> L’invasion des rings par Caroline Alexander


Die Walküre © M.N. Robert

Des Rings comme s’il en pleuvait ! A Paris, à Aix-en-Provence, à Liège, à Seattle, à Toronto, à Saint-Pétersbourg, à Baden-Baden, Cologne, Munich, Dresde, Toulouse, etc… sans oublier l’incontournable Bayreuth, saint des saints … Trente après l’année du centenaire et la légendaire production de Patrice Chéreau et Pierre Boulez, les Rings prolifèrent. Est ce l’effet Wagner ou simplement une bonne affaire ?

La titanesque entreprise que représente la production d’une Tétralogie du Ring des Nibelungen, soit 15 à 16 heures de musique (selon les chefs) réparties en quatre journées, semble ne plus faire peur à personne. Au contraire, le défi a tout l’air d’émoustiller les directeurs de maisons d’opéra qui y trouvent de quoi conjuguer le prestige avec la rentabilité. Un Ring à l’affiche fait vendre les billets plus vite que le loto. Il y a douze ans, en 1994, lorsque Stéphane Lissner, alors directeur du Châtelet de Paris, programma un Ring sous la direction de Jeffrey Tate, les places s’arrachèrent dès l’annonce du projet, soit près de dix huit mois avant la première…
4.130.000 références en ligne sur Internet via Google, des livres par centaines, études, biographies, monographies, exégèses, pamphlets panégyriques, critiques, sans compter les innombrables enregistrements... Pour un service comptable les chiffres chez Wagner pèsent plus lourds que la musique.
Comparée à celle d’un Mozart, pour ne prendre que l’exemple partout mis en orbite en cette année anniversaire, son œuvre est pourtant bien moins abondante : trois opéras de jeunesse pratiquement jamais joués (Les Fées, Rienzi, La Défense d’aimer) cinq grands opéras romantiques (Tristan et Isolde, Tannhaüser, Les Maîtres Chanteurs, Le Vaisseau Fantôme, Lohengrin) et l’ébouriffante saga de l’Anneau des Nibelungen dont les péripéties, selon un juriste allemand, vaudraient à leurs protagonistes des peines de prison allant de quelques années de mise à l’ombre à la perpétuité (* in…). Aucune morale dans ces combats entre les dieux, les demi-dieux, les héros, les hommes, les surhommes et les sous-hommes… Tous les délits passibles de condamnations y constituent un catalogue où l’on trouve au choix : le vol, l’escroquerie, l’abus de pouvoir, le détournement de biens, la discrimination raciale (contre les nains ou les géants) la trahison, l’inceste, le meurtre, l’infanticide… Ces folies sur fond de légendes et de mythes nordiques sont-elles la clé de la fascination que l’œuvre exerce sur ces milliers de spectateurs qui se rendent à sa représentation comme à la messe ? On pourrait en rire. Sachant que c’est la musique de Wagner et elle-seule qui en fait un véritable phénomène d’hypnose. Et c’est à cause d’elle que ces Rings n’en finissent pas de fleurir et bourgeonner sur les scènes du monde.

Avant d’inscrire au Châtelet la production signée Robert Wilson, Jean-Pierre Brossmann la justifiait par les adjectifs « incontournable, monumentale, éternelle ». Sa coproduction avec l’Opéra de Zürich lui fournissait « clés en mains » une élégante façon de tirer sa révérence après sept années de bons et loyaux services. Stéphane Lissner avait fait de même avant de quitter les mêmes lieux et le voilà qui récidive à Aix-en-Provence dont il abandonnera les rênes à Bernard Foccroulle à partir de 2007 non sans y avoir programmé un Ring complet qui prendra son essor dès juillet prochain avec « L’Or du Rhin » et qui permettra dans un an, pour « La Walkyrie » et la suite l’ouverture d’une nouvelle salle. A la présentation de ce nouveau Ring Lissner invoquait l’heureuse opportunité d’avoir trouvé un helden-ténor à hauteur de la tâche : « sans Ben Heppner pour Siegfried, je n’aurais pas entrepris ce défi », disait-il.
Gerard Mortier
ne quitta pas La Monnaie de Bruxelles qu’il dirigea pendant dix ans sans y avoir inscrit en 1991 une Tétralogie mémorable confiée au fameux metteur en scène allemand Herbert Wernicke. A l’Opéra Royal de Wallonie de Liège, institution infiniment plus modeste au niveau des moyens, dont Jean-Louis Grinda va quitter la direction d’ici un an, le Ring qu’il programma et mit en scène durant les saisons 2003 et 2004 fit un beau triomphe et afficha complet.
Andreas Mölich-Zebhauser, directeur général du Festspielhaus de Baden-Baden qui a programmé la production de Saint-Pétersbourg déclare « Le Ring occupe une position centrale dans l’histoire de l’opéra. Son défi particulier consiste à garder une tension musicale et dramaturgique pendant quatre soirées. Une tâche gigantesque pour les artistes aussi bien que pour le public. Nous avons programmé le Ring du Mariinsky de Saint-Pétersbourg afin de redonner une couleur européenne au monde musical. Il y a peu d’endroits où, au tournant du XXème siècle, les œuvres de Wagner ont soulevé autant d’hystérie qu’à Saint-Pétersbourg. Valery Gergiev et son Jeune Ensemble ont pris la relève des légendaires Meyerhold ou Eisenstein, avec des chanteurs qui traitent leur Wagner de façon très italienne. Avec une légèreté inhabituelle pour les Allemands ». Puis il ajoute : « Finalement « faire » un Ring comme on dit faire un voyage compte autant pour les acteurs que pour les spectateurs de l’œuvre. L’expérience unit les uns aux autres et attache les amateurs d’opéra à un théâtre plus fortement qu’aucune autre œuvre du répertoire ».

C’est peut-être là que réside l’une des clés de la fascination que ces Nibelungen exercent sur le public. Ce temps qui s’arrête durant quatre soirées, qui fait que l’on se parle d’un fauteuil à l’autre, que l’on échange enthousiasme ou rejet, que l’on se livre avec des inconnus au jeu des souvenirs et des comparaisons. En buvant un verre durant les entractes ou en partageant un souper forcément très animé. Et si le secret du Ring était tout simplement la convivialité ?

avec Rémy Franck pour l'Allemagne

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In Richard Wagners Ring des Nibelungen im Lichte des deutschen Strafrechts de Ernst von Pidde – édition Hoffmann und Campe (Le Ring de Wagner à la lumière du droit pénal allemand – aucune traduction française connue) :

> Petit glossaire alphabétique des personnages du Ring des Nibelungen
et de leurs crimes et délits selon E. von Pidde

- Alberich: vol de l’anneau, instigation de l’assassinat de Siegfried
- Fasolt: kidnapping de Freia
- Fafner: kidnapping de Freia, assassinat de Fasolt
- Loge: détournement de l’anneau, complicité d’incendiaire
- Wotan: détournement de l’anneau, complicité dans le meurtre de Siegmund, assassinat de Hundig, endormissement de Brünnhilde, incendiaire
- Siegmund: inceste, tentative d’assassinat de Hundig
- Sieglinde: inceste
- Hundig: assassinat de Siegmund
- Fricka: instigation de l’assassinat de Siegmund
- Mime: tentative d’assassinat de Siegfried
- Siegfried: maltraitance envers un animal (le dragon), assassinat de Mime, rapt de Brünnhilde
- Gutrune: complicité d’empoisonnement
- Gunther: complicité d’assassinat de Siegfried
- Hagen: empoisonnement, assassinat de Siegfried, assassinat de Gunther
- Brünnhilde: instigation du « Feuerzauber » (ronde de feu), instigation de l’assassinat de Siegmund, incendiaire lourdement responsable
- Wellgunde: assassinat de Hagen
- Woglinde: assassinat de Hagen

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