UNE ENTREE FRACASSANTE...

 

« Sans bateaux nous ne pouvons vivre,

 sans bateaux nous ne pouvons vaincre » - Winston Churchill

Rédaction: Pexee Le Vrai

Mise en page: Galeazzo

  

 

 

 

   En cette fin de journée du 3 septembre 1939, le Lieutenant Lemp est attiré sur la passerelle du U-30 par le cri d'alerte de l'homme de veille.

    L'Unterseeboot de Type VIIA patrouille dans la pénombre d'un soir d'été, nous sommes à environ 400 kilomètres au nord-ouest de l'Irlande.

 

Une des rares photos du U-30.

 

   Comme d'autre sous-marins, il a quitté l'Allemagne au milieu du mois d'août, lorsque la crise Polonaise a menacé de provoquer un conflit avec les Puissance de l'Ouest. Quelques heures ont suffit pour que ce doute devienne réalité : le 3 septembre l'Angleterre et la France déclarent la guerre au IIIème Reich. Mais à présent, le regard de Lemp est attiré par l'ombre foncée repérée par l'homme de veille. Un large vaisseau, de taille assez importante pour être un paquebot, vient d'apparaître loin à l'avant du sous-marin.

 

 

Le paquebot Athénia.

   Les sous-marins ont reçu des ordres strict sur les navires à couler ou à épargner: l'attaque des paquebots est interdite. Cependant celui-ci se déplace tous feux éteints en zigzaguant comme un navire de combat... Lemp en déduit que ce bâtiment est un croiseur de commerce armé, un ancien paquebot équipé de canons navals, utilisé pour l'escorte des navire de commerce.

   Vers 21 heures, le U-30 est prêt à attaquer. Lemp fait tirer deux torpilles en direction de la cible, qui, en explosant, illuminent en un instant l'océan. En sombrant, le navire émet un sifflement causé par la surchauffe de l'acier: une victoire facile et totale.

 

 

   Malheureusement, la cible en question était l'Athenia, un paquebot civil de 14 000 tonnes. Il venait de quitter Liverpool, et se dirigeait vers Montréal avec 1 100 passagers à bord, dont plusieurs centaines d'Américains : 112 passagers périront lors du naufrage.

 

   Le torpillage de l'Athenia provoqua de vives réactions au sein des cercles neutres et alliés. L'Allemagne était prête à mener une guerre sous-marine sans restriction, identique à celle qui avait failli couper les couloirs de navigation à l'Angleterre pendant la Première Guerre Mondiale. (En fait, les sous marins avaient ordre de respecter scrupuleusement les lois maritimes, ce qu'ils firent plus ou moins jusqu'à la fin de l'année 1939).

   L'Allemagne, comme les alliés, lança immédiatement des campagnes de propagande sur l'incident. Le personnel marin allemand alla jusqu'à falsifier le journal de bord du U-30. Il voulait « prouver » que l'Athenia avait été coulé par un complot britannique pour provoquer la participation des Etats-Unis à cette guerre. De leur coté les Alliés accusèrent l'Allemagne de mener une campagne de terreur, et de ne pas respecter les lois civiques...

   Incident ? Le paquebot a-t-il réellement adopté une conduite plus que suspecte ? Le commandant de l'U-30, Lemp, a prétendu par la suite (et ce jusqu'à sa mort en 1941) qu'il croyait que le bâtiment n'était qu'un navire de guerre...

   Mais est-ce si sûr ? Pour s'en convaincre, voici le témoignage d'un membre de l'équipage du sous-marin, produit lors du procès de Nuremberg à la fin de la guerre.

 

Fritz-Julius Lemp, le commandant de l'U-30.

 

"Je, soussigné Adolf Schmidt, matricule N 1043-33 T de la Marine de Guerre Allemande, ancien membre de l'équipage du sous-marin U-30, déclare sous la foi du serment :

 

1/ Je suis actuellement prisonnier de guerre au camp canadien n°133 à Lethbridge, Alberta.

 

2/ Le premier jour de la guerre, le 3 septembre 1939, un bâtiment d'environ 10 000 tonnes fut torpillé par l'U-30 dans les dernières heures de la soirée.

 

3/ Nous avons fait surface une demi-heure environ après le torpillage du bateau, après l'explosion, et le commandant m'appela à la tourelle pour me montrer le navire torpillé.

 

4/ J'ai vu de mes yeux le bâtiment, mais je ne crois pas qu'il ait pu apercevoir notre sous-marin à ce moment, étant donné la position de la lune.

 

5/ Quelques membres de l'équipage seulement eurent la possibilité de se rendre à la tourelle pour voir le bâtiment torpillé.

 

6/ A part moi-même, l'Oberleutnant Hintsch était dans la tourelle lorsque j'ai vu le vapeur après l'attaque.

 

7/ J'ai observé que le bateau donnait de la bande.

 

8/ Aucun coup d'avertissement ne fut donné avant le lancement de la torpille.

 

9/ J'ai observé moi-même un grand tumulte à bord du navire torpillé.

 

10/ Je crois que le navire n'avait qu'une cheminée.

 

11/ Au cours de l'attaque, on lança une ou deux torpilles qui ne firent pas explosion, mais j'ai moi-même entendu l'explosion de la torpille qui atteignit le vapeur.

 

12/ L'Oberleutnant Lemp attendit l'obscurité pour faire surface.

 13/ Je fus sérieusement blessé le 14 septembre 1939, au cours d'une attaque aérienne.

 

14/ L'Oberleutnant Lemp, peu de temps avant mon débarquement à Reyjavik, le 19 septembre 1939, me rendit visite au carré des sous-officiers où j'étais couché, sérieusement blessé.

 

15/ L'Oberleutnant Lemp fit évacuer le carré des sous-officiers afin de rester seul avec moi.

 

16/ Il me montra alors une déclaration sous serment d'après laquelle je m'engageais à ne rien mentionner de ce qui s'était passé le 3 septembre 1939 à bord de l'U-30.

 

17/ Cette déclaration sous serment était conçue à peu près dans les termes suivants : " Je soussigné, m'engage par la présente à garder le secret sur tout ce qui s'est passé le 3 septembre 1939 àbord de l'U-30, tant envers les ennemis qu'avec les amis, et à effacer de ma mémoire les événements de ce jour. "

 

18/ J'ai signé de ma main gauche - de façon illisible - cette déclaration sous serment rédigée par le commandant, de sa propre main.

 

19/ Plus tard, en Islande, quand j'entendis parler du torpillage de l'Athenia, je me demandai si l'U-30, le 3 septembre 1939, n'avait pas pu couler l'Athenia, d'autant plus que le capitaine m'avait fait signer la déclaration que je viens de mentionner.

 

20/ Jusqu'à maintenant, je n'ai jamais parlé à personne de ces événements.

 

21/ La guerre étant terminée, je me considère comme étant délié de mon serment."

     

    A vous d'en tirer les conclusions ...


 

   Un prodigieux coup de maître beaucoup plus glorieux survint peut de temps après. L'Amiral Dönitz désirait depuis longtemps pénétrer l'ancrage principal de la flotte britannique à Scapa Flow, dans les Orcades. Le 26 septembre 1939, la Luftwaffe réussit à obtenir d'excellentes photographies aériennes de la base.

   Dönitz fit alors appel au commandant du U-47, Gunther Prien, un officier compétent et agressif, pour trouver un passage dans la muraille de bateaux coulés qui bouchaient l'étroit chenal. Le but était d'attaquer les navires ancrés sur place. Prien étudia les photographies et les plans opérationnels en une nuit et, confiant, il accepta la mission.

   Au soir du 13 octobre 1939, Prien se dirigea vers l'ancrage. Les courants dans les chenaux menant à Scapa Flow étaient violents, et l'opération de pénétration fut prévue pendant l'étale de marée.

   Quand le U-47 dépassa avec précaution les navires coulés à l'entrée du port, l'équipage entrevit les activités qui se déroulaient le long de la côte, à une douzaine de mètres. Pendant un moment, le sous-marin fut illuminé par les phares d'une automobile de passage, qui tourna pour s'éloigner rapidement. Mais Prien poursuivit l'opération, et le 14 octobre, juste après minuit, le U-47 était à l'intérieur de la base de la British Navy.

 

Günther Prien et le fameux insigne du Taureau.

 

 

Le HMS Royal Oak.

   Après quelques recherches, Prien repéra deux gros navires au nord de sa position, contre lesquels il fit tirer trois torpilles. Après trois ou quatre minutes, on entendit une faible explosion, mais elle n'attira ps l'attention des cibles ou de la base. Prien fit rapidement recharger les tubes du U-47 pour lancer une torpille à l'arrière et trois autres à l'avant. Trois minutes plus tard, plusieurs explosions déchiraient la coque du navire de guerre Royal Oak : il coula en treize minutes, et arracha la vie à près de 800 marins et officiers qui se trouvaient à bord. En dépit des forts courants à l'entrée du chenal, Prien et son équipage parvinrent à quitter la base britannique et regagner la haute mer afin de rentrer en Allemagne. Ce fut l'exploit le plus spectaculaire d'un sous-marin pendant la guerre.