certain G. Marchioni, 27 rue d’Angoulême à Paris. En décembre 1903 et janvier 1904, on annonce à nouveau la sortie prochaine d’Eugrafie (dont l’orthographe du titre à été simplifié). Cette annonce est couplée à celle de l’Éducation intégrale, car « les personnes qui s’intéressent au premier chapitre de la Régénération humaine, ne peuvent pas manquer de s’intéresser au second »[44]. Mais l’orthographe simplifiée semble avoir moins de succès encore que l’éducation intégrale car la revue disparaît des lignes de Régénération en 1904.

 

 

Il faut remarquer que l’activité de Robin après 1894 est restée liée à son expérience de Cempuis. C’est par le scandale de sa révocation qu’il est connu du grand public et qu’il est respecté par le mouvement ouvrier. Ainsi quand il participe en 1902 à la fête de Noël des féministes parisiens, organisée au Salon des familles, avenue de Saint Mandée, il prononce, à l’invitation de Nelly Roussel, un discours sur la prudence procréatrice, mais l’assistance lui demande de parler de l’éducation intégrale, ce qu’il fait sommairement. Si le néo-malthusianisme a brouillé Robin avec nombre de ses amis, il n’a pas effacé son audience de pédagogue. Il semble donc logique que Paul Robin s’en serve au profit de ce qu’il considère comme primordial, la limitation des naissances.

Mais au-delà de cet intérêt stratégique, Robin a du tirer les leçons de ses échecs et analyser les obstacles qui se sont dressés face à ses rêves de bouleversement social. Comme beaucoup d’anarchistes, il pense que le premier obstacle à une société égalitaire, est la capacité des individus à gérer une telle société. Lors de son séjour en Belgique, Robin pense que l’éducation suffit à renverser le système capitaliste. Il doit évoluer. Après des échecs, il aboutit à une conception évolutionniste de l’éducation qui correspond avec une volonté régénératrice venue du néo-malthusianisme.

Mais tous les néo-malthusiens n’ont pas le même intérêt pour l’éducation et ne sont souvent convaincus que par l’aspect individuel de la procréation consciente. La régénération humaine passe au second plan et l’éducation avec. Pourtant, certains néo-malthusiens vont consacrer une grande partie de leur énergie militante pour l’éducation, sans forcément accepter toute la théorie de Robin sur la question.

 

 



 

[1] Cité par Roland Lewin, Sébastien Faure et la Ruche, op. cit. p. 37.

[2] Paul Robin, « De l’enseignement intégral » dans la Revue de philosophie positive, Tome IX (5ème année), juillet août 1872, p. 138.

[3] L’un des articles prétendument néo-malthusien se nomme « Bonté envers les animaux » et fut récompensé par la Société protectrice des animaux.

[4] Paul Robin, « Prochaine humanité » dans Régénération, numéro programme, 1896. Voir annexe n°3, p.131.

[5] Gabriel Giroud, Cempuis, op. cit., p. 9.

[6] Gabriel Giroud, Cempuis, op. cit., p. 9.

[7] Cité par Christiane Demeulenaere-Douyère, op. cit., p. 330.

[8] Maurice Dommanget, Paul Robin, op. cit., p. 36.

[9] Paul Robin, La dégénérescence de l’espèce humaine. Cause et remèdes, Paris, 1905, p. 2.

[10] Paul Robin, La dégénérescence de l’espèce humaine, op. cit., p. 1.

[11] Gabriel Giroud, Cempuis, op. cit., p. 194.

[12] Gabriel Giroud, Cempuis, op. cit., p. 274.

[13] Extrait du règlement de l’orphelinat, cité et commenté par Gabriel Giroud, Cempuis, op. cit., p. 275.

[14] Nathalie Bremand, op. cit., p. 63. Nathalie Bremand note aussi que le nombre des refusés augmente à partir de 1886, quand la population de l’orphelinat devient plus importante et que les locaux commencent à être étroits.

[15] Bulletin de l’orphelinat Prévost n°6, septembre 1883.

[16] Christiane Demeulenaere-Douyère, op. cit., p. 253.

[17] Voir annexe n°1, p. 129.

[18] Paul Robin, L’éducation intégrale. Culture harmonique de toutes les facultés physiques, intellectuelles et affectives, Paris, 1902, p. 1.

[19] Gabriel Giroud, Observations sur le développement de l’enfant. Petit guide d’anthropométrie familiale et scolaire, Paris, 1902, p. 14.

[20] Voir annexe n°2, p. 130.

[21] Projet de statuts de 1895, cité par Christiane Demeulenaere-Douyère, op. cit., p. 335.

[22] Francis Ronsin, « La classe ouvrière et le néo-malthusianisme : l’exemple français avant 1914 » dans Le mouvement social n°106, janvier mars 1979, p. 89.

[23] Compte rendu du congrès dans Régénération n°10 (2ème série), novembre 1905.

[24] Régénération n°21, février 1903.

[25] Régénération n°21, février 1903.

[26] Régénération n°11 (2ème série), décembre 1905.

[27] « Œuvres connexes » dans Régénération n°14 (2ème série), mars 1906.

[28] Jeanne et Eugène Humbert, « Régénération » dans L’encyclopédie anarchiste, Tome 3, p. 2304.

[29] Régénération n°14, juillet 1902.

[30] Annonce pour « l’Éducation intégrale » dans Régénération n°30, novembre 1903.

 

[31] Paul Robin, « l’Éducation intégrale », dans Régénération n°23 (2ème série), décembre 1906.

[32] « Division du travail » dans Régénération n°35, avril 1904. Bien que cet article soit anonyme, on y devine aisémentla plume de Paul Robin.

[33] Régénération n°38, juillet 1904.

[34] L’adresse se trouve à quelques mètres du domicile de Robin, rue Haxo, à 500 mètres du local de Régénération, rue de la Duée.

[35] André Girard (1860-1942) fut révoqué de son emploi à la préfecture de police de Paris pour avoir défendu Jean Grave. Il devient correcteur et collabore aux Temps Nouveaux. Il est néo-malthusien d’un point de vue individualiste mais reproche à Robin l’importance qu’il donne à la loi de population. Il collabore à de nombreuses revues éducatives.

[36] André Girard, « De l’idée évolutionniste dans l’éducation », dans l’Éducation intégrale n°8 à °11, juin à novembre 1904.

[37] André Girard, « De l’idée évolutionniste… » op. cit., dans l’Éducation intégrale n°11, novembre 1904.

[38] Dans Régénération n°12, mai 1902.

[39] Paul Robin, « Conseils aux femmes » dans Régénération n°32 (2ème série), septembre 1907.

[40] Il faut préciser que l’École rénovée est l’organe de la Ligue internationale pour l’éducation rationnelle de l’enfance, créée en avril 1908 par Francisco Ferrer, Henriette Meyer, institutrice et syndicaliste française et Charles-Ange Laisant, mathématicien et néo-malthusien français.

[41] « L’éducation intégrale » dans Régénération n°37 (2ème série), février 1908. Cet article n’est pas signé, mais il ne fait aucun doute qu’il est de la main de Paul Robin.

[42] Régénération n°14, juillet 1902.

[43] Annonce pour la parution d’Eugraphie dans Régénération n°26, juillet 1903.

[44] Régénération n°31 et 32, décembre 1903 et janvier 1904.