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Montfort-l’Amaury: 10 ans déjà !
par
Marcel Marnat
De beaux paysages (tellement français !).
Alentour la forêt de Rambouillet. Riches demeures
(et
quels parcs !), de pittoresques ruelles, aussi, aux pavés antiques…
Ajoutez-y (pour les cinéphiles) le souvenir (déjà plus
sulfureux !) du Corbeau de H.G Clouzot… Un temps exceptionnellement
radieux avait incité nombre de touristes à venir s’égayer
là, entre les tours d’Anne de Bretagne et l’étrange
cimetière qui inspira jadis un décor fameux de Robert le
Diable. Invité, même à pénétrer dans
l’église qui s’offre la coquetterie de dérober sa
lumineuse nef gothique et ses fascinants vitraux maniéristes derrière
l’une des façades les plus laides de l’hémisphère
nord.( avec Sainte Marie des Batignolles ou la Cathédrale de Genève,
il est vrai…).
A Montfort-l’Amaury, il y a, enfin, le Belvédère
modeste pavillon, à flanc de coteau, où l’illustre Maurice
Ravel, passa, dans la discrétion, un tiers de son existence.
Ici naquirent l’Enfant et les Sortilèges,
le Concerto pour la main gauche, Boléro…
En ce Belvèdère (récemment
restauré avec une prudence exemplaire) Claude Moreau –ravélienne
incollable- accueille chaleureusement un public motivé, questionneur,
heureux d’être reçu avec une compétence sans faille.
Tant de lieux de mémoire en si peu de place: on pouvait viser au delà
des Japonais voraces et des Allemands cérémonieux. Il y a dix
ans, Mme Annick de Bestegui, Hervé Planchenot (le maire) et la pianiste
Eglé de Crignis fondèrent Ravel et Montfort-l’Amaury,
association qui mit sur pied un premier festival centré autour de l’œuvre
et la personne du compositeur. Ainsi fit-on résonner, à Montfort,
des musiques aujourd’hui familières au monde entier, programmes
s’élargissant, bien sûr, à Ravel et ses amis, Ravel
et les traditions espagnoles etc.
De nos jours, la direction artistiques des Journées Ravel
est confiée à Remi Lerner et
le thème 2005 fut Si loin, si proche: la Russie.
Comme à l’accoutumée on put y applaudir aussi bien de
jeunes interprètes (frais émoulus, pour le plupart, de l’Académie
d’été de Saint Jean de Luz) que des gloires consacrées
marchant, désormais, sur les traces de J-E Bavouzet, Jacques Mercier,
Aldo Ciccolini, Dominique de Williencourt, Hélène Delavault,
Jean-François Heisser, Guillemette Laurens, Skip Sempé…
(comment nommer tout le monde ?), tous flattées d’être
invités à donner là des programmes rares (Michel Piquemal
dirigeant des chœurs de Haydn, Stravinsky et, bien sûr, les Trois
Chansons de Ravel) ou à toucher le piano (Erard) sur lequel le
Maître composa…
Affluence record, en cette année-anniversaire, pour les cinq concerts
qui furent donnés les 8-9 octobre 2005. Et quel succès pour
Olivier Charlier et Henri Demarquette, dans
la redoutable Sonate pour Violon et Violoncelle,
page hérissée où Ravel franchissait ses propres limites
et qui, lancée de la sorte, électrisa le public. Si un (trop
?) jeune pianiste chinois n’a guère convaincu dans le Concerto
pour la main gauche (avec l’Orchestre d’Ile de France
en très bonne, forme sous la direction dramatique du trop rare Moshe
Atzmon), un récital au parcours inspiré (Bach, Rachmaninov,
Ravel, Balakirev) permit à Abderhaman El Bacha (enfant
du pays, désormais) de conclure le cycle 2005 en faisant preuve, tour
à tour, d’une musicalité intime et d’une virtuosité
terrifiante (Islamey)…
On l’imagine: il y a un problème de salles. L’hospitalité
de la Galerie Samedi (Robert Guigner nous y montre chaque
année de belles toiles de peintres installées dans la région),
celle des orangeries ou des pavillons de chasse des châteaux environnants
(celle aussi de la si belle –et quasi « basque » - église
de Grosrouvre) sauvent la situation: comment reprocher à Montfort-l’Amaury
d’installer un orchestre dans un gymnase, quand Paris a si peu de salles
convenables ?
Reste que l’enthousiasme très vif (il y a même eu bien
des jeunes gens !) soulevé par les cinq concerts de cette année
permet d’envisager l’avenir avec confiance.
Maurice Ravel n’est-il pas l’ange gardien de tous les
musiciens ?
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