Article Irak
Article rédigé en septembre 2003-10-05
Sara Daniel
IRAK: l’occupation coûtera 87 milliards de dollars en
2004
Bush redécouvre l’ONU...
Alors que la relève des troupes de la coalition
devient urgente, George Bush demande l’envoi en Irak
d’une force multinationale qui serait placée sous
commandement… américain
Bush redécouvre l’ONU...
«Tous nos amis n’ont pas été d’accord avec notre
décision de faire appliquer les résolutions des
Nations unies et de retirer du pouvoir Saddam
Hussein…» Ceux qui s’attendaient à un mea culpa
américain après le triste bilan des attentats du mois
d’août en Irak en seront pour leurs frais: dans le
discours qu’il a prononcé quatre jours avant
l’anniversaire des attaques du 11 septembre 2001,
George Bush ne s’est pas départi de son arrogance pour
rappeler les Nations unies à leur «devoir». Et
présenter son appel à l’aide comme une chance pour
l’organisation internationale: «Les membres des
Nations unies ont maintenant l’occasion et la
responsabilité d’assumer un rôle plus large pour
s’assurer que l’Irak devienne un pays libre et
démocratique.»
Malgré le ton employé, le discours du président
américain n’en montre pas moins que le camp des
unilatéraux aux Etats-Unis est aujourd’hui en perte de
vitesse. Champion de ces «cow-boys solitaires», Donald
Rumsfeld a fini par perdre de sa crédibilité aux yeux
de la Maison-Blanche: «Il a cafouillé dans son plan
d’après-guerre, explique au "Washington Post" William
Kristol, le chef de file des néoconservateurs. Pendant
cinq mois, Rumsfeld a assuré que tout allait bien et
que l’on n’avait besoin ni d’hommes supplémentaires,
ni surtout de l’aide de l’ONU. On peut dire qu’il
s’est trompé!»
Comment s’explique ce changement de tactique du
président américain? Il y a d’abord le bilan du mois
d’août, au cours duquel les troupes de la coalition
ont essuyé en moyenne quinze attaques par jour. Puis
un alarmant rapport du Congrès affirmant que les
troupes américaines ne pourront pas continuer seules
après le printemps 2004. Car on a beau apercevoir des
soldats du Honduras ou du Guatemala à Nadjaf, des
Espagnols à Kout ou des Australiens à Bagdad, il n’en
reste pas moins que 86% des 163 000 militaires
présents en Irak sont américains. Et il sera difficile
de trouver les 30 000 soldats «étrangers» nécessaires
à la relève des GI. Cette relève pourrait venir de
Turquie, du Pakistan ou de l’Inde si les gouvernements
de ces pays réussissent à contenir chez eux les
manifestations de colère que l’occupation de l’Irak
par leurs troupes pourrait provoquer. Quant à la
France ou à l’Allemagne, leurs troupes sont déjà
engagées sur d’autres théâtres d’opérations, en
Afrique et en Afghanistan. Ce qui signifie que les
troupes américaines seront encore enlisées en Irak
dans un an lorsque commencera la campagne électorale
de George Bush.
Le revirement américain intervient aussi au moment où
la Maison-Blanche vient d’annoncer au Congrès le
nouveau montant de la facture de «l’occupation»: près
de 87 milliards de dollars en 2004. Une réévaluation
qui tient compte de la révision à la baisse des
revenus du pétrole irakien et de celle de la
contribution des «alliés». Au Congrès, le chiffre a
fait l’effet d’un électrochoc. «Nous allons être très
réticents à accorder plus d’argent s’il n’y a pas de
plan plus clair pour établir quand et comment nous
quitterons l’Irak… Nous voulons apercevoir la lumière
au bout du tunnel», a prévenu Jim Kolbe, représentant
républicain de l’Arizona, qui siège à la commission
des crédits budgétaires...
Comment les membres du Conseil de Sécurité vont-ils
accueillir cet appel au secours du président
américain? La semaine dernière, à Dresde, Jacques
Chirac a critiqué le texte destiné à élargir le rôle
de l’ONU en Irak: «Il nous paraît assez loin de
l’objectif prioritaire», à savoir «le transfert de la
responsabilité politique à un gouvernement irakien
aussi rapidement que possible», a déclaré le président
français. Car selon le projet de résolution de
Washington, le Conseil de Gouvernement irakien
demeurerait sous la tutelle des Américains. Et la
force multinationale de l’ONU serait placée «sous
commandement unifié», c’est-à-dire… américain.
Malgré cela, certains analystes de politique
internationale pensent que les membres du Conseil de
Sécurité finiront par trouver un terrain d’entente.
Benjamin Barber, de l’université du Maryland, estime
que les réticences affichées aujourd’hui par le «clan
de la paix» sont tactiques et que Français et Russes
sont en train de fixer le prix de leur soutien à
l’effort de guerre américain. Un marchandage qui
tourne autour du partage du pouvoir politique, des
contrats pétroliers et d’une participation à la
reconstruction du pays.
Ghassan Salamé, numéro deux de l’ONU à Bagdad et bras
droit de Sergio Vieira de Mello avant la mort de
celui-ci dans l’attentat du 19 août, pense lui aussi
que la résolution finira par être adoptée: «Il n’y
aura pas de veto à la résolution. Et le secrétaire
général ne s’y opposera pas.» Une attitude qu’il
regrette presque: «Nous ne sommes pas dans une
situation d’après-guerre. Et les casques bleus ne
feraient pas l’affaire. Ayons le courage de
reconnaître qu’aujourd’hui seule l’armée irakienne
peut assurer la stabilité et la sécurité du pays. Je
ne suis pas sûr que l’ONU puisse réussir aujourd’hui
en Irak…» . Sara Daniel.
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