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Reportage Irak

 

Article rédigé en juillet 2004

 

 

 

 

 

Sara Daniel

 

 

 

 

 

 

«C’est nous qui les avons décapités»

 

Irak : Les tueurs d’otages parlent

 

Depuis la fin du siège de Fallouja, le 29 avril, et le retrait de l’armée américaine, remplacée par la «nouvelle» armée irakienne, cette ville de l’incontrôlable triangle sunnite est devenue le quartier général de la lutte contre l’«envahisseur américain». C’est ici que sont imaginés, organisés, coordonnés enlèvements et attentats. Ici que sont détenus certains des otages. Ici que plusieurs d’entre eux ont été égorgés. C’est aussi à Fallouja et dans ses environs que sont préparées les opérations suicides qui sèment la mort, la terreur et la destruction dans les villes irakiennes. Cet «émirat wahhabite», bastion du djihad irakien, a un maître, Abou Rachid, l’un des responsables du mouvement Unification et Guerre sainte. Cet homme, qui revendique la décapitation de plusieurs otages, a reçu notre envoyée spéciale, Sara Daniel

"Je suis responsable de la décapitation de l’agent américain Nicolas Berg, du Coréen Kim Sun-il et des Irakiens espions à la solde de l’ennemi américain.» L’homme qui se tient face à moi dans sa dishdasha blanche a 30 ans, une courte barbe noire et l’air fermé. Devant ma consternation à l’évocation de ces faits d’armes, Abou Rachid se met à rire: «Regardez deux fois de suite le disque de la décapitation de Berg que je vous ai donné et vous verrez, vous allez vous habituer», conseille–t-il, avant de me proposer d’assister à la prochaine...
Mon interprète et moi sommes à Fallouja, premier territoire «libéré» d’Irak, où les soldats américains n’entrent plus. Ici, une récente fatwa autorise les habitants à tuer les journalistes étrangers sans autre forme de procès. Dans le faubourg al-Jolan, présenté comme le quartier général de ces «combattants étrangers» – les Arabes non-irakiens venus participer à la lutte contre les Américains – qui mettraient aujourd’hui l’Irak à feu et à sang. Il est 5 heures du soir et, dans le petit salon de réception de cette maison épargnée par les bombardements américains qui ont repris depuis quelques jours, une quinzaine de chefs de la tendance la plus dure des moudjahidin écoutent avec respect leur chef revendiquer devant une étrangère les exécutions qui ont traumatisé le monde entier.
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Des contacts noués depuis le siège de Fallouja en avril m’avaient laissé entrevoir cette rencontre avec Abou Rachid (1), le chef de l’assemblée des moudjahidin locaux. La traversée de la ville dit assez le pouvoir de l’émir qui va nous recevoir chez lui. Il nous a suffi d’être accompagnés par un de ses lieutenants pour que les combattants et les militaires des barrages qui quadrillent tous les quartiers baissent les yeux sans poser de question en saluant respectueusement celui qui représente l’homme fort du nouvel «émirat wahhabite» d’Irak.
Mais Abou Rachid est beaucoup plus que le premier des moudjahidin d’une ville dont le nom glace le sang des Américains. Devant les chefs de guerre de Fallouja, celui que ses hommes ont surnommé «l’homme d’acier» se présente clairement comme un des émirs de Tawid wal Djihad (Unification et Guerre sainte), le mouvement que les Américains lient à Abou Moussab al-Zarkaoui et à la nébuleuse Al-Qaida...
Pendant qu’Abou Rachid explique son «devoir de tuer», on se remémore les cris de bête de Nick Berg, l’otage américain, qui agonise pendant que ses bourreaux s’acharnent laborieusement sur son corps recroquevillé: «Vous savez, quand nous décapitons, nous y prenons plaisir», tient à nous faire savoir en anglais l’un des hommes assis à la droite de l’émir. Un murmure de désapprobation. L’atmosphère est glacée. Abou Rachid lui pose la main sur l’épaule et lui ordonne de se taire. Il préfère évoquer devant nous Safia Bint al-Mutailib, cette héroïne de l’islam qui, lors de la bataille de La Mecque contre les juifs, en 627, avait décapité un des hommes venus l’attaquer.
«Nous ne kidnappons pas pour effrayer ceux que nous retenons, corrige-t-il, mais pour exercer des pressions sur les pays qui aident ou s’apprêtent à aider les Américains. A quoi pensent-ils, ceux qui viennent dans un pays occupé? Ils pactisent avec les Etats-Unis au nom de leurs intérêts commerciaux. Mais leurs contrats sont tachés du sang des Irakiens. Devons-nous nous croiser les bras pendant qu’on nous assassine? Ce n’est pas une bonne chose que de décapiter. Mais c’est une méthode qui marche. Au cours des combats, les Américains tremblent. Et regardez la juste réaction des Philippines. Grâce à leur attitude, qui nous a permis de libérer notre otage, nous avons pu montrer au monde que nous aussi nous aimions la paix et la clémence... D’ailleurs, j’ai essayé de négocier l’échange de Nick Berg contre des prisonniers. Ce sont les Américains qui ont refusé. Ce sont eux les vrais responsables de sa mort.»
Ancien membre de la garde rapprochée de Saddam Hussein, Abou Rachid abhorre l’ancien dictateur, qui l’a jeté en prison parce qu’il appartenait à un parti islamiste. Lorsqu’il en est sorti, Abou Rachid a essayé de gagner l’Afghanistan pour se battre contre les Américains. Trop tard. La déroute des talibans l’a surpris à la frontière iranienne. Mais, de l’histoire des combattants musulmans en Afghanistan, il dit avoir tiré des leçons: «Nous avons compris que la division serait notre perte. C’est pour cela que nous avons créé ce conseil des moudjahidin.»
Au sein de ce conseil de treize chefs de combattants, on répartit les tâches entre les différents groupes. Certains s’occupent de surveiller l’ennemi, d’autres du soutien logistique. Quelques-uns coupent les lignes des Américains, tirent sur les convois. D’autres encore prennent en charge les kidnappings. Au chef revient une tâche supplémentaire: exécuter les faux combattants qui se servent de leurs armes pour terroriser et détrousser la population de Fallouja. A écouter Abou Rachid, c’est la fin du siège de Fallouja, le 29 avril 2004, qui a fédéré tous les groupuscules de combattants dans ce qui est devenu la capitale de la résistance à «l’envahisseur américain». «Depuis le siège, pour la communauté des musulmans, la haine que les Américains vouent à Fallouja est devenue le symbole de leur haine de l’islam», résume le salafiste. Depuis, c’est ici qu’on centralise les négociations sur les kidnappings, qu’on organise des attentats dans tout le pays. Le prochain objectif, c’est d’intensifier les attaques simultanées «pour montrer notre union et notre force».
Deux chefs de groupe de combattants, l’un de Hoseiba, à la frontière syrienne, et l’autre de Haditha, à 250 kilomètres à l’ouest de Bagdad, arrivent justement dans la salle. Ils embrassent l’émir avec respect, entrechoquent leurs épaules à la manière bédouine. Et conviennent d’un rendez-vous de «travail».
Rien n’exaspère plus les moudjahidin irakiens salafistes que le fait de leur demander si les combattants étrangers, ceux qu’ils appellent «les Arabes», ont pris le contrôle de la lutte. «C’est un mensonge des Américains, nous répond, cinglant, Abou Rachid. C’est nous, les Irakiens, qui sommes aux commandes de notre ville et qui planifions la résistance dans le pays. Les combattants "arabes" sont venus nous aider. Pour tous les musulmans, Fallouja est devenu un symbole. Le point de départ de la reconquête. Alors, oui, nous les accueillons, pourquoi pas? Les Américains ont bien des alliés, eux. – Pourtant, dans le DVD des opérations de Tawid wa Djihad (Unification et Guerre sainte) que vous nous avez fait parvenir à plusieurs journalistes et à moi-même il y a quelques semaines à Bagdad, la plupart des attentats suicides filmés ont été réalisés par ces "combattants étrangers"... – Oui, car devenir shahid, c’est l’acte de foi suprême. Les Irakiens n’ont pas encore atteint ce degré de ferveur. Mais, petit à petit, ils commencent à imiter leurs frères "arabes"...» L’émir est désolé de reconnaître que les supplétifs arabes ont encore des leçons de foi à donner à ses compatriotes...
«Et Abou Moussab al-Zarkaoui, le lieutenant jordanien de Ben Laden, est-ce lui qui planifie tous les attentats, comme le pensent les Américains? – A Fallouja, il n’y a pas de Zarkaoui. Ailleurs? Je ne veux pas vous mentir, alors je vous répondrai qu’il est peut-être quelque part en Irak. Mais le plus important, c’est qu’aujourd’hui, à Fallouja, nous sommes tous des Zarkaoui. Et que les Irakiens sont tous des Ben Laden. – Et quand cesserez-vous le combat? – Lorsque l’occupation cessera et que la loi islamique sera instaurée en Irak. Jusque-là, aucun pays musulman dans le monde ne connaîtra la paix.»
Avant de nous raccompagner, Abou Rachid tient à nous donner solennellement un message destiné à Jacques Chirac et à George Bush (voir encadré). Il nous quitte sur une mise en garde qui se veut bienveillante: «Ne faites rien dans cette ville sans venir me demander l’autorisation avant.»
Ahmed ne fait pas partie du groupe Unification et Guerre sainte. Mais il donne parfois un coup de main au groupe Zarkaoui pour la logistique. Comme ce jour de janvier 2004 où il est allé chercher le corps d’un des «martyrs» saoudiens qui venaient de se faire exploser au niveau du pont de Khaldiya (voir ci-contre). Il envie beaucoup ceux qui ont le courage de devenir des «martyrs». «Moi aussi, lorsque je n’aurai plus d’armes, j’irai me faire sauter», affirme-t-il.
D’une extrême maigreur, le visage mangé par une longue barbe noire, Ahmed a l’air fatigué par la chaleur implacable de juillet. Pas de ventilateurs. Pas d’eau fraîche. A Fallouja, depuis le siège d’avril, il n’y a que deux ou trois heures d’électricité par jour. Il nous raconte les tours de garde contre le «diable américain», la chasse aux espions, qui à l’écouter sont nombreux dans la ville. «Quand Napoléon est arrivé en Egypte, il était accompagné d’experts comme Champollion. Pourquoi les Américains n’ont-ils pas fait la même chose? Ils ont préféré s’en remettre à des Irakiens collabos qui peuvent nous espionner.» Comme cette fausse mendiante, qui allait de porte en porte pour «marquer» les maisons des combattants: «Nous avons dû la décapiter et la démembrer pour faire un exemple.»
Au pied du canapé, on bute sur des armes russes, des vieilles kalachnikov. «Ce sont les jouets des enfants, sourit Ahmed, condescendant. Ici dès l’enfance on sait tirer. C’est le cadeau que nous a fait Saddam sans le savoir. En nous enrôlant tous dès notre plus jeune âge dans des camps d’entraînement.» Comme pour illustrer les paroles de son père, l’un de ses fils, 7 ans, arme la mitraillette avec une grande habileté. Pendant la bataille d’avril, il a bien aidé, en faisant le guet, en transportant des messages. Sa mère, le visage couvert d’un long voile blanc, le regarde avec fierté. Depuis les révélations sur les tortures dans la prison américaine d’Abou Ghraib, elle aussi présente les décapitations d’otages comme une juste vengeance: «Un de mes oncles a passé plus d’un an à Abou Ghraib. Nous ne saurons jamais s’il a été torturé ou violé. Il préférerait mourir plutôt que de nous le dire.»
Nous nous engouffrons tous dans la voiture de Mazen, le lieutenant d’Abou Rachid. Sa radio diffuse les mélopées d’une prière chantée, seule musique désormais autorisée à Fallouja. Sculpteur, Mazen a 35 ans, et le visage rond d’un enfant. Mais son regard fermé et dur contredit la douceur de ses traits. Avec fierté, il nous guide à travers sa cité, contrôlée désormais par son groupe. Sur son passage, la révérence se lit sur les visages. Les soldats irakiens s’empressent pour répondre à ses questions. On a l’impression d’être dans la voiture du gouverneur de la ville.
Fallouja, «émirat wahhabite» d’Irak... Entre deux bombardements américains, la ville vit à l’heure islamique. Et de l’islam le plus rigoriste. Car pendant le siège les locaux du Parti islamique, jugé trop prompt à vouloir négocier un cessez-le-feu avec les Américains, ont été bombardés par ces moudjahidin qui tiennent aujourd’hui le haut du pavé à Fallouja. Sur les murs poussiéreux, les «décrets d’Allah qui a autorisé la victoire» sont placardés un peu partout: interdiction de boire de l’alcool, de se maquiller, de se couper les cheveux à l’occidentale, invitation à dénoncer les étrangers... Dans les rues, les rares femmes que l’on croise ont le visage recouvert d’un voile de crêpe noir et les mains gantées. Quelques habitants vivent encore dans des tentes devant leurs maisons détruites. D’autres, qui ont reçu des compensations des Américains, reconstruisent les leur. La vie reprend, mais sous haute surveillance. Les moudjahidin sont omniprésents. Et obéis. Même par les «soldats» du nouveau pouvoir irakien, qui devaient en principe, sous le commandement du général Mohamed Latif, assurer avec la police et la garde nationale la sécurité de la ville la plus dangereuse d’Irak.
Durant notre «promenade» à travers la ville, tout montre en effet que les moudjahidin ont supplanté les généraux baassistes grâce à qui les Américains avaient pensé pouvoir contrôler l’épicentre de la résistance. A chaque carrefour, les militaires irakiens et les policiers sont flanqués de moudjahidin, qui visiblement les supervisent. «Ils doivent nous demander la permission pour arrêter la moindre personne, confirme Mazen, qui reconnaît que les combattants attendent un moment propice pour se débarrasser de ces militaires. Mais regardez comme la ville est sûre depuis que nous sommes là. Avant, chaque commerçant dépensait par jour 2 000 dinars irakiens en gardes du corps. Aujourd’hui, nous pouvons laisser nos portes ouvertes. Certains essaient de faire passer les combattants pour des racketteurs qui effraient les habitants, mais ce n’est pas vrai. Et ceux qui se comportent mal, nous les exécutons.»
Il règne une drôle d’atmosphère dans les rues de Fallouja, où l’on compte plus d’hommes en armes, d’uniformes, d’informateurs des différents groupes de combattants que de simples citoyens sur les trottoirs. Tout le monde s’épie. A l’approche du petit pont en fer de la ville où, il y a deux mois à peine, je me rappelle avoir vu, en compagnie du photographe Stanley Greene, les corps carbonisés de gardes privés américains malmenés à coups de pied et de couteau par la foule, deux soldats irakiens de la garde nationale, leur béret rouge enfoncé sur les yeux, se tiennent pétrifiés. Ils regardent avec inquiétude deux pick-up blancs armés de mitrailleuses qui passent à toute allure. A leur bord, des moudjahidin brandissent leurs armes. «Ici, c’était le triangle des Bermudes, sourit fièrement Mazen en évoquant la dernière bataille. Les soldats américains n’étaient pas prêts à perdre leur vie pour gagner Fallouja. Et nous, nous aimons la mort autant qu’ils aiment la vie.»
Car le siège de Fallouja, en avril, est pour les salafistes irakiens ce que le 11 septembre a été pour Ben Laden: leur première grande victoire sur l’ennemi américain. Mazen, qui a participé aux négociations avec l’état-major de la coalition, explique avec délectation comment les Américains ont cédé sur presque tout et Fallouja sur rien. «Nous n’avons pas livré les responsables de la mort des quatre espions américains. Ni rendu nos armes. Ils ont dû retirer leurs troupes. Compenser les deux tiers des familles et quitter leur QG de l’hôpital. Ils ne nous ont demandé qu’une seule chose: les laisser gagner la bataille des médias. Alors ils ont filmé leur entrée dans la ville. Mais sur des Humvee et non pas sur des chars, comme ils nous l’avaient demandé...»
Aux portes de la mosquée, S., le lieutenant du mouvement Unification et Guerre sainte, nous conduit chez l’imam al-Janabi. En cinq minutes, il nous obtient un entretien avec le religieux le plus célébré et le plus controversé de la ville. La personnification du bad guy pour les Américains. Dans la nouvelle hiérarchie de l’émirat moudjahid, l’homme qu’on nous présente comme le «cheikh Yassine» irakien est le leader politique et religieux tandis qu’Abou Rachid est le leader militaire. L’imam al-Janabi est beaucoup plus jeune que le défunt guide du Hamas palestinien, mais il a la même barbe poivre et sel, son profil d’aigle et son inquiétante sérénité. Les habitants de la ville le présentent comme le chef de ces takfiri, les combattants les plus extrémistes, étrangers ou irakiens liés à des organisations arabes étrangères. Il s’amuse du fait que la dernière lettre adressée par l’ex-administrateur américain Paul Bremer au Premier ministre Iyad Allaoui ait eu pour objet sa demande d’arrestation «mort ou vif».
«Avez-vous peur des Américains? – Dans cette vie, nous ne sommes que des locataires et j’aspire à voir ma dernière demeure», répond le docteur en charia. Certains accusent le cheikh Janabi d’être responsable de l’assassinat de six camionneurs chiites de Bagdad, dont les corps mutilés ont été rendus à leurs familles moyennant un «impôt moudjahidin». Mais l’imam refuse d’endosser la responsabilité de ces assassinats, qui ont créé de graves tensions entre les communautés chiite et sunnite: «Nous exécutons des espions tout le temps, alors je vous le dirais si j’avais tué aussi ceux-là...»
Sous la dictature de Saddam, l’imam sulfureux a été interdit de prêche pendant sept ans. «Je disais ce que je pensais de lui. Comme je dis aujourd’hui ce que je pense du Premier ministre Allaoui: il ne vaut pas la semelle de mes chaussures. S’il avait été un "Irakien", il aurait ouvert une autre page à Fallouja. Mais non. Il incite les Américains à lancer leurs raids qui tuent nos femmes et nos enfants.»
Selon le cheikh Janabi, si les Américains ont envahi l’Irak, c’est uniquement pour pouvoir lancer leur «croisade» contre Fallouja, la ville la plus islamisée d’Irak... «Ici même, ils ont détruit la porte de la mosquée avec de la dynamite, laissé les empreintes de leurs chaussures sur le Coran et regardé nos femmes à la jumelle, ce qui, pour nous, est pire que la mort.» Et le cheikh décrit le long calvaire des habitants de sa ville, jusqu’à la «sainte bataille de Fallouja»: «C’est alors que des anges à cheval sont descendus du ciel, tandis que les armes ont continué à tirer pendant des heures sans qu’on les recharge, et que des araignées qui dégageaient une odeur nauséabonde s’attaquaient aux soldats américains, surtout à ceux qui utilisaient leurs jumelles maudites...»
Tandis que l’imam façonne l’épopée du mythe fondateur de Fallouja, première victoire du djihad en Irak, une quarantaine de combattants font irruption dans la cour de la mosquée en criant. Ils transportent quatre corps sanguinolents, atrocement mutilés, qu’ils déposent dans des draps blancs à la porte de l’imam. Bientôt, le linge est gorgé de sang. Mazen sort pour prévenir Abou Rachid. Il revient bouleversé et tremblant de colère. Selon lui, les quatre combattants ont été abattus par des Américains, qui ont ensuite égorgé les corps et découpé leurs mains. L’imam Janabi, lui, n’a pas jeté un regard dans la cour. Il rappelle, satisfait, qu’il avait annoncé dans un prêche en 1996 que le peuple d’Irak sortirait de sa léthargie lorsque les Etats-Unis envahiraient le pays.
«Ce jour est arrivé, il marque le début du déclin de l’empire américain, qui va se déchirer plus durablement encore que l’Irak d’aujourd’hui. C’est la justice d’Allah qui arrive sur la terre. Et qui terrasse les dictateurs. Saddam puis Bush et les Américains. En Irak, aux Etats-Unis et où qu’ils soient dans le monde, ils seront pourchassés et détruits.»

(1) Tous les noms de moudjahidin ont été changés.

 

SARA DANIEL

 

 

 

 

Le meurtrier de Vieira de Mello

 

Selon le mouvement Tawid wal Djihad, le kamikaze qui se serait fait exploser devant le siège de l’ONU à Bagdad, le 19 août 2003, serait un Egyptien, Abou Farid al-Masri. Joueur de hockey dans une équipe italienne, al-Masri a eu «des visions» qui l’ont conduit à rentrer en Egypte pour tuer des coptes. Après quoi il a rejoint l’Irak, où il s’est suicidé en déclenchant l’explosion de 3,5 tonnes de TNT cachées à bord du camion qu’il conduisait, dans le but avoué de tuer l’envoyé spécial de l’ONU, Sergio Vieira de Mello. Vingt-deux autres personnes ont trouvé la mort dans cet attentat.

Sara Daniel

 

 

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