Elections afghanes
Seigneurs de la guerre et ex-talibans au Parlement ?
Dans la cassette vidéo qui
contenait son « commentaire » de la première élection
législative organisée en Afghanistan depuis trente-cinq ans, le
numéro deux égyptien d’Al-Qaida, Ayman al-Zawahiri, explique que
le nord de l’Afghanistan est devenu une région de « chaos, de pillage
et de trafic de drogue, où les voleurs et les seigneurs de la guerre
contrôlent les affaires du pays tandis que les observateurs internationaux
sont incapables de surveiller plus de dix circonscriptions!» Avis qui
n’est pas loin d’être partagé par le chef de la commission indépendante
des droits de l’homme afghane, Ahmad Nader Nadery, selon lequel nombre de chefs
de guerre, de seigneurs de la drogue et d’anciens talibans s’étaient
glissés parmi les 5 800 candidats à un siège au Parlement.
Des témoins rapportent que certains de ces seigneurs de la guerre, qui
espèrent ainsi obtenir l’immunité parlementaire, sont venus en
armes intimider les électeurs jusque dans les bureaux de vote. C’est
ce qui explique en partie la chute du taux de participation qui était
de 67% à l’élection présidentielle et qui n’est plus que
de 50%. Mais la profusion de candidats y est aussi pour quelque chose dans la
désaffection des électeurs. Dans la seule ville de Kaboul, il
y en avait 400 pour 33 sièges, avalanche de noms qui a pu décourager
un électorat largement analphabète. Autre constat des observateurs:
la participation variait largement selon les régions. Les Tadjiks qui
se plaignent de l’omniprésence des Pachtouns dans le gouvernement Karzaï
ont voté en masse dans la région du Panchir tandis que les femmes,
pourtant menacées par les talibans mais qui tiennent à faire entendre
leur voix, ont beaucoup voté à Jalalabad.
Dans le climat de violence et d’affrontements
tribaux que connaît aujourd’hui le pays, nombre d’experts s’inquiètent
de la manière dont certains perdants accepteront le verdict des urnes
lorsque les résultats seront publiés, le 22 octobre. Plus de 1
000 personnes, dont sept candidats, ont été tuées au cours
des six derniers mois en Afghanistan. Jamais le pays n’avait connu une période
aussi sanglante depuis la chute du régime des talibans.
Sara DANIEL