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Liban : Malgré les garanties obtenues

La Finul dans un champ de mines

aout 2006

Sans un règlement politique, la mission des casques bleus peut se transformer en cauchemar .
De notre envoyée spéciale au Sud-Liban

C'est la guerre des drapeaux. Un bras de fer sournois et dangereux qui oppose deux armées pour lesquelles le cessez-le-feu décrété par l'ONU n'est qu'un autre moyen de continuer la bataille. Ici, les chars ont reculé comme à regret des territoires conquis. Mais ils n'ont pas quitté pour autant les positions culminantes. Là, les miliciens ont soigneusement remisé leurs armes. Mais ils continuent d'imposer leur loi dans les décombres. Au lendemain des funérailles de vingt-trois civils tués dans les bombardements israéliens, l'étoile de David continue de flotter sur la colline qui surplombe le village de Marouahine. Tandis que du camp de la Finul à Naqoura on aperçoit toujours le poster géant de Nasrallah et les drapeaux jaunes du Hezbollah. Partout, les miliciens chiites, en civil mais armés de leurs talkies-walkies, chassent les visiteurs qu'ils jugent indésirables en les accusant d'espionnage.
A Aïta ech-Chaab, tout près du lieu de l'enlèvement des deux soldats de Tsahal qui a entraîné la guerre, l'artillerie israélienne ne cesse de bombarder les bunkers du Hezbollah cachés aux alentours. Les habitants du village en ruine ne semblent même plus prêter attention au fracas des armes, et c'est en riant qu'Ali, un garçonnet de 7 ans, raconte qu'il vient d'échapper aux tirs israéliens en tentant de hisser un drapeau du Hezbollah sur un bulldozer. Dans son bureau de Naqoura, le général Pellegrini, chef de la Finul (Force intérimaire des Nations unies au Liban), avoue son impuissance : «Les Israéliens violent les lois internationales. Mais qu'y puis-je? Nos règles d'engagement ne nous permettent pas d'intervenir. Pour l'instant, nous nous contentons de rendre compte, de dire qui devrait ou ne devrait pas être là...»
Maroun er-Ras est un village niché sur la colline qui surplombe Bent Jbeil, le bastion du Hezbollah où se sont déroulés les plus durs combats. C'est un bon exemple de cette cohabitation étrange dont le sud du Liban fait aujourd'hui l'expérience. A l'entrée du bourg, quatre soldats ghanéens de la Finul ont pris possession d'une grande bâtisse. Ils y ont planté un drapeau de l'ONU, que l'on aperçoit après avoir gravi une route escarpée. Les soldats israéliens se sont retirés du centre, mais ils continuent d'occuper des maisons à la périphérie, tandis que les militants du Hezbollah, à bord de leurs Mercedes, circulent sans relâche sur les chemins. La présence des Israéliens explique qu'aucun villageois n'a encore osé rentrer au village. Mais pas seulement : les maisons, préviennent les casques bleus, qui n'en mènent pas large,ont été truffées de mines et de bombesà fragmentation par les forces israéliennes.
Il n'y a plus que deux habitants à Maroun er-Ras, trop vieux pour pouvoir quitter le village pendant les combats. L'un d'entre eux, Moussa Cheick Ali, s'est terré chez lui pendant toute la guerre. L'étroitesse du chemin qui mène à sa maison l'a sauvé : les chars n'ont pu l'emprunter, et le bitume conserve l'empreinte de leurs tentatives infructueuses. En un mois, sa seulevisite a été celle de combattants du Hezbollahà court de vivres venus quémander un peu de semoule. L'autre villageois, Moustafa Feris, 80 ans, est un ancien marchand de vêtements de New York revenu dans son village natal en 2000, après le retrait israélien du Liban. Encore hagard, il observe le mur béant, éventré par une bombe, qui lui fait face. Au cours des combats, raconte-t-il, les soldats israéliens sont venus lui demander où étaient ses fils, qu'ils soupçonnaient d'appartenir au Hezbollah. A moins d'un mètre du vieil homme, dissimulée près d'une botte noire, on distingue une mine prête à sauter dont la goupille est retenue par une pince à linge. Alertés, les soldats de l'ONU expliquent qu'ils ne disposent pas du matériel de déminage et tentent de convaincre Moustafa de partir. En vain, car malgré le piège il retombe dans sa torpeur. En bas de la colline, Badriye Khanafer affirme, lui, être resté enfermé dans une pièce pendant cinq jours avec le cadavre de sa fille. Dans le jardin de sa maison, on compte onze mines et bombes non explosées...
Chacun sait que le déminage prendra des mois, pour ne pas dire des années. Mais il est retardé d'autant par la lenteur du retrait israélien. La moitié seulement des territoires conquis ont jusqu'ici été remis à la Finul : «Tous les deux ou trois jours, ils nous remettent un ou deux secteurs, parfois ils se retirent sans rien nous remettre, tout dépend de la bonne volonté des Israéliens», explique un officier supérieur qui préfère rester anonyme. Comme tout le monde, il a été surpris de la capacité de résistance du Hezbollah. «Les livraisons d'armes, les entraînements... la Finul n'a rien vu. Tout nous est passé sous le nez pendant six ans!», affirme-t-il sans manifester plus d'optimisme en ce qui concerne l'avenir : «La Finul n'a pas d'ordres précis ni d'objectifs. On parle de«légitime défense élargie», ce qui ne veut rien dire. On a voulu ménager toutes les parties, et vous verrez que tout le monde sera mécontent. Quant à l'armée libanaise, on dit qu'elle obéira aux ordres. Quels seront ces ordres, c'est toute la question...»

SARA DANIEL


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